Bien malin celui qui saura dire combien de temps encore dureront les manifestations des camionneurs canadiens et leur convoi de la liberté : leur détermination semble sans faille mais celle du gouvernement Trudeau à les déloger monte à mesure que l’impact économique est de plus en plus fort. Et c’est justement ce dernier qui importe, et qui permet déjà de tirer une leçon du mouvement canadien.
Il aura donc fallu faire intervenir la police pour arrêter des manifestants sur le Pont Ambassador, l’un des principaux axes de circulation entre le Canada et les États-Unis : depuis plusieurs jours, ces camionneurs bloquaient en effet le passage entre les deux pays et, notamment, l’acheminement de pièces détachées dont les industries automobiles de Détroit ont besoin pour produire leurs véhicules. Apparemment, le blocage d’une économie ne peut se faire que décidé par le gouvernement et seulement si seuls des petits commerces, des restaurants et des cinémas doivent en souffrir…
À présent, le pont est libéré délivrééé mais une question
pourrait occuper les esprits : retrouvera-t-on suffisamment de camions
et surtout de camionneurs pour convoyer les précieuses pièces ? Plus
généralement et si l’on regarde ce qui se passe à Ottawa, en imaginant
que les services de l’ordre, commandités par Trudeau et son
gouvernement, décident de coller en prison tous ceux qui participent
activement aux manifestations actuelles, auront-ils suffisamment de
cellules, comment vont-ils procéder pour retirer rapidement les camions qui encombrent le centre ville et, plus important encore, comment vont-ils s’assurer que seront rapidement rendus les services fournis par ces camionneurs ?
Il y a en effet un souci d’efficacité et de rapidité : ceux des camionneurs qui ont été emprisonnés, ou qui vont continuer à refuser purement et simplement de travailler (qu’ils aient ou non leur camion) représentent une proportion qui, même en étant loin d’être majoritaire, est suffisante pour nettement amoindrir les capacités d’adaptation des chaînes logistiques auxquelles ils participaient.
Dit autrement, ces individus, même sans faire la moindre démonstration de force ou le moindre blocage, peuvent accroître les problèmes logistiques importants rien qu’en restant chez eux.
On a d’ailleurs vu, en grandeur réelle en France, ce que suspendre quelques pourcents d’une profession peut provoquer en terme de désorganisation dans la société : l’interdiction d’exercer faite aux personnels soignants non vaccinés continue actuellement de mettre une pagaille notoire dans les services hospitaliers (publics et privés), même si le gouvernement refuse bien évidemment de l’admettre.
En pratique, on constate fort simplement que, pour fonctionner sinon optimalement au moins de façon correcte, une société a besoin d’une grande partie de ses éléments et, par dessus tout, d’une proportion élevée de consentement des individus aux règles édictées, aussi farfelues soient-elles. Et par « grande proportion », il ne s’agit pas ici de dire « une majorité », mais bien une quasi-totalité.
Beaucoup ici confondent l’approbation d’un pouvoir en place, qui rassemble essentiellement ceux qui ont voté pour celui qui a décroché la queue du Mickey au manège électoral et ce qui représente péniblement plus de 50% des votants (et souvent une minorité des citoyens), avec le consentement à vivre et travailler dans une société policée qui, lui, a besoin d’un assentiment à plus de 99%. En effet, aucune société moderne n’est capable de fonctionner durablement si plusieurs centaines de milliers d’individus s’arrêtent brutalement de travailler ; bien évidemment, et au contraire du crédo gauchiste un peu simpliste, tous les individus ne sont pas égaux en la matière et la nature des individus concernés importe : si, par exemple, venait à s’arrêter tout travail une petite proportion de camionneurs (ou de conducteurs en général, depuis les voitures jusqu’aux avions en passant par les engins de chantier), de personnels soignants, d’informaticiens, j’en passe et des meilleurs, la société toute entière en serait affectée de façon extrêmement rapide et avec un impact de plus en plus fort à mesure que l’arrêt se prolongerait.
Or, et c’est véritablement la démonstration magistrale des camionneurs canadiens, cette proportion n’a absolument pas besoin d’être élevée. Mieux encore : il n’y a pas besoin ici d’une manifestation visible pour obtenir un effet majeur. Par définition et parce que nos sociétés capitalistes sont entièrement basées sur la spécialisation, remplacer des individus qualifiés au pied levé est d’autant plus dur que la formation n’est ni gratuite, ni rapide. Un chauffeur, un pilote, une infirmière, un taxi qui manque, cela se gère ; en revanche, quelques pourcents d’entre eux qui, brutalement, restent chez eux, pacifiquement, et ce sont des pans entiers de la société qui s’arrêtent, l’économie qui ralentit et les coûts de contournement qui s’envolent.
Dans ce contexte, on comprend pourquoi le pouvoir de Trudeau (et de n’importe quel gouvernement, en réalité) n’existe que par le consentement plus ou moins inconscient de quasiment tout le monde, et pas seulement des 50% plus une voix que la démocratie suppose. Il n’y a pas 1% des Canadiens dans la rue, et il n’y a pas 50% des camionneurs non plus, mais dès lors qu’une très faible proportion n’y croit plus et refuse de participer, l’illusion du contrôle et du pouvoir s’évanouissent d’un coup.
Ces camionneurs viennent en fait de démontrer que le pouvoir des individus est bien plus fort et bien plus profond que ce qu’on croit à première vue : même un petit nombre d’entre eux suffit à faire cesser le consentement artificiel.
En réalité, ce qui permet au consentement artificiel de durer, c’est la croyance, fausse, d’isolement de chaque individu, de sa propre impuissance. Dès lors qu’il apparaît qu’on n’est pas seul, qu’on peut même se coordonner pour afficher clairement son refus, l’illusion du consentement unanime disparaît.
Cette croyance d’isolement est sans doute LA raison pour laquelle les dirigeants ont toujours combattu la libre circulation des idées et des informations : le noyautage des médias (par subvention, par corruption ou par pression sociale) est indispensable pour s’assurer que ceux qui refusent de consentir n’auront aucune publicité, qu’ils resteront isolés ; la multiplication des lois de contrôle de l’information sur internet et la censure active ou rampante des réseaux sociaux participent exactement du même but : garantir que ceux qui pourraient s’organiser de façon spontanée et indépendante ne pourront pas le faire.
Avec le succès des camionneurs, la fraude intellectuelle du consentement unanime a été levée. Cette fraude devenue impossible à faire perdurer, il ne reste plus que la violence au gouvernement de Trudeau.
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