23 novembre 2021

La Maison Blanche a besoin d’une voie de sortie pour éviter une guerre en Ukraine

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Il y a dix jours, j’ai écrit un article sur une potentielle guerre en Ukraine :

La Russie craint que les États-Unis n’incitent l’Ukraine à relancer le conflit avec sa région orientale renégate du Donbass et, par conséquent, à entrer en guerre avec la Russie.

Le bellicisme de l’administration Biden à l’égard de la Russie peut être considéré comme sans trop de risque. Mais il suffit d’une erreur de calcul à Kiev ou d’un incident imprévu dans la région de la mer Noire pour que la situation s’envenime sérieusement.

Moscou voit une tactique à l’œuvre qui ne peut qu’aboutir à une confrontation directe avec l’OTAN à toutes ses frontières :

Selon Moscou, les puissances occidentales alimentent délibérément les instincts revanchards de l’Ukraine en l’armant et en encourageant le président Volodymyr Zelensky, qui lutte pour sa survie politique, à croire qu’avec le soutien occidental, une fenêtre d’opportunité s’ouvre pour reconquérir les territoires perdus de Donbass et de Crimée et ainsi respecter sa promesse d’être le sauveur de son pays.

Deuxièmement, selon Moscou, les tensions croissantes avec la Russie sont devenues un alibi commode pour impliquer directement l’OTAN dans la sécurité de l’Ukraine et en faire un modèle de stratégie d’endiguement de la Russie.

Le niveau d’alarme en Russie reste élevé. Le téléscripteur actuel sur le côté droit du site web de l’agence TASS liste ces titres :

Les liens ci-dessus représentent plus de la moitié des liens de la colonne de téléscripteur. Elle est donc extrêmement chargée en conflits, bien plus que d’habitude.

La Russie a déclaré qu’elle interviendrait en Ukraine si Kiev décidait d’envahir le Donbass. Ce serait la fin de l’Ukraine, selon Moscou. (La Russie finirait probablement par s’emparer de la majorité russe à l’est et au sud de l’Ukraine. Le reste deviendrait une enclave agricole enclavée infestée de nazis).

Le Kremlin s’est également plaint à plusieurs reprises du nombre sans cesse croissant d’activités de l’OTAN près de sa frontière. Une étude américaine confirme ces activités :

Il y a eu quelque 2.900 incidents entre l’OTAN et les forces russes entre 2013 et 2020. La moyenne mobile sur trois ans a augmenté de plus de 60 % sur cette période de huit ans.

Cette augmentation est en grande partie due à la politique du Pentagone pendant les années Trump, qui n’a pas été sanctionnée par la Maison Blanche. L’administration Biden a reconnu ce fait et tente de maîtriser le Pentagone :

La Maison Blanche a demandé au Pentagone de fournir un récapitulatif des exercices que l’armée américaine a effectués ces dernières années en Europe pour dissuader la Russie, ainsi que la justification de chaque mission, alors que l’administration Biden fait le point sur les opérations militaires dans les airs, sur terre et en mer qui sont conçues pour faire échec au pouvoir du Kremlin et rassurer les alliés et partenaires des États-Unis en Europe.

Selon un haut responsable de l’administration Biden, l’objectif de cette demande est de donner à la Maison Blanche une visibilité totale sur les exercices militaires américains et autres activités de dissuasion en Europe, afin que les nouvelles missions puissent être évaluées et programmées dans le contexte des actions passées.

Le haut fonctionnaire a déclaré que la quantité d’informations sur ces missions transmises du Pentagone à la Maison Blanche lorsque M. Biden a pris ses fonctions était loin d’être ce qu’elle était sous l’administration Obama, et le Conseil de sécurité nationale cherche à rétablir le flux d’informations.

Les États-Unis, pour leur part, affirment que la Russie rassemble davantage de troupes à sa frontière avec l’Ukraine. Cette affirmation est fausse. Le chef des services de renseignement de la défense ukrainienne a récemment fourni une carte accompagnée d’un tableau qui montre que la Russie n’a actuellement que 40 groupes tactiques de bataillons (ATG) prêts à intervenir, alors que lors de la dernière alerte « invasion russe » en avril, elle avait 53 BTG prêts à intervenir. Je ne vois pas comment 25 % de troupes en moins, prêtes à intervenir, sont censées représenter un nouveau danger.

Samual Charap, du groupe de réflexion du Pentagone RAND Corporation, avertit que les États-Unis doivent faire pression sur l’Ukraine pour qu’elle accepte l’accord de Minsk, faute de quoi la Russie et l’Ukraine seront presque certainement en guerre. Il mentionne le renforcement présumé des troupes en Russie pour ensuite noter avec justesse :

Si les tactiques russes ressemblent à une répétition du passé, il en va de même pour l’approche américaine de la situation volatile en Ukraine. La politique américaine a généralement consisté à donner des coups de bâtons à Moscou et des carottes à Kiev. Les administrations successives ont tenté d’utiliser des instruments coercitifs – essentiellement des sanctions ou la menace de sanctions – pour inciter la Russie à retirer ses forces des zones tenues par les rebelles dans le Donbass et à empêcher de nouvelles incursions.

Parallèlement, Washington soutient Kiev sur les plans économique, politique et militaire. L’hypothèse est que les États-Unis pourraient contraindre la Russie à faire marche arrière en la menaçant de conséquences tout en renforçant les défenses de l’Ukraine et en l’ancrant à l’Ouest.

Mais menacer la Russie ne fonctionne pas, dit-il, les États-Unis doivent chercher une autre voie et cela signifie pousser Kiev à appliquer enfin l’accord de Minsk et à négocier avec les rebelles du Donbass.

En réponse aux critiques de cette demande d’« apaisement », Charap déclare :

Samuel Charap @scharap – 21:27 UTC – Nov 21, 2021

Ce n’est *pas* mon idée d’un bon résultat. Mais, si mon analyse de la politique russe actuelle est juste (et il semble que le gouvernement américain essaie de convaincre les alliés de la même chose), l’alternative (la guerre) est bien pire.

Ces avertissements pourraient avoir des effets sur la Maison Blanche. Le Saker détecte des signes de négociations secrètes entre Washington et Moscou qui pourraient être au cœur du sommet Poutine-Biden annoncé :

Étant donné qu’un sommet présidentiel n’est organisé que lorsque les deux parties sont déjà parvenues à un accord général, du moins en principe, sur certaines questions, si Poutine et Biden se rencontrent effectivement, cela signifie que les deux parties ont élaboré au moins les grandes lignes d’un accord important (et non de simples déclarations vides, comme ce fut le cas la première fois, du moins officiellement).

Dans son récent discours, Poutine déclarait : « Il est impératif de faire pression pour obtenir des garanties sérieuses à long terme qui assurent la sécurité de la Russie dans cette région, car la Russie ne peut pas constamment penser à ce qui pourrait s’y passer demain ».  Si Biden est prêt non seulement à donner des garanties (les Russes, et c’est compréhensible, ont *zéro* confiance dans les promesses occidentales, écrites ou orales) mais aussi à prendre des mesures, probablement des mesures mutuelles, coordonnées et vérifiables par les deux parties, alors une guerre en Europe pourrait être évitée, assez facilement en fait.

Biden va-t-il réparer le désordre total créé par Obama, Trump et leurs manipulateurs néocons ?

Peut-être.

D’une part, un tel succès politique majeur aiderait certainement Biden avec sa cote de popularité (actuellement atroce) aux États-Unis.

Je ne pense pas qu’un accord aiderait réellement Biden dans les sondages. Les faucons s’en plaindraient. Ils veulent une guerre en Ukraine et que les États-Unis y soient impliqués. Cependant, il est peu probable que l’opinion publique américaine soutienne une guerre contre la Russie, qui ne tarderait pas à s’intensifier.

Mais une guerre ukraino-russe que l’Ukraine est sûre de perdre et dans laquelle la Maison Blanche n’interviendrait pas entraînerait une énorme perte de face.

Cette perspective pourrait alors effectivement motiver Biden à donner à la Russie les garanties qu’elle souhaite.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

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