19 avril 2022

Jean Castex révèle que le scénario Cazeneuve de 2017 pour neutraliser une élection de Marine Le Pen est toujours d’actualité

Peut-on imaginer en cas d'élection de Marine Le Pen, que le gouvernement sortant et l'appareil d’État fassent de la résistance passive et tâchent d'entraver la transition démocratique? Une remarque apparemment anodine du Premier ministre Jean Castex ce matin vient nous rappeler utilement que le système en place, qui est outrageusement rangé derrière le candidat Macron, pourrait avoir la tentation de s'accrocher au pouvoir au nom de la République à sauver de l'extrême droite". Quelle est la plausibilité d'un tel scénario. Juste où peut-il aller? Jean La Gaffe vient de nous rappeler qu'un tel scénario a existé en 2017 et reposait sur le Premier ministre de l'époque, Bernard Cazeneuve.

Si l’on en croit le fil de France info, Jean Castex affirme deux choses contradictoires: il démissionnerait de son poste de Premier ministre immédiatement après la présidentielle mais resterait en poste jusqu’aux élections législatives qui auront lieu à la mi-juin soit deux mois après l’élection éventuelle de Marine le Pen. Ce que dit Jean Castex est tout simplement impossible. 

En effet, formellement, le mandat d’Emmanuel Macron, qui a commencé un 14 mai, s’achève le 13 mai 2022 au soir au plus tard. Le deuxième tour de l’élection présidentielle devait, pour cette raison, être fixée au plus tard dix jours avant cette date. Un président sortant, en effet, sauf s’il est réélu, ne peut pas rester en fonction plus de dix jours après l’élection de son successeur. Mais cette dizaine de jours est nécessaire à l’exercice d’une bonne transition.

Le dimanche précédent le 13 mai – le 8 mai – ne pouvait pas convenir. Et l’on n’a pas voulu organiser un deuxième tour d’ élection présidentielle un 1er mai. On s’est donc rabattu sur la date du 24 avril. En pratique, cela signifie qu’une passation de pouvoir, en cas d’élection de Marine Le Pen, devrait avoir lieu le 4 mai. 

Marine Le Pen présidente nommerait dans la foulée un nouveau Premier ministre. Et donc Monsieur Castex – dont on se rappelle qu’il aurait démissionné selon ses propres dires, ne resterait pas au-delà de la fin de semaine des 7-8 mai. A moins qu’il soit en train de nous révéler que le pouvoir macronien a ressorti des cartons un scénario imaginé en 2017 par François Hollande. 

Le scénario de 2017 réactivé?

Ou bien Jean Castex nous révèle-t-il , fidèle à sa réputation de gaffeur, qu’il règne un certain état d’esprit dans les milieux gouvernementaux et une partie de l’appareil d’Etat. Certains seraient-ils enclins à la résistance passive pour “défendre la République contre l’extrême droite”? 

En fait, comme L’Obs l’avait révélé le 17 mai 2017, alors qu’Emmanuel Macron était installé à l’Elysée, François Hollande avait élaboré un véritable plan: 

Le plan n’a jamais été écrit noir sur blanc, mais tout était fin prêt. Son déroulé était si précisément envisagé qu’une poignée de membres du gouvernement, de directeurs de cabinet et de très hauts responsables de l’Etat peuvent encore le décrire de tête, étape par étape. Ce plan, qui pourrait s’intituler “Protéger la République”, a été construit de façon informelle alors que la candidate du Front national grimpait dans les sondages et que des remontées d’informations faisaient craindre des troubles majeurs à l’ordre public si elle était élue“. 

D’abord, le pouvoir anticipait des troubles à l’ordre public et un mouvement social: “Des mouvements d’extrême gauche, plus ou moins implantés, chercheront sans nul doute à organiser des manifestations dont certaines pourraient entraîner des troubles sérieux“, avaient écrit les services de renseignement en collaboration avec la Direction centrale de la Sécurité publique (DCSP), dans une note révélée le 22 avril 2017 par Le Parisien

Il n’est pas difficile d’imaginer que le pouvoir aurait fait ce qu’il fallait pour susciter ces troubles. 

Deuxième étape: Les mesures préventives se mettaient en place. L’état d’urgence était maintenu et Bernard Cazeneuve , Premier Ministre et ancien ministre de l’Intérieur restait en place. “Certes, le maintien en poste du Premier ministre est contraire aux usages républicains, mais sa démission n’est en rien une obligation constitutionnelle“, soulignait L’Obs en mai 2017

Tiens, tiens!  Jean Castex nous a donc bien révélé que le même plan reste d’actualité. Il s’est pris les pieds dans le tapis car le Premier ministre de l’époque, Bernard Cazeneuve, n’envisageait pas de démissionner. Mais cela n’en rend que plus évidente la reprise du plan par l’actuel président sortant et son Premier ministre. 

Le Parlement était convoqué rapidement au nom de l’état d’urgence pour débattre de  “la crise nationale provoquée par les violences qui ont suivi le scrutin”.  Le scénario était écrit d’avance: des élus exigeraient le maintien du Premier ministre et de son gouvernement.  

La passation de pouvoir aurait bien eu lieu  quelques jours plus tard entre François Hollande et Marine Le Pen. Mais elle aurait été obligée de garder Bernard Cazeneuve. “Le suffrage universel aurait été respecté, même si la nouvelle présidente se serait vu imposer une cohabitation forcée“, écrit L’Obs

On voit donc que Jean Castex n’a pas tout compris du rôle qui l’attend en cas de victoire de Marine Le Pen. Mais il a vendu la mèche ! 

Un scénario invraisemblable?

On voit bien tout ce qui pourrait aller dans le sens d’un tel scénario: 

  • une victoire de Marine Le Pen à 51% avec 30% d’abstention pourrait être présentée par un système médiatique presque entièrement acquis au président sortant comme non légitime. 
  • la candidate n’a jamais exercé de responsabilité ministérielle et elle peut apparaître comme novice. 
  • la virulence de l’extrême gauche, qui a récemment saccagé la Sorbonne est une réalité. 
  • Toute une partie de l’appareil d’Etat a abandonné la neutralité. 

Cependant, d’autres raisons rendent un tel scénario invraisemblable: 

  • d’abord Jean Castex n’est pas Bernard Cazeneuve. L’homme a déjà du mal à comprendre le scénario actuellement. Que saurait-il faire en pratique? 
  • La détestation d’Emmanuel Macron ne doit pas être sous-estimé. On ne fait pas de coup d’Etat, même feutré, sans avoir avec soi la police et l’armée. Il n’est pas sûr que le gouvernement actuel y conserve beaucoup d’amis, même parmi les hauts gradés. 
  • Une victoire de Marine Le Pen au suffrage universel, à la troisième tentative, représenterait une véritable performance, vu le nombre d’obstacle qui se sont dressés, depuis le “cordon sanitaire” de François Mitterrand et les moulinets antifascistes de Jacques Chirac jusqu’à aujourd’hui contre la famille Le Pen. Il est donc certain que la candidate bénéficierait pendant quelque temps d’un “état de grâce” et d’un réel soutien de tous ceux qui veulent “remettre la France en ordre”. 
  • le scénario de 2017 avait comme première faille l’incertitude sur la réaction, aux législatives, d’un corps électoral que l’on aurait voulu priver se sa victoire. 

Bien entendu, tout dépendrait de la capacité de la candidate à asseoir son autorité. Et il faut avoir en tête aussi l’agitation internationale, en particulier au sein de l’UE. Mais là encore parions sur la sidération d’un establishment qui ne s’attend pas à ce que la France “vote mal”. 

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