Face aux nouveaux variants de Covid-19, la Haute autorité de Santé conseille désormais la thérapie par anticorps monoclonal Xevudy. Un médecin hospitalier et un professeurde pharmacologie analysent les chances de cette "thérapie précoce".
Le 7 janvier, la Haute Autorité Sanitaire (HAS) a donné son feu vert à l’utilisation du Xevudy (sotrovimab) dans le traitement curatif du Covid-19. Si on parle d’"accès précoce" à ce nouveau traitement, il s’agit néanmoins d’une utilisation dans un cadre hospitalier et il est destiné "aux adultes et adolescents de 12 ans et plus infectés et qui présentent un risque de forme sévère".
La
prophylaxie à large échelle en population générale repose toujours
exclusivement sur la vaccination. Les anticorps monoclonaux ou "anticorps fabriqués par des cellules en culture pour traiter des maladies spécifiques"
occupent pour leur part une place significative dans la prise en charge
du Covid-19 à l’hôpital. Fin décembre, la part des patients contaminés
par Omicron à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris approchait les
19%.
Un médecin hospitalier a confié à Sputnik, sous couvert d’anonymat, son avis sur le sotrovimab, souvent présenté dans les médias comme une réponse à la déferlante Omicron.
"Je
ne connais pas son efficacité possible, mais je dirais la même chose
que disait le Dr Raoult il y a quelque temps: je ne vois pas bien
comment ce médicament peut se positionner en termes de stratégie",
explique le praticien.
La raison de son scepticisme est simple: il s’agit d’un médicament "à usage hospitalier via une perfusion et censé être utilisé tôt", dans les premiers jours de la maladie, avant qu’il y ait aggravation, laquelle "arrive entre le cinquième et huitième jour des symptômes".
Une stratégie incohérente
Or, notre interlocuteur pointe de doigt "un grand problème d’accès à l’information": pour que ce médicament puisse être administré, il faudrait que les médecins soient au courant –"et pas seulement les médecins hospitaliers"– pour qu’ils puissent "recruter" les patients répondant à ces critères, afin de les envoyer à l’hôpital à temps. Mais ce n’est pas tout :
"Il
faudrait aussi que les patients soient au courant, donc qu’ils aient la
consigne de chercher un contact médical dans les premiers jours des
symptômes. Pour l’instant, nous en sommes toujours à la consigne “restez
chez vous et prenez du doliprane”", déplore le médecin.
Le praticien hospitalier nous fait part de "nombreux"
cas observés parmi ses patients: au cabinet de leur généraliste, ils
tombent sur un secrétariat qui leur donne ce conseil vieux comme
l’épidémie. Ainsi, la stratégie d’emploi du Xevudy entre-t-elle en
contradiction avec la politique générale de lutte contre le Covid. Un
écart entre la théorie et la réalité du terrain qui rend sceptique notre
interlocuteur :
"La
stratégie actuelle ne permet pas d’utiliser ce médicament, puisque les
patients ne sont examinés [à l’hôpital, ndlr] que quand ils ont des
formes graves. J’ai du mal à croire que ce médicament soit vraiment
utilisable, connaissant la difficulté actuelle de faire tourner les
hôpitaux, avec leur saturation et le manque du personnel."
Du point de vue de ce médecin hospitalier, utiliser le sotrovimab reviendrait en outre à "faire venir beaucoup du monde à l’hôpital". Et même s’il s’agit d’"un temps très court, juste quelques heures", notre interlocuteur n’est pas certain que les établissements "aient suffisamment de personnel pour le faire".
"Une situation impossible"
Pour
notre interlocuteur, un accueil soigné et approfondi par un médecin de
ville constituerait un début de solution à ce problème et, plus
largement, "un début de premier traitement".
"Les
médecins généralistes ont été mis de côté dans la gestion de cette
maladie. Si on veut l’utiliser [le Xevudy, ndlr], on devrait les faire
intervenir. Ça me paraît mal pensé stratégiquement", souligne le médecin
hospitalier.
Cette proposition se fonde sur le constat que "beaucoup de gens n’arrivent pas à avoir un contact avec leur médecin généraliste et se retrouvent dans une situation impossible". L’information publique scande "que la maladie pourrait être grave", mais les patients n’ont pas suffisamment de repères "pour savoir à quel moment ça risque d’être grave".
"Ils
sont en situation de panique. Ils ne peuvent pas être rassurés parce
qu’on leur refuse un contact médical particulier. On leur a martelé
qu’ils devaient rester isolés. On a une situation beaucoup plus
anxiogène que vis-à-vis de n’importe quel autre virus. C’est forcément
défavorable", détaille le médecin.
Ainsi, être reçu par un médecin de famille "serait un facteur de diminution du stress et de réassurance". Notre interlocuteur reste persuadé que "même en dehors des médicaments" recommandés ou non par la HAS, recevoir les malades et leur donner des conseils sur la respiration ou l’alimentation "peut améliorer beaucoup leur situation". De même, un médecin de famille peut aussi guider le patient, "notamment pour surveiller à domicile l’oxygénation et la saturation" afin d’essayer de repérer le passage à la pneumonie le plus rapidement possible. "J’ai rarement vu cette surveillance proposée, alors qu’elle est utile", déplore notre contact.
Efficace, le Xevudy? "On n’en sait encore trop rien"
Tout en jugeant que l’apparition du sotrovimab en tant que nouvelle arme thérapeutique dans une pandémie "qui a beaucoup tué jusqu’à présent" est une "bonne nouvelle", Bernard Bégaud, professeur de pharmacologie à l’Université de Bordeaux, "n’applaudit pas trop longtemps".
"Il
faut remettre les choses dans la hiérarchie, à leur vraie place. Je
suis inquiet que l’on oublie que la prévention numéro un est les gestes
barrière. Deuxièmement, la vaccination. Et après, les anticorps
monoclonaux", détaille le Dr Bégaud.
Ce nouvel anticorps monoclonal spécifique à ce type de virus est-il "efficace contre le variant Omicron"? "On n’en sait encore trop rien",
répond le professeur de pharmacologie, qui doute d’être en face d’un
médicament miracle. À l’appui de son scepticisme, la HAS elle-même, qui
explique prudemment que "le mécanisme d’action de Xevudy permet d’espérer le maintien de son efficacité sur les différents variants, y compris Omicron".
"Ce n’est pas une révolution comme on essaye de nous le vendre", en conclut le professeur.
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