L’Union européenne a autorisé à nouveau l’utilisation, à partir du 7 septembre, de protéines de volailles transformées dans l’alimentation des porcins, et vice versa. Le cannibalisme sera désormais interdit pour éviter les contaminations croisées. Conformément au règlement de la Commission européenne du 16 janvier 2013, « l’utilisation de protéines animales dans l’alimentation des ruminants est interdite ».
Les protéines animales coûtent moins cher que le soja
En Europe, les mesures sanitaires prises dans les années 90 ont éradiqué l’épidémie de la vache folle. «
“Ces mesures sont toujours en place, mais elles coûtent très cher”, ce
qui pousse les industriels et certains responsables sanitaires à pousser
en faveur de leur élimination, “pour recommencer à recycler ces
protéines de bonne qualité” au lieu de les jeter, observe Olivier Andreoletti », chercheur vétérinaire.
Pour nourrir ses animaux, la France dépend des importations — 3,7 à 4,5
millions de tonnes de tourteau de soja par an — et le cours du soja a
augmenté à cause de la pandémie (voir graphique).
Derrière les farines animales se cache un enjeu de souveraineté alimentaire. Le ministère de l’Agriculture est censé veiller au grain. Afin de relocaliser l’alimentation des animaux d’élevage, en 2020, il a lancé le plan France relance, en faveur du développement des protéines végétales. Son budget est de 120 millions d’euros, mais… le plafond de subventions n’est que de 3 000 € HT par demande.
L’épidémie de la vache folle due aux farines animales
Entre 1996 et 2014, la maladie de la vache folle a fait 231 victimes, dont 178 au Royaume-Uni et 27 en France. L’alimentation des bovins par des farines obtenues à partir de carcasses bovines et de cadavres d’animaux a été l’une des causes de l’encéphalopathie spongiforme bovine (Creutzfeldt-Jakob chez les êtres humains). Elle est due à une conformation anormale de la protéine prion qui s’accumule dans le cerveau et en détruit les cellules.
Les principales mesures prises contre l’épidémie
L’interdiction, en 1989, d’importation des farines de viande et d’os britanniques, a été suivie par l’interdiction des farines de viande et d’os dans l’alimentation des bovins, par la suppression des cadavres et abats à risque et, en 2000, par l’interdiction totale de l’utilisation des farines animales pour tous les animaux destinés à la consommation humaine. L’Europe a fini, en 2001, par interdire les farines animales d’origine bovine.
L’Europe veut imposer le CETA même aux non-signataires
A présent, avec le CETA (accord économique et commercial global entre l’Europe et le Canada), l’Europe revient sur ses positions dans la lutte contre la vache folle. Le CETA réduit drastiquement les barrières tarifaires et non-tarifaires des échanges commerciaux. Il a été partiellement signé en 2017. Seuls 14 pays européens sur 27 l’ont ratifié (Autriche, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Portugal, République tchèque, Slovaquie et Suède). Chypre, en revanche, a voté contre le 1er août 2020. Le Royaume-Uni, qui l’avait signé en 2018, en sera exclu (ou libéré ?) dès la fin de la période de transition de sa sortie de l’Union européenne. Il n’est toujours pas validé en France par le Sénat. Il a pourtant été voté par les députés LREM et Modem le 23 juillet 2019. — qui n’avaient sans doute pas épluché ses 2 344 pages. Sinon nul doute qu’ils se seraient aperçus qu’au Canada, certaines protéines animales transformées issues de ruminants sont autorisées : lait ou produits laitiers, gélatine provenant exclusivement du cuir ou de la peau et des produits de celle-ci, sang et produits sanguins, gras fondu purifié et d’autres produits ayant subi un traitement approprié. La ratification par le Sénat (qui, lui, a dû prendre le temps de lire le texte du CETA) n’a toujours pas eu lieu.
Contrôle aux frontières insuffisant
La Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes aurait constaté que «
près de 17 % des contrôles physiques sur les produits issus de
l’agriculture biologique se sont révélés non-conformes en 2017 ». Combien sont passé au travers des mailles de la douane ?
Manque de contrôle dans les abattoirs
En 2019 le ministère de l’Agriculture a effectué 43.400 prélèvements en filière bovine. Ses 1.600 agents sur le territoire national et aux frontières n’ont pu effectuer chacun en moyenne que 27 prélèvements par an. Un tous les 15 jours… Depuis longtemps, le manque de contrôle vétérinaire est un cheval de bataille de l’association L214.
La loi française n’est pas toujours applicable en Europe
Aucune règle européenne ne permet de refouler à la frontière les bœufs canadiens nourris avec les « protéines » interdites en Europe. Le Canada juge de son bon droit en fonction de ses propres lois. En effet, le CETA dispose qu’il « préserve la capacité de l’Union européenne et de ses États membres ainsi que du Canada à adopter et à appliquer leurs propres dispositions législatives et réglementaires destinées à réglementer les activités économiques dans l’intérêt public, etc. ». Les normes sanitaires applicables à l’importation sont parfois moins exigeantes que celles du pays importateur, afin de ne pas contrevenir aux sacro-saints principes de l’Organisation mondiale du commerce. Merveilleuse mondialisation ! En cas de désaccord, le Conseil de l’Union européenne a mandaté la Commission pour négocier une convention internationale instituant un tribunal multilatéral chargé du règlement des différends. Cette négociation doit se dérouler dans le cadre de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) à Vienne, qui continue officiellement de faire partie du Bureau des affaires juridiques à New York. Autrement dit les affaires intérieures à la France seront jugées à l’extérieur. D’ailleurs rien qu’à l’énoncé des procédures bureaucratiques, on sent bien que cela ne va pas être simple du tout.
Maladie de Creutzfeldt-Jakob : deux morts dans un laboratoire de l’Inra
Depuis fin juillet, cinq institutions (l’ANSES, le CEA, le CNRS, l’Inra et l’Inserm) ont suspendu pour au moins trois mois toute recherche sur les protéines pathogènes responsables de la maladie de Creutzfeldt-Jakob et de l’épidémie de vache folle. À l’origine de cette décision : la mort d’une agente et d’un ex-chercheur d’un laboratoire de l’Inrae, due à la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Après concertation avec le gouvernement, ce moratoire est prolongé jusqu’à la fin de l’année, le temps de terminer les inspections. Un rapport public est attendu pour la fin de l’année.
Tactique à courte vue ou stratégie des petits pas ?
Il faut importer du soja, mais… les restrictions « dues au covid » ont fait monter les prix. La France ne voudrait pas en revenir aux farines animales, mais… n’encourage pas la culture du soja. L’Europe n’autorise les farines animales que pour les porcs et aux volailles, mais… un risque de retour d’épidémie de la vache folle est envisageable — selon Matthias Wolfschmidt, de l’ONG Foodwatch International, on ne peut totalement exclure des cas de cannibalisme ni de voir des ruminants illégalement nourris avec ces farines… Le CETA entrouvre les frontières de la France, mais… les lois protégeant les consommateurs français ne s’appliqueront pas forcément dans le cadre du commerce international. De fausses alternatives, une fausse liberté de choix, cela ne vous rappelle rien ? Eh oui ! le pass vaccinal — qui n’est pas une obligation vaccinale, mais… Fausses alternatives, accords inapplicables, l’Union européenne ne lésine pas sur la méthode des « petits pas » pour nous orienter vers ses stratégies au long cours.
Jacqueline pour Le Média en 4-4-2.
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