13 décembre 2021

Le gouvernement pourra surveiller les publications des français sur les réseaux sociaux

http://
Réponse :

Une agence nationale contre les ingérences numériques

Viginum, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères a été créé par le décret n°2021-922 du 13 juillet 2021.

Conçu en étroite concertation avec les administrations concernées et les principaux acteurs "garants de la protection des libertés", Viginum est rattaché au Premier ministre et placé auprès du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

Gabriel Ferriol, a été choisi par le Premier ministre Jean Castex pour la piloter.

Ce magistrat de la Cour des comptes, passé par le ministère des Armées comme responsable d’une équipe d’informaticiens, de scientifiques et d’analystes et par l’École nationale d’administration (ENA) sera secondé par le lieutenant-colonel Marc-Antoine Brillant.

Ce dernier a notamment dirigé la Task Force “Honfleur”, une cellule mandatée par l’exécutif pour enquêter sur une campagne de désinformation antifrançaise apparue sur les réseaux sociaux après l’assassinat en octobre 2020 de l’enseignant Samuel Paty par un islamiste.

Cette expérimentation est à l’origine de la création de Viginum.

Viginum est censé répondre au défi majeur de la menace d’ingérences numériques étrangères qui s’immiscent aujourd’hui dans le débat public.
Ingérences numériques, tentatives de manipulation des opinions sur les réseaux sociaux ou actions de piratage se sont multipliées dans les campagnes électorales occidentales ces dernières années. C’est pour les surveiller, que le gouvernement a fait le choix de créer Viginum.

L’agence se voit allouer les missions suivantes : veiller, détecter et analyser les dynamiques de propagation de contenus qui nuisent aux intérêts fondamentaux de la nation ; animer et coordonner les travaux interministériels ; contribuer aux travaux européens et internationaux. En d’autres termes, Viginum est une agence de régulation digitale qui travaille avec l’ensemble des équipes et des outils disponibles.

C’est une étape importante dans la surveillance des réseaux sociaux qui vient d’être franchie. Le Conseil d’État l’a en effet autorisée à collecter les données publiques sur les réseaux sociaux, soit «un soulagement pour l’État, qui n’a donc pas à se soumettre au débat parlementaire», relève le Figaro, puisqu’un projet de loi ne sera pas nécessaire pour définir le périmètre d’action de Viginum.


Une agence alliée des GAFA et « conseillère » des médias

Le gouvernement souhaite également impliquer les médias, qu’il entend curieusement «aider à jouer leur rôle» et les réseaux sociaux dans sa chasse à l’information jugée «incendiaire».

Le décret publié au Journal officiel prévoit que Viginum puisse travailler sur les plateformes qui nécessitent une inscription à un compte et dont l’activité sur le territoire français dépasse un seuil de cinq millions de visiteurs uniques par mois, comme Facebook, Instagram ou Twitter. Les messageries privées, comme WhatsApp ou Messenger, ne sont pas concernées.

Ces derniers mois, Viginum s’est entretenu avec les services de Cédric O, secrétaire d’État chargé du Numérique, et les représentants de Twitter, Facebook, Google, TikTok, Snapchat, Microsoft, Qwant et Wikimedia afin de discuter de la gestion des informations sur les réseaux sociaux.

“C’est très positif que l’État se dote de ce type de structures pour qu’on puisse avoir une collaboration vraiment forte”, avait réagi Anton Battesti, le responsable des Affaires publiques du géant Facebook, qui a ajouté que son groupe allait travailler avec Viginum.

Curieuse association, quand on sait que Twitter, Facebook et YouTube ont tous, à leur manière, censuré l’ex Président américain, Donald Trump. On peut, légitimement, s’interroger sur les risques que font peser ces multinationales sur la liberté d’expression.

La question qui devrait se poser à tout défenseur de la liberté est la suivante: de quel droit une entreprise privée peut-elle décider d’une information qu’elle est vraie ou fausse, qu’elle est bonne ou mauvaise, qu’elle est inoffensive ou dangereuse?

Cela veut dire qu’on donne à ces entreprises un pouvoir exorbitant sur la possibilité d’influencer de manière considérable l’opinion publique, les campagnes électorales, les choix politiques, etc.

Le but est également de sensibiliser les différents acteurs qui pourraient relayer de fausses informations sans le savoir, dont les journalistes. D’ailleurs, le CSA est largement associé à ce travail de lutte contre les fake news, qui se fera sous la direction du Secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale, le SGDSN.

«Nous souhaitons évidemment une articulation la plus forte possible avec les médias, donc avec, nous le souhaitons, des journalistes mais aussi des représentants des réseaux sociaux qui pourront être installés dans le comité d’éthique et scientifique», a ainsi précisé Stéphane Bouillon (Secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale), avant toutefois de préciser ne pas avoir l’intention de se substituer à la mission des médias sur ce sujet.

«Nous n’interviendrons qu’en toute transparence», a-t-il assuré. Le comité d’éthique et scientifique évoqué par Stéphane Bouillon sera – en plus de journalistes et d’éventuels représentants des réseaux sociaux – composé d’un membre du Conseil d’Etat (la plus haute juridiction administrative française), d’un membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), d’un magistrat, d’un ambassadeur, et de chercheurs pour veiller sur les activités de cette agence.

C’est souvent au nom de très bonnes intentions que les pires dérives ont lieu.

La macronie première pourvoyeuse de «fakes news»

Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, l’entourage d’Emmanuel Macron a été plusieurs fois montré du doigt pour diffusion de fausses nouvelles.

Début décembre 2018, plusieurs élus macronistes n’avaient pas hésité à relayer une information selon laquelle le site «giletsjaunes.com» avait été créé peu après l’élection d’Emmanuel Macron par des Américains partisans de Steve Bannon, ex-conseiller de l’ancien président américain Donald Trump.

Or, comme l’expliquait alors BFMTV, le nom de domaine existait déjà en 2014.

Pour créer un contrefeu médiatique à l’intervention musclée d’Alexandre Benalla le 1er-Mai, le conseiller spécial Ismaël Emelien avait eu l’idée de mettre en ligne un faux montage sur Twitter.

Dans une enquête publiée le 10 avril 2019, Mediapart, en association avec le chercheur indépendant Baptiste Robert, célèbre hacker français, révélait comment la communauté LREM opèrerait afin d’instrumentaliser les réseaux sociaux

La fausse attaque de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière par des manifestants le 1er mai 2019, inventée par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Christophe Castaner.

Au rang de la désinformation de la part du gouvernement et de la majorité présidentielle, la récente période de pandémie de Covid-19 a donné lieu à plusieurs sorties de route qui pourraient servir d’études de cas.

Exemple le plus fameux, la prise parole d’Olivier Veran : «Le masque est inutile si nous n’êtes pas malade.» en février 2020. Repris en cœur par le directeur de la Santé Jérôme Salomon «Le masque n’est pas la bonne réponse, on l’a déjà dit et on le répète», en mars 2020.

La suite est connue, le port du masque a été rendu obligatoire en France à la fin de l’été 2020.

Selon le rapport de Freedom House, 30 gouvernements ont manipulé Internet en 2017 pour déformer l’information en ligne. Ces tactiques auraient eu un impact dans les élections d’au moins 18 pays.

 Le trolling, le doxxing et le harcèlement constituent également un problème croissant. En 2018, 27 pays utilisaient des trolls sponsorisés par l’État pour attaquer des opposants politiques ou des militants via les réseaux sociaux. En 2019, 47 pays étaient concernés.

Quid de 2022, année d’élections présidentielles & législatives en France.

Un outil pour légitimer le pouvoir de l’exécutif ?

Conscient du fait que cette agence puisse être considérée comme un outil d’influence en ligne au service de l’exécutif français à un an de la présidentielle, le SGDSN promet la «transparence totale» sur ses actions.

Cependant, pour certains analystes, ces garanties du gouvernement ne sont pas convaincantes. Interrogé par RT France, l’éditorialiste Alexis Poulin estime que la création de cette agence est une tentative «malsaine» de contrôle de l’information, qui sera probablement orientée : «En ligne de mire [de ce nouveau dispositif] se trouvent les “ennemis officiels” russes désigné, alors qu’on ne fait pas grand cas des écoutes de la NSA.» «Par ailleurs, rien ne sera fait contre la désinformation ou la propagande qui vient de l’Etat français lui-même», estime-t-il, en rappelant que «les grands réseaux sociaux collaborent déjà avec les Etats» pour censurer certaines informations.
Fabrice Epelboin, lui, met en garde contre une «agence d’Etat» alors qu’il existe également «une armée de trolls au service de La République en marche. La vérification de l’information est un domaine dans lequel il est difficile de rester objectif et neutre. Il faudrait confier cette mission à des ONG mais, quand cela a été fait, elles ont aussi été torpillées par des partis pris»

Comment définir les lignes rouges ? Comment tracer une frontière entre une information exacte et une information fausse ? Et comment un État, lui-même sujet à une défiance, peut-il être légitime aux yeux de l’opinion pour décider de ce qui est vrai et de ce qui est faux ? Sera-t-il audible ou lui-même suspecté de manipuler l’information. 

Indépendamment de la légitimité de cette agence à protéger spécifiquement la désinformation à des fins de déstabilisation politique, il est difficile de ne pas penser si nous suivons la logique de la raison d’État, elle pourrait devenir un outil pour légitimer le pouvoir de l’exécutif, discréditer celle des opposants et surtout mettre en œuvre une limitation de la liberté d’information et de critique.

Source

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.