01 février 2022

Coup de froid sur la demande de bio, « tout le monde est déçu »

http://

Après des années florissantes, la consommation de produits bio amorce un recul qui entraîne une surproduction d’œufs, de lait ou de porc et met en péril la pérennité des fermes.

À la tête de deux poulaillers bio depuis trois ans dans les Côtes-d’Armor, Frédéric Chartier est amer. Aujourd’hui, « le consommateur ne suit pas. L’écart entre les discours et les actes fait très mal ». Ses œufs sont désormais vendus sous l’étiquette « plein air ». Un moindre mal pour le quadragénaire. Il ne devrait pas refaire du bio en 2022.

Si elles venaient à se multiplier, ces sorties de l’agriculture biologique compromettraient l’objectif national d’atteindre 18 % de surfaces agricoles en bio en 2027 (contre 9,5 % fin 2020). Selon l’Agence bio, le taux de « déconversions » est quasi stable, à environ 4 %, soit « un peu plus de 2 200 exploitants qui ont quitté les rangs des 53 000 bios ».

La tendance s’est inversée

La consommation de produits bio, qui excluent engrais et pesticides de synthèse, connaissait jusque-là des croissances à deux chiffres en supermarché, jusqu’à +23 % en 2018.

Mais « on a assisté en 2021 à quelque chose d’inédit, la courbe s’est retournée », retrace Emily Mayer, experte des produits de grande consommation à l’institut IRI. Par rapport à 2020, les ventes ont reculé de 3,1 % en valeur. La baisse est spectaculaire pour la farine (-18 %), le beurre (-12 %), le lait (-7 %) ou les œufs (-6 %).

Les fruits et légumes frais bios sont aussi en « vrai décrochage », avec des volumes d’achats en baisse de 11 % sur un an, selon l’interprofession Interfel.

2020 a été atypique, avec des confinements pendant lesquels « les gens consommaient ce qu’il restait dans les rayons », dopant artificiellement le bio, mais avec 5,1 % de part de marché en 2021, « le bio stagne » constate Emily Mayer qui évoque un « frein prix indéniable » pour ces produits « en moyenne 50 % plus cher qu’en conventionnel ».

Trop de lait et de poules bio

Cette crise de croissance intervient alors que nombre d’agriculteurs arrivent sur le marché du bio, après avoir été encouragés par des industriels… Qui actionnent désormais le freinage d’urgence.

Le géant laitier Lactalis a dû écouler « plus de 30 % de la collecte du lait bio […] au prix du lait conventionnel » en 2021. Le groupe, qui assure avoir « porté » le coût de ce déclassement, demande aux éleveurs de « modérer les volumes » et gèle les nouveaux projets de conversion.

Dans un courrier au ministre de l’Agriculture, des organisations de producteurs de l’ouest de la France et des industriels estiment qu’il y a 1,15 million de poules bio « en excédent face aux besoins actuels du marché », soit « 14 % de l’effectif total en poules bio ».

En porc, seul 1 % du cheptel national est bio. Pourtant, « on est en pleine crise de surproduction », constate Laurent Guglielmi, à la tête d’une entreprise transformant 300 porcs bio par semaine, vendus dans des enseignes spécialisées.

Du fait des tensions sur le pouvoir d’achat, « on voit bien que les clients ne sont plus chez Biocoop, ils sont chez Lidl ». Également éleveur, il avait démarré son activité bio en 2018, quand le marché français manquait d’approvisionnement local. « On y croyait. » Désormais, « tout le monde est déçu ».

Source

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.