Revenons de quelques années en arrière, en 2012.
La Grèce, l’Espagne, l’Italie sont en faillite, la France ne vaut guère mieux et mon Frankenstein financier favori, l’Euro semble entrer dans des convulsions terminales précédant de peu une issue fatale, ce dont je me réjouis, ayant annoncé tout ce qui allait se passer dans « Des Lions menés par des Ânes », publié en 2003, livre auquel je ne changerai pas une ligne.
Mais en juillet 2012, Mr. Draghi, le nouveau gouverneur de la BCE , annonce qu’il fera « tout ce qui sera nécessaire » (whatever it takes) pour sauver l’Euro et par là il signifie que la BCE , à partir de ce moment-là, va acheter autant d’obligations Italiennes , françaises ou espagnoles qu’il le faudra, alors même que cela était formellement interdit par tous les traités européens signés avant l’arrivée de l’Euro.
Mr. Draghi disait tout simplement que les taux dans la zone euro ne seraient plus déterminés par le marché, mais par la BCE et que donc nous sortions d’une économie capitaliste pour rentrer dans une économie complètement étatisée, c’est-à-dire fasciste. Il faut se souvenir en effet que la définition du fascisme fût donnée par son inventeur, Mussolini, ancien socialiste, que je cite : « Tout pour l’Etat, tout par l’Etat, rien en dehors de l’Etat. » Remplacez l’Etat par l’Europe ou par Bruxelles et vous comprendrez ce que je veux dire.
Étant, comme tout bon libéral un ennemi irréductible du fascisme, et constatant le retour de la bête immonde, je préviens tous mes lecteurs qu’ils ne doivent garder en zone euro que ce qui n’a rien à voir avec le fascisme Bruxellois, et qu’ils doivent sortir de leur portefeuille tout ce qui, de près ou de loin touche à ce nouvel avatar de la bêtise au front de taureau, le précédent ayant eu lieu en 1981 avec le programme commun de la gauche.
Et dans les deux années qui suivent, pour parachever son forfait, monsieur Draghi force les taux longs allemands à devenir négatifs, ce qui est une absurdité et me fait sourire tout en me confirmant dans mon idée que l’euro ne peut pas durer tant que les pays européens resteront démocratiques.
Me reposant sur mes lauriers, je ne change donc pas mes recommandations qui sont encore valables aujourd’hui et qui ont plutôt bien marché depuis.
Mais, me demandera le lecteur attentif : Pourquoi avez-vous donc envie de vous donner des claques ?
La réponse est simple : parce que j’ai regardé les arbres et non pas la forêt, ce qui veut dire que j’ai commis l’erreur que condamnait Bastiat : j’ai vu ce qui était immédiatement visible et je n’ai pas été plus loin pour comprendre ce qui restait caché mais était beaucoup plus important.
Et ce qui était beaucoup plus important était que le but de l’Euro n’était peut-être pas celui que je croyais mais plus subtilement de détruire la Bundesbank, seule protectrice de l’épargne et donc de la liberté individuelle, et que cette destruction allait entraîner des conséquences gigantesques sur l’économie et les marchés mondiaux
Explications.
Revenons aux fonctions de la monnaie.
- Étalon de valeur.
- Instrument d’échange.
- Réserve de valeur
Les deux premières fonctions s’exercent ici et maintenant (comme les élections), tandis que la troisième fait intervenir le temps dans l’équation et donc les notions de débiteur, de créditeur et de transfert de pouvoir d’achat de l’un à l’autre au fil du temps, ce transfert étant gouverné par les taux d’intérêts entre les parties.
Or, l’Etat , dans nos sociétés clientélistes en tout cas, est devenu un EMPRUNTEUR qui aime dépenser ici et maintenant pour gagner les prochaines élections, et entend si possible ne pas rembourser les emprunts. Il cherchera donc à payer en monnaie de singe (inflation) tout en servant les taux d’intérêts les plus bas possibles (nous y sommes avec les taux d’intérêts négatifs), ce qui revient à dire que notre état moderne est devenu l’ennemi mortel du capitalisme puisque ce dernier requiert pour survivre une épargne rémunérée convenablement (la thèse de Schumpeter, mais certes pas celle de Keynes).
Et c’est là qu’ il faut rappeler que quand les alliés occupent l’Allemagne à la fin de la seconde guerre mondiale, les Britanniques exigent que la banque centrale allemande, la Bundesbank, soit constitutionnellement indépendante du pouvoir politique, pour justement éviter le retour d’un état totalitaire en Allemagne, ce qui était une excellente idée, qu’ils n’appliquent jamais chez eux cependant.
Et donc, quand le dollar rompit son lien avec l’or en 1971 (sous Nixon), la Bundesbank fût, de ce fait, propulsée comme gardienne des intérêts de tous les épargnants mondiaux. Et, en bons allemands qu’ils étaient, les dirigeants de la Bundesbank prirent leur rôle très au sérieux.
Que le lecteur me permette de revenir sur quelques souvenirs personnels des moments où la Bundesbank fit plier les uns après les autres les gouvernements des plus grands États.
- L’un des plus extraordinaires de ces moments eût lieu en 1987. En février 1987, les USA, l’Allemagne, la France, le Japon, la Grande-Bretagne étaient arrivés à un accord dit « du Louvre » puisque signé à Paris, précisant que ces nations œuvreraient pour stabiliser des taux de change devenus trop volatils. Arrive l’été 1987, Karl Otto Pöhl, le gouverneur de la Bundesbank, le ministre des Finances américain, Baker, l’ambassadeur des Etats-Unis en Allemagne et deux personnes avec qui je travaille de l’époque, sont ensemble dans un avion privé après une réunion internationale. Baker s’approche de K O P et lui dit que les autorités américaines attendent que la Bundesbank ne monte pas ses taux puisque les USA entrent en année électorale. Karl Otto Pohl lui répond de bien aller se faire voir, que la Bundesbank montera ses taux quand elle le voudra et quand il le faudra et que la Bundesbank n’est en rien tenue par les accords internationaux signés par des corniauds incompétents avec des irresponsables étrangers. Ambiance. La Bundesbank monte ses taux peu après et nous avons le Krach de 1987.
- Arrive la réunification allemande. Le chancelier Kohl décide de convertir la monnaie est-allemande l’Ost Mark, qui ne valait rien, en Deutschemark au ratio d’un pour un, ce qui équivalait à faire monter la masse monétaire allemande de près de 25 %. Fureur de la Bundesbank qui décide de faire monter les taux courts réels, c’est-à-dire déduction faite de la hausse des prix, à plus de 5 % et de les maintenir là tant que la masse monétaire n’aura pas été ramené à un niveau normal, ce qui déclenche une récession en Allemagne en 1992-1993.
- En dehors de l’Allemagne, dans le reste de l’Europe, les inspecteurs des finances français avaient travaillé pour créer un autre monstre avant que d’accoucher de l’Euro, qui, lui s’appelait le système monétaire européen (SME), système complétement idiot comme d’ habitude puisqu’il indiquait quand les spéculateurs pouvaient se mettre à la baisse sur une monnaie (quand elle touchait son plancher). Nos génies de Bercy avaient réussi à entraîner dans cette chimère les Italiens, les Suédois et, miraculeusement, les Anglais. Avec les taux allemands à 5 % réels, chacun de ces pays auraient dû monter leurs taux à 6 % réels, ce qui était condamné les économies locales à la dépression et donc toutes ces nations sortirent piteusement du SME (ce qui fit la fortune de George Soros), sauf la France bien sûr, qui connût, grâce à monsieur Trichet, une vraie dépression dont notre économie ne s’est JAMAIS remise, tant il est vrai que monsieur Trichet fut le vrai fossoyeur de l’industrie française.
Résumons-nous : chaque fois depuis 1971 que quelqu’un voulait procéder à l’euthanasie du rentier, chère aux Keynésiens, la Bundesbank se mettait en travers et le faisait immédiatement apparaître pour ce qu’il était, un pitre.
Voilà qui était insupportable et explique peut-être la création de l’Euro.
Ce qui nous ramène aux trois fonctions de la monnaie
- Échantillon de valeur.
- Instrument d’échange.
- Réserve de valeur.
Ce qui s’est passé de 1971 à 2012 fut à la fois remarquable et très simple.
Ceux qui avaient besoin de monnaie pour faire du commerce en une seule monnaie, (échantillon de valeur, moyen de paiement, l’ici et maintenant de l’économie) utilisent le dollar et ceux qui avaient besoin d’une réserve de valeur incorporant une mesure raisonnable du risque que le passage du temps implique, se servirent du DM.
Et donc la VALEUR DU TEMPS dans le système capitaliste fut, de facto, contrôlée par la Bundesbank de 1971 à 2012.
L’Allemagne était peut-être devenue une colonie militaire des USA mais les USA était devenue financièrement une colonie de l’Allemagne et cela grâce aux Anglais.
Le maître du temps étant la Bundesbank, cette dernière contrôlait donc de fait la politique économique de tous les pays libres, empêchant toutes les imbécilités chroniques de se produire.
Et du coup, tous les marchés obligataires du monde entier s’organisèrent autour du BUND, ce qui était bien sûr insupportable pour le Trésor américain ou les inspecteurs des finances français.
Mais il était impossible de changer le modus operandi de la banque centrale allemande puisqu’il aurait fallu changer la Constitution du pays et que jamais les allemands n’auraient accepté que leur Bundesbank fut désavouée.
Il fallait donc faire disparaître le DM, ce qui fût fait avec l’Euro.
Et quand monsieur Draghi annonça que tout le nécessaire serait fait pour sauver l’euro en juillet 2012, et que le nouveau patron de la Bundesbank nommé par madame Merkel laissa passer cette forfaiture, j’aurais dû me rendre compte que le règne de la Bundesbank sur le risque du temps était fini. En fait, ce que monsieur Draghi annonçait aux politiques de tous les pays quand il fixait les taux allemands en dessous de zéro était la réalité suivante : le pouvoir de protection des épargnants que la Bundesbank assurait depuis 1960 avait été détruit, et l’on pouvait à nouveau piller les rentiers.
Les bêtises monétaires pouvaient enfin recommencer. Et le lecteur avisé remarquera que ce ne sont pas les imbécilités monétaires qui ont manqué depuis…
Deux remarques importantes émergent de ce rappel des trente dernières années.
- Les marchés obligataires mondiaux n’ont plus de devise dans laquelle ils peuvent s’ancrer pour pouvoir offrir une réserve de valeur. Ils n’ont donc plus de lien de marché avec le temps. Or les marchés obligataires sont gigantesques (plus de 130.000 milliards de dollars de capitalisation, beaucoup plus que les marchés des actions). Que le lecteur me permette une image ici : les marchés obligataires sont dans la situation d’un immense iceberg qui se serait détaché du continent et se mettrait à flotter librement au gré des courants et des vents. Combien de Titanic vont être coulés, combien de désastres économiques vont suivre cette dérive je n’en ai pas la moindre idée, mais je sais que cela va être dramatique.
- Le gouvernement Chinois, comme je n’ai cessé de l’écrire depuis des années, semble avoir compris que de ne pas avoir une mesure du temps est un désastre et offre un nouvel ancrage aux marchés obligataires mondiaux, le sien. Mais chacun pourra remarquer que depuis que cette possibilité existe, d’un seul coup, la Chine est devenue « persona non grata », ce qui ne me surprend pas tant que cela.
Quand j’analyse tout cela tranquillement et sans parti pris, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il n’y a que deux hypothèses, la première que nous sommes gouvernés par de cyniques imbéciles, toujours la plus probable, et la seconde que tout cela est voulu et que l’idée est de foutre en l’air nos monnaies puisque les états démocratiques ne pourront en aucun cas rembourser leurs dettes. Le but dans ce cas semble être de remplacer nos monnaies par des « coupons » imprimés par les banques centrales, à présenter à Carrefour ou chez Auchan, chacun d’entre nous recevant sa ration de ticket chaque mois sans aucune considération des efforts fournis par les récipiendaires, ce qui semble indiquer que les concepteurs de cette politique veulent vraiment changer de société, en remplaçant la liberté par la contrainte et l’initiative individuelle par la soumission. Des postes de surveillants de camps de concentration vont sans aucun doute très bientôt être offerts à ceux qui cherchent un travail exaltant et je ne doute pas une seconde que je serai l’un des premiers résidents permanents de ce qui sera très vite le domicile de l’élite intellectuelle du pays.
Et à dire vrai, je ne sais pas laquelle des deux hypothèses est la plus terrifiante.
Je pensais que l’Euro ne pouvait survivre que si les pays européens cessaient d’être des démocraties, ce qui me semblait impossible. Je n’en suis plus si sûr.
La route de la servitude est ouverte, elle est large et bien pavée, nos états et nos médias nous poussent amicalement dans la bonne direction.
Je crois cependant que je vais sortir de l’autoroute et prendre le chemin de montagne.
Au moins les rencontres que j’y ferai seront intéressantes.
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