10 mars 2022

Guerre en Ukraine : Israël tente de jouer les médiateurs entre Kiev et Moscou

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Le premier ministre israélien, Naftali Bennett, n’a pas hésité à briser son shabbat, le jour de repos hebdomadaire rituel juif, samedi 5 mars, pour se rendre urgemment à Moscou, dans l’espoir de faire avancer les négociations sur la guerre en Ukraine. C’est le premier chef d’État étranger que Vladimir Poutine rencontre depuis le début de l’invasion russe. Hormis l’invasion russe elle-même, les deux hommes ont parlé pendant « environ trois heures » de la communauté juive en Ukraine et en Russie, ainsi que des négociations sur le nucléaire iranien.

Sur le chemin du retour, Naftali Bennett est passé par Berlin pour rencontrer le chancelier allemand, Olaf Scholz. Le premier ministre israélien s’est aussi entretenu depuis avec les présidents américain et français, et plusieurs fois avec l’Ukrainien Volodymyr Zelensky. Le fait qu’il n’y ait pas eu plus de fuites sur sa visite pourrait être bon signe pour ses efforts de médiation – mais Naftali Bennett a tenu à ménager les attentes : « Même si nos chances de succès ne sont pas extraordinaires… nous avons l’obligation morale de continuer », a-t-il déclaré dimanche devant son cabinet.

« Israël a beaucoup à perdre si la guerre continue »

Les positions russe et ukrainienne – démission du gouvernement à Kiev et capitulation d’un côté, retrait total des troupes russes de l’autre – semblent irréconciliables. Pourtant, l’État hébreu est dans une situation unique et pourrait créer la surprise : « Poutine et Zelensky ont tous les deux acquis une certaine confiance dans le gouvernement israélien », avance Zeev Khanin, politologue à l’université de Bar-Ilan et spécialiste de la communauté russophone en Israël.

L’initiative, tenue secrète, a été bien accueillie en Israël. Cela donne au petit État un air d’importance qui n’est pas négligeable. C’est aussi une réponse aux attentes des Israéliens. L’opinion publique est uniformément rangée du côté ukrainien, mais elle est aussi consciente de l’importance de garder des bonnes relations avec la Russie, qui maîtrise l’espace aérien syrien. « Israël a beaucoup à perdre si la guerre en Ukraine continue », ajoute Zeev Khanin, comme sa liberté d’action dans l’espace aérien syrien.

L’atout Ze’ev Elkin

Dans ce pays au carrefour des traditions politiques occidentales, moyen-orientales et slaves, l’obsession nationaliste virile de Vladimir Poutine inspire aussi un certain respect. Naftali Bennett avait dans ses bagages un atout majeur : Ze’ev Elkin, l’actuel ministre du logement et des affaires de Jérusalem. Élu du Likoud depuis 2008 et proche de son chef, Benyamin Netanyahou, Ze’ev Elkin a créé la surprise aux dernières élections en rejoignant le parti sécessionniste Nouvel Espoir, puis le nouveau gouvernement de Naftali Bennett.

Né et élevé à Kharkiv, en Ukraine, d’où il a émigré en 1990 à 19 ans, ce membre convaincu de la mouvance religieuse sioniste accompagnait régulièrement le sempiternel premier ministre israélien dans ses voyages à Moscou. Il incarne à lui seul le rapprochement linguistique, culturel et politique qui s’opère depuis des années entre Israël et la Russie.

Menace existentielle

Les autres membres de l’équipe Bennett, eux, se focalisent plutôt sur le dossier du nucléaire iranien. Du point de vue israélien, les deux problèmes sont intimement liés. L’État hébreu, farouchement opposé à tout ménagement des intérêts iraniens, voit la communauté internationale, obnubilée par la guerre en Ukraine, se détourner de ce qu’il considère comme une menace existentielle.

Samedi, la Russie a freiné son soutien à l’accord sur le nucléaire, conditionnant son aval à un aménagement des sanctions occidentales. L’Iran ne voit pas d’un bon œil cette jonction des deux sujets, alors que les discussions semblaient avancer dans la bonne direction.

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