« Nous avons affaire là à un échec de la communication. »
Cool Hand Luke
Il y a tellement d’angles sous lesquels on peut voir la guerre en Ukraine. J’ai fait de mon mieux pour les couvrir afin d’avoir une idée de la raison pour laquelle nous en sommes là… à nous diriger vers un conflit beaucoup plus vaste.
Malgré mon profond cynisme, je suis essentiellement un optimiste. J’ai tendance à voir des issues qui font que l’humanité s’éloigne de toute sorte de solution finale. Et parfois, cela signifie qu’il faut regarder au-delà des conditions du conflit actuel et le voir dans le contexte plus large de ce que l’humanité essaie d’accomplir.
Alors n’oubliez pas, c’est mon parti pris. Il existe une solution même si les choses semblent sombres, car l’humanité a toujours reculé devant les pires de ses excès lorsqu’elle y était personnellement confrontée, du moins pendant quelques générations, jusqu’à ce que les souvenirs s’estompent.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les bons, les Alliés, ont vaincu les méchants, l’Axe, mais surtout les nazis. Je ne suis pas de ceux qui souscrivent à cette caricature des événements. Je sais que les problèmes sont bien plus profonds que cela.
Pendant la guerre, la propagande des deux camps a atteint le summum du réductionnisme. L’autre camp représentait le mal.
Poutine, quant à lui, traite à la fois les Ukrainiens de frères de la Russie et de nazis, en exagérant le génocide des Russes dans le Donbass. Alors qu’aux États-Unis, nous appelons les Russes par des noms que nous réserverions normalement aux fourmis qui envahissent notre cuisine.
Ce conflit entre Occident et Orient est un conflit de civilisation où chaque partie utilise les mots de manière très spécifique, ce qui crée l’opportunité de ce type de propagande réductrice. Dans le podcast que j’ai réalisé avec lui, Joaquin Flores a tenté d’élucider cette idée du point de vue des Russes.
Il a expliqué ce que le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, entend par le mot « neutre » en ce qui concerne l’Ukraine. Pour Lavrov et la Russie, neutre signifie faire partie du grand État de l’Union russe, faisant de l’Ukraine un partenaire de la Russie au même titre que le Belarus et bientôt le Kazakhstan.
Les États-Unis et les fourmis enragées des services secrets britanniques, qui élaborent les points de discussion de cette guerre, définissent la neutralité comme les Suisses : non alignés, un État tampon. Et ce décalage dans la définition est utilisé avec cynisme par l’OTAN et l’Occident qui promeuvent cette idée que les Russes ne remplissent pas leurs obligations internationales. Ce qui leur permet de justifier leur aide à la défense héroïque de l’Ukraine contre un envahisseur hostile.
Et la Russie est maintenant un envahisseur hostile. C’est un fait.
Promouvoir ce récit simpliste revient à ignorer les huit dernières années en Ukraine ainsi que la progression de l’OTAN en Europe au cours des 30 dernières années.
Mais c’est là que réside le fossé infranchissable entre Orient et Occident.
La faute de ce fossé incombe entièrement à l’OTAN et à l’Occident qui ont progressé régulièrement jusqu’à atteindre la frontière russe dans le Donbass. Discuter de ce sujet en d’autres termes est pathétique et n’est qu’une excuse pour exprimer son racisme inhérent et sa soif de sang vis-à-vis des Russes.
C’est ce que font tous ceux qui mettent un drapeau ukrainien sur leur fil Twitter, qu’ils en soient conscients ou non.
Vous ne soutenez pas le droit à l’autodétermination d’un peuple agissant librement ici. L’Ukraine est un État fantoche crucial pour une guerre de conquête agressive menée par ceux-là mêmes qui vous ont infligé deux ans de privations et d’humiliation à cause du COVID et qui veulent maintenant vous exploiter comme bétail fiscal tandis que vous vivez dans un Panoptique orwellien infranchissable.
La liste des griefs de la Russie est aussi longue que n’importe quel projet de loi qui passe par une commission du Congrès de nos jours. Mais les plus importants ont été les tentatives de renversement du Belarus et du Kazakhstan. Ces deux pays pivots ont été victimes de révolutions ratées visant à renverser les gouvernements en place et à installer des marionnettes contrôlées par l’OTAN, en essayant de reproduire la « victoire » en Ukraine en 2014.
Non seulement ils ont échoué lamentablement, mais ils ont surtout renforcé les objectifs de la Russie qui souhaite ramener les anciennes républiques soviétiques dans son orbite et mettre fin à leurs flirts avec l’Occident. La seule république soviétique qui reste est l’Ukraine, les pays baltes n’ont tout simplement aucune importance sur le plan stratégique.
Discuter de cette guerre autrement qu’en ces termes revient à passer délibérément à côté de l’essentiel. Et nos néoconservateurs du département d’État et de la Maison-Blanche ont résolument mené la politique étrangère de cette manière, en faisant preuve d’un niveau d’ingénuité et de crétinerie qui, franchement, ne peut être décrit sans avoir recours à des jurons de marin.
Cela ne peut que conduire à la conclusion que j’ai faite plusieurs fois. Cette guerre a été choisie par l’Occident. Elle a été conçue de cette façon. Toutes les « tentatives » de diplomatie de l’OTAN, du Royaume-Uni, de la France et des États-Unis n’étaient rien d’autre que des exercices pour gagner du temps afin de renforcer l’Ukraine pour lancer une attaque éclair dans le Donbass et sanctionner la Russie pour avoir simplement riposté.
Pourquoi ? Eh bien, franchement, pour gagner et soumettre la Russie à notre système de contrôle oligarchique, c’est-à-dire le Panoptique orwellien que je viens de mentionner. Donc, nous utilisons délibérément le terme « Ukraine » pour signifier quelque chose de complètement différent de ce que les Russes entendent par ce nom. L’Ukraine pour les Occidentaux, c’est la frontière d’avant 2014. Ce qui ne correspond plus à la réalité depuis huit ans.
Pour les Russes, la Crimée est la Russie, pas l’Ukraine. Le Donbass aurait pu faire l’objet d’une négociation à la baisse, mais l’Occident l’a complètement refusé, rejetant la mise en œuvre des accords de Minsk.
Ne vous y trompez pas, Minsk II n’était rien d’autre qu’un autre effort pour gagner du temps de la part de l’OTAN et de l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel afin d’achever Nordstream 2 et de permettre à l’OTAN de renforcer l’armée ukrainienne au point de pouvoir blitzer le Donbass de manière crédible.
Lorsque Poutine a ordonné une invasion massive et multifrontale, il a simplement anticipé une attaque qui se préparait.
Les paquets de sanctions mis en œuvre depuis lors étaient déjà prêts. Ils auraient été instaurés indépendamment de l’action de Poutine. Il n’y aurait pas eu de résultat différent, seulement un changement de dates pour le déroulement de ces événements.
L’OTAN a choisi le lieu. Poutine a choisi l’heure. Tout le reste n’est que bavardage et cacophonie.
Alors, où en sommes-nous aujourd’hui ?
Les deux parties croient juste assez à leur propre propagande pour s’en tenir à leurs stratégies.
Poutine et la Russie transforment méthodiquement l’Ukraine en un front de 1000 miles que les Forces armées ukrainiennes ne peuvent pas approvisionner. L’attaque initiale de la Russie a été conçue pour mettre à mal la logistique derrière les lignes des FAU et rendre pratiquement impossible le soutien mutuel des cellules des forces ukrainiennes sans céder de grandes quantités de territoire, si tant est qu’elles puissent sortir du contrôle du feu russe.
Les États-Unis et l’OTAN pensent qu’ils peuvent maintenant mener une guerre par procuration, transformant l’Ukraine en un Afghanistan des années 1980, en envoyant des milliards d’armes et en faisant tout ce qui est possible, à part envoyer des troupes officielles, pour transformer cette guerre en une guerre officielle entre l’OTAN et la Russie.
Les pertes des deux côtés seront horribles et élevées. Le chaos qui s’abat sur les civils ukrainiens est terrible. Les scènes qui se déroulent à Marioupol, récemment « libérée » , sont déchirantes.
L’Ukraine aurait dû se rendre dès le début, mais le Davos et l’OTAN ne le veulent pas, car cela mettrait fin à leur justification légale d’envoyer de l’aide et à leurs rêves de saigner la Russie à blanc par des sanctions et le vol pur et simple de leurs actifs étrangers.
Mais l’évolution de cette guerre se déroule exactement comme je vous l’ai dit au début. Les premières salves ont été tirées, maintenant la véritable guerre pour l’avenir de l’humanité commence au niveau juridique et financier.
La Russie a pris de nombreuses mesures intelligentes pour consolider sa position financière. Elle a maintenu le flux de gaz vers l’Europe pour y laisser les lignes de communication ouvertes. Mais comme l’UE n’est pas un acteur fiable, la Russie l’a inscrite sur la « liste des pays inamicaux » qui sont désormais autorisés à payer leurs exportations russes en roubles (annonce faite par Poutine en début de semaine) ou en or (annonce faite hier).
La réponse à cette décision sur Twitter aujourd’hui a été hilarante. Il est clair que le point de discussion est sorti des centres de relations publiques, à savoir que la Russie « viole ses contrats » en exigeant d’être payée dans une autre monnaie que celle prévue dans le contrat.
Dans un environnement post-sanctions où la monnaie du contrat devient inutile pour l’une des parties au contrat, ce contrat n’est plus valable. Il s’agit d’un problème de base du contrat d’adhésion où une partie a forcé une autre à se placer dans une situation incompatible avec le contrat.
Et quand c’est le cas, le contrat tel qu’il est écrit est invalide. Point final.
Cette leçon peut être appliquée à l’ensemble de ce conflit et on peut voir que l’OTAN, les États-Unis et l’Europe ont renoncé à leurs responsabilités envers la Russie à maintes reprises – START, INF, Budapest, Minsk, etc. – tout en estimant pourtant avoir toujours la légitimité, en vertu du droit international, de traiter la Russie d’agresseur et d’intensifier le conflit.
C’est puéril et irresponsable, mais c’est aussi si typique de Davos. Lorsque vous êtes la puissance supérieure, vous pouvez faire respecter les règles du contrat ou les rompre et laisser l’autre personne se tortiller. Les contrats ne comptent que si les gens les respectent.
Comme l’ont souligné tous ceux qui ont un peu de matière grise en état de marche, la Russie a le vrai pouvoir ici parce qu’elle produit ce dont le monde a besoin, alors que les gens qui poussent à cette guerre le font à partir d’une base de plus en plus fragile d’actifs en papier.
Donc, que les contrats soient maudits, ce sera or ou roubles en échange du gaz naturel pour l’Europe inamicale.
C’est le bitcoin ou les monnaies locales pour tous les autres.
L’Ukraine sera neutre. La Chine restera amicale. Les mots comptent du moment qu’une personne veuille qu’ils comptent.
Et de mon point de vue, ces dix dernières années, les Russes ont respecté leurs paroles alors que l’Occident les a utilisées comme des armes.
Si nous vivons dans un monde où les accords ne sont qu’une extension tactique de la guerre, alors la Russie, en arrachant le pansement en Ukraine, a mis fin à cette illusion.
Les deux parties ne s’écouteront pas jusqu’à ce que l’une d’entre elles y soit contrainte, par les faits sur le terrain ou à cause de la plomberie du système financier. Le résultat final sera un monde avec un nouveau Rideau de fer. Les sanctions resteront en place jusqu’à ce qu’il y ait une révolution politique complète de part et d’autre.
Je parie que cela se produira en Occident, car il est psychologiquement et culturellement beaucoup plus faible.
L’Occident et l’OTAN pensent qu’ils peuvent provoquer un changement de régime en Russie en faisant perdre leurs yachts à certains oligarques. Les Russes pensent qu’ils peuvent remporter une victoire sur le terrain en Ukraine tout en mettant à mal le système monétaire de l’Occident, fondé sur le pétrodollar et l’or papier.
Aucun des deux camps n’a encore subi suffisamment de dommages pour revenir sur ses positions. Biden s’est levé à l’OTAN, à Bruxelles, et a dit au monde que des pénuries alimentaires allaient arriver et que nous devions les supporter à cause de la Russie.
Le Davos tente intentionnellement, par le biais de Biden, Blinken et l’OTAN, de détruire l’économie mondiale afin que personne n’ait besoin de l’énergie russe tout en tuant des millions de consommateurs inutiles supplémentaires.
Les Russes ont répondu : nous acceptons l’or ou les roubles pour le blé et le gaz, mais pas les euros ou les dollars inutiles. Au même moment, ils ont fini de se débarrasser du bataillon Azov dans l’importante ville portuaire de Marioupol, clé de l’industrie des semi-conducteurs.
Puis j’ai lu sur Zero Hedge que les Russes sont tellement fatigués d’écouter les mensonges des responsables américains qu’ils ne prennent même plus les appels sur leurs « lignes directes de désescalade » entre les hauts responsables militaires. Seuls les opérateurs de bas niveau parlent.
Mais le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a déclaré dans un communiqué que les responsables russes « ont jusqu’à présent refusé de s’engager » .
… « Nous devons éviter un scénario dans lequel l’OTAN et la Russie se dirigent comme des somnambules vers une guerre parce que les hauts dirigeants ne peuvent pas prendre le téléphone et s’expliquer mutuellement sur ce qui se passe » , a-t-il ajouté.
Les seuls à se diriger comme des somnambules vers une guerre OTAN/Russie seront les néoconservateurs qui pensent encore que quelques défaillances logistiques autour de Kharkov et de Kiev équivalent à une armée russe suffisamment faible pour être forcée à la soumission. Très bientôt, le Davos réalisera qu’ils ne peut pas gagner une guerre contre un Sud uni qui a l’intention de se dédollariser et de réévaluer ses échanges en or réel, et non en papier, et en barils de pétrole réels.
Ce sera seulement là qu’il voudra discuter.
À ce moment-là, malheureusement, les cimetières de l’Ukraine, de la Russie et de l’Occident déborderont.
Tom Luongo
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