Les images filmées de la pendaison de Saddam frappent par leur caractère inhabituel. Nous n’avions jamais vu une telle scène, car il est rare que les gibiers de potence de cette envergure soient conduits au gibet.
Le penchant de nombreux chefs d’état et de commentateurs européens à critiquer l’exécution du boucher de Bagdad vient peut-être de ce que nous ne sommes guère habitués à juger les dictateurs lors de procès équitables, et, enclins lorsqu’ils le sont à leur sauver la vie.
Nombre de despotes et dictateurs ont d’ailleurs fini leurs vies sous les ors de leurs palais, transmettant à leurs fils ou à des successeurs désignés leurs pouvoirs illégitimes.
Admettons dans ces lignées la plupart des tyrans de l’antiquité, des empereurs Romains et toute la généalogie des monarques des siècles passés.
Rien que pour la France, cela fait une belle troupe d’assassins, fussent-ils pour certains de droit divin, notamment Philippe Auguste, Louis XI, Louis XIV, et Louis XV, après lui le déluge.
Leurs crimes lointains ne sauraient pourtant les absoudre.
Plus près de nous, nos voisins Belges devraient un jour revenir à titre posthume sur le cas de leur ex-souverain Léopold II, qui s’était fait attribuer vers la fin du XIXe siècle, une partie du Congo en tant que bien personnel et non content d’avoir exploiter sans vergogne ces territoires, fût aussi un boucher de la pire espèce dont les victimes se comptent par centaines de milliers, voire par millions. Ce qui ne l’empêcha pas de finir sa vie dans son lit, après avoir fait don à son petit pays d’une si grande partie de l’Afrique et à sa famille de biens mal acquis et jamais restitués.
Si la stabilité dynastique n’est heureusement plus le lot des dictateurs, on exceptera entre autres le cas des monarques de la famille des Séoud et toujours au Moyen-Orient mais dans un autre genre, l’autre boucher baasiste, Hafez al Assad dont le rejeton souhaitons le, ne perd rien pour attendre.
Cas particulier aussi celui, du Coréen Kim Il Sung initiateur d’une sinistre dynastie communiste capable de faire cohabiter famine et énergie nucléaire.
Plus redoutables en effet ont été les régimes communistes, un temps promis à un message universel avant de s’effondrer la plupart tels des châteaux en Espagne dans l’incurie de leurs gestions et la vacuité de leurs valeurs.
Là, plusieurs générations de dictateurs de Lénine et Staline à Andropov et Brejnev, leurs satellites Gomulka, Dimitov, Ullbricht, Gierek, etc, leurs rivaux mais néanmoins frères Mao Dze Dong, Tchou En Laï, Deng Xiaoping, ont tous disparus sans jugements, leurs sceptres totalitaires remis en jeu dans les byzantines luttes des bureaucraties du « socialisme réel ».
Ensemble, au palmarès du sang, ces nomenklaturistes à la mort paisible égalent sans doute et surpassent peut-être toute la litanie des crimes commis au fil des siècles par les rois d’Europe.
Il est rare que la mort tranquille d’un dictateur ait permis la fin de son régime et parmi ces exceptions il faut noter le cas particulier de Sékou Touré, dictateur paranoïaque de Guinée, coupable d’avoir disparaître des dizaines milliers de Guinéens, parfois dans des conditions atroces après des tortures. Décédé lui-même des suites d’une opération chirurgicale, son gouvernement fût balayé en quelques heures après l’annonce de son trépas.
Pour autant nombre de tyrans ont péri sous les balles ou les couteaux qui n’étaient pas toujours ceux de la Liberté, en l’absence de jugements ou lors de procès qui ne ponctuaient leurs crimes que d’une ultime farce tragique.
Mussolini fût jugé de la façon la plus sommaire par quelques résistants communistes, exécuté, puis pendu par les pieds, ainsi que sa compagne Clara Petacci. Toutefois cette fin souvent présentée comme un des grands actes de l’antifascisme, a privé l’Italie et le monde d’un procès qui aurait été celui du fascisme tout entier.
Les Ceaucescu
En Europe encore, à l’autre extrême du spectre politique, mais plus près de nous, un couple encore, les Ceaucescu, tyrans communistes de Roumanie ont eux aussi été jugés plus que sommairement avant d’être liquidés dans une hâte suspecte par des officiers, auparavant leurs serviteurs.
Francisco Macías Nguema
Moins « célèbre », plus « exotique », le cas de Francisco Macías Nguema, dictateur de Guinée équatoriale, un exemple de ces dictatures sanglantes de l’indépendance Africaine et un homme qu’il ne fallait appeler que « Miracle Unique de la Guinée Équatoriale » et qui aux titres de ses miracles fit disparaître les hôpitaux et les écoles ainsi que les réserves de change de son pays. Capturé à la suite d’un coup d’état, jugé on ne peut plus sommairement, il fut fusillé par sa propre garde Marocaine, le 29 septembre 1979
A l’exception de Goering, et aujourd’hui de Saddam (que l’on voit ainsi en bonne compagnie) aucun autre tyran d’un régime totalitaire n’a donc été jugé comme il le devait dans un procès sinon parfait du moins équitable.
D’autres bien sûr ont fini encore plus brutalement.
Se trouvent ainsi réunis, le dernier des Romanov, Nicolas II, mais aussi toute sa famille passée par les armes à bout portant dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918 en pleine guerre civile russe ; Alexandre Stambolijski, le dictateur paysan de Bulgarie, torturé puis fusillé le 14 mai 1923 par les auteurs d’un coup d’état ; Beria révolvérisé par ses pairs au Kremlin avant même d’avoir accédé à la dictature suprême, puis évacué roulé dans un tapis, comme une vulgaire victime d’un crime crapuleux ; Trujillo le Dominicain, mulâtre ennemi de la négritude bourreau des immigrés Haïtiens par dizaines de milliers massacrés, il finit abattu par des hommes de sa propre garde et jeté dans le coffre de son propre véhicule le 30 Mai 1961, la C.I.A n’était dit-on pas étrangère à cette fin expéditive ; Mohamed Najibullah, le taureau d’Afghanistan, dictateur communiste sanguinaire et vaincu, réfugié dans le bâtiment des Nations Unies, capturé par les Talibans, torturé sauvagement, castré, puis pendu en public.
La fin horrible de Najibullah à l'aube de la dictature des Talibans
Mais que tout ce sang impur ne nous rende pas clément envers les tyrans. La liste est encore plus longue de ceux qui ont négocié la reddition de leur pouvoir pour des peines légères et souvent une impunité scandaleuse.
La mort récente de Pinochet exempté des poursuites lors de la transition démocratique, puis lorsque celles-ci furent rouvertes pour corruption, sauvé au dernier round par la Faucheuse, fournit l’exemple le plus récent d’une « tradition » hispanique et latino-américaine de clémence et d’arrangements, envers des « pronunciamento » et de la tradition « golpiste » qui permet à l’armée d’interrompre la vie démocratique.
Que dire en effet de l’indulgence dont ont bénéficié les associés et rivaux Argentins de Pinochet, les généraux Videla et Viola, tortionnaires et assassins. Brièvement emprisonnés en 1985 après le rétablissement de la démocratie, ils furent libérés par Carlos Menem en 1990 au nom de la prétendue nécessité de tourner la page du passé. Fort heureusement en Septembre 2006, un juge Argentin a déclaré inconstitutionnel le pardon accordé par Menem et les deux généraux vieillissants se retrouvent comme dans le cas Pinochet entre la justice et la mort. C'est la mort qui a gagné pour Viola. Pour Videla il est encore temps.
Bien avant eux sur la péninsule ibérique, Primo de Rivera ayant rendu au roi le pouvoir un temps érigé en dictature fascisante, avait pu finir ses jours en exil à Paris en 1930.
En Espagne aussi, Francisco Bahamonte Franco a aussi finit sa vie tranquillement sans répondre du sang versé dans « les grands cimetières sous la lune » de la guerre civile espagnole et les sauvageries de ses troupes Maures.
La royauté Espagnole a encore assuré la transition pacifique vers la présente démocratie. José Luis Zapatero, l’actuel premier ministre, si prompt à condamner la peine de mort de Saddam et un procès soi-disant fabriqué pourrait ainsi s’interroger sur l’absence de jugement du dictateur qui repose dans la vallée de Los Caïdos près de Madrid.
Toute une cohorte diverse accompagne ces latins. Le régent fasciste Horthy, collaborateur Hongrois de l’Axe, pendant la deuxième guerre mondiale, prestement soustrait par les Alliés au jugement populaire, il pût finir ses jours en exil au Portugal.
Suharto, dictateur indonésien retiré dans un palais de Djakarta, après la transition du pouvoir les poursuites engagées pour corruption ont toujours été repoussées en arguant de sa santé défaillante.
Erich Honecker, Premier Secrétaire du Comité Central du PC d’Allemagne de l’Est, et à ce titre dictateur d’une moitié d’Allemagne, un temps brièvement emprisonné après la réunification, sortira de prison pour raison de santé et finira sa vie paisiblement au Chili en 1994.
Honecker, Suharto, Pinochet,…. Les dictateurs ont la santé fragile. Trop libérale, les justices des démocraties ont des scrupules dont elles croient s’honorer mais qui les affaiblissent.
Lorsque la santé est bonne, il se trouve presque toujours des États compréhensifs prêt à accueillir les tyrans pour faciliter les transitions ou par sympathie active.
Au Soudan, Jaafar Nimeiry s’était emparé du pouvoir à la faveur d’un coup d’état en 1966, avant d’engager son pays vers les impasses d’un socialisme panarabe, puis vers les mirages de l’islamisme et les massacres de la guerre civile avec le sud Soudan. Chassé par un coup d’état militaire, il trouve refuge dans une villa d’Égypte, à Héliopolis de 1985 à 1999, avant de retourner au Soudan, rallié à la nouvelle dictature islamiste.
En Somalie, Siad Barré est l’organisateur d’une répression contre la tribu des Issak qui fit 50 000 morts entre 1988 et 1990. Mais en mai 1992, mis en déroute par l'armée du général Aidid, et contraint à l'exil, il s'installera finalement au Nigeria où il meurt le 2 janvier 1995.
Au Tchad, Hissène Habré est considéré comme responsable de la mort de milliers de personnes dont le nombre exact est inconnu.
Des poursuites contre lui sont engagées en Belgique en application de la loi de compétence universelle qui, bien qu'abrogée en 2003, s'applique dans ce cas précis (certains plaignants ayant acquis la nationalité belge). Un mandat d'arrêt international, assorti d'une demande d'arrestation immédiate, est délivré par la justice belge le 19 septembre 2005 et transmis aux autorités sénégalaises. Après son arrestation le 15 novembre et une garde à vue de quelques jours, Hissène Habré est relâché, la justice sénégalaise s'étant finalement déclarée incompétente et l'affaire portée au niveau de l'Union africaine.
Hissène Habré sera t-il jugé?
Un des tyrans les plus sanguinaires du XXe siècle, Pol Pot de son vrai nom Saloth Sar, chef des sinistres Khmers Rouges, au pouvoir de 1975 à 1979, son régime causa la mort de 1.7 million de cambodgiens soit 21% de la population. Les Khmers Rouges supprimèrent la propriété privée, les écoles et les universités, massacrèrent les moines bouddhistes et tout ceux qui avaient reçu une éducation, le fait de porter des lunettes vous classait immanquablement parmi les intellectuels à liquider.
Chassé par l’armée vietnamienne, Pol Pot (ci dessus) finalement arrêté ne fût jamais jugé et comme Pinochet, protégé par sa santé défaillante, échappa par la mort en 1998 à un vrai procès.
D’autres chefs Khmers Rouges seront peut-être encore jugés en 2007.
Mengistu Hailé Mariam, tyran sanguinaire de l’Éthiopie, renverse le roi des rois Hailé Sélassié et prend en 1976 la tête d’une junte marxiste le D.E.R.G. Disciple de Pol Pot, Mengistu installe une Terreur Rouge déporte les étudiants dans les campagnes. Des dizaines de milliers de personnes meurent dans des conditions atroces. Des dizaines de milliers encore perdent la vie dans la guerre civile qui s’ensuit et dans la lutte contre les indépendantistes du Tigré et de l’Érythrée, ainsi que contre la Somalie. Mengistu utilise massivement du napalm et de bombes à fragmentations contre les civils dans les régions rebelles et recourt aux famines comme arme de guerre.
A l’arrivée de la rébellion à Addis-Abeba en 1991, Mengistu fuit au Zimbabwe. A 69 ans, Mengistu obtint l’asile politique chez son ami Robert Mugabe dont il avait soutenu la guérilla indépendantiste en Rhodésie du Sud dans les années 70. Logé dans une villa surprotégée du quartier de Gunhill, Mugabe aurait également mis à sa disposition deux grandes fermes, à Mazowe et Norton, et six limousines. Détenteur d’un passeport diplomatique zimbabwéen, il est considéré comme un ami proche du président Mugabe dont il serait «un consultant militaire», selon le journal indépendant zimbabwéen ZimOnline. Toujours selon ce titre, Mengistu serait le cerveau de la brutale campagne de démolition des bidonvilles de la capitale, qui a eu lieu en mai dernier, faisant 700.000 sans-abris.
106 officiels du D.E.R.G. furent jugés pour génocide en Éthiopie. Seuls 36 étaient présents.
Cette revue des tyrans africains impunis serait incomplète sans le tristement célèbre Idi Amin Dada.
Idi Amin Dada prend le pouvoir en Ouganda en Janvier 1971. C’était peu après l’indépendance avec la Grande-Bretagne, période propice aux dictateurs démagogues prônant la négritude afin de masquer leurs noirs desseins. Dès la première année de son pouvoir, Amin Dada créa divers appareils sécuritaires qui tuèrent plus de 10 000 Ougandais. Huit ans plus tard plus de 300 000 avaient péri. Obligé de quitter le pouvoir, il s’enfuit en Arabie Saoudite où il décède en 2003, sans jamais avoir été jugé.
Au Paraguay, Stroessner fut un tyran de moindre calibre que ces collègues africains précités. Il les surpasse cependant par la longévité puisque son despotisme s’exerce de 1954 à 1989. Au cours de cette longue dictature, il ordonne plus de 1000 meurtres, s’associe au Plan de répression Condor qui réunit ses collègues d’Argentine, du Brésil et du Chili, accueille Somoza, le dictateur du Nicaragua en fuite, ainsi que de nombreux ex-nazis auxquels ses origines Allemandes le rapproche.
À la fin des années 1980, la démocratie revient au Brésil et en Argentine ce qui fragilise Stroessner Le 3 février 1989, Stroessner est finalement renversé par autre coup d'État, soutenu par les États-Unis. Il doit partir en exil au Brésil, et s'installe à Brasilia où il décède en Août 2006.
Le Brésil sera aussi à partir de 1974 et jusqu’en 1980, la destination d’un exil tranquille et final pour Marcelo José das Neves Alves Caetano, le successeur du dictateur Portugais Salazar.
Depuis 1945, nos générations ont été souvent habituées à envisager un destin tragique pour les dictateurs. Le crime ne paie pas pensons nous en nous remémorant les fins lamentables d’Hitler et Goebbels dans leur sinistre bunker, le procès de Nuremberg, les suicides et pendaisons de Goering, Himmler, Keitel, Rosenberg, Von Ribbentrop, Wilhelm Frick, Hans Franck, Jodl……
Parce que le procès de Nuremberg, nous semble aujourd’hui une référence, nous voudrions que toutes les sorties de scènes des dictateurs passent par des clones de Nuremberg. Nous oublions que Nuremberg fut mené par un tribunal militaire et un non une juridiction civile et que sa juridiction était restreinte aux crimes commis pendant la guerre, excluant des faits antérieures extrêmement graves comme la Nuit de Cristal en 1934.
D’autre part la nature même du tribunal impliquait d’autres restrictions importantes. Les inculpés ne pouvaient pas faire appel de la sélection des juges et ceux-ci appartenaient tous au camp des vainqueurs de la guerre.
Les critiques du procès de Saddam ont mis en cause l’indépendance du tribunal, le présentant comme appointé par les États-unis. Cette accusation est bien sûre fausse et se moque de la volonté des Irakiens de reconstruire leur pays. Mais à l’aune de Nuremberg elle aurait semblé ridicule. Goering devait il être présenté devant des juges Suédois, Espagnols et Irlandais pour être impartialement jugé ?
La notion de crime contre l’humanité évoqué contre la Sublime Porte en 1915 après le massacre des Arméniens, n’était pas établi avant la charte de Londres en 1945. Les accusés et leurs défenseurs pouvaient donc considérer ce chef d’inculpation comme faisant référence à une législation rétroactive. Enfin le tribunal de Nuremberg ne se considérait pas tenu par la présentation «technique » classique de preuves.
Deux juges de la Cour Suprême Américaine, Harlan Fiske Stone et William Douglas accusèrent le tribunal de remplacer les principes du droit par le droit du vainqueur et du pouvoir. Ce n’étaient pas de minces accusations, et pourtant le tribunal de Nuremberg, bien qu’imparfait a constitué un compromis tout à fait acceptable du point de vue du droit.
Inversement la notion de génocide n’était pas juridiquement établie, la reconnaissance des travaux de Raphaël Lemkin à ce sujet prendra encore quelques années. Le tribunal s’est par ailleurs montré clément envers certains accusés, peut-être trop clément et la commission de révision des peines qui se prononça dans les années 50 allégea encore le sort de nombreux nazis emprisonnés.
De surcroît, la condamnation par contumace de Bormann, insaisissable, le suicide d’Himmler avant d’être traduit devant le tribunal, celui de Goering la veille de sa pendaison, réussissant tout deux à se procurer du cyanure, étaient des échecs flagrants des alliés. Imaginons pareil mésaventure avec Saddam, que n’aurait-on entendu ?
Toutefois la fin crépusculaire d’Hitler et Goebbels et des principaux criminels nazis, complétée par la capture, puis le jugement et la pendaison d’Eichmann en Israël en 1960 et 1961 ont donné le sentiment que justice était faite contre le nazisme, mal totalitaire absolu et que les autres dictateurs pouvaient échapper à la pendaison.
Le totalitarisme stalinien a souvent bénéficié de cette clémence aux yeux des Européens, troublés par les mirages de son idéologie.
Les dictateurs africains et asiatiques ont profité des préjugés racistes ou ceux du relativisme moral. Puisque ces peuples ne sont pas prêts pour les systèmes démocratiques occidentaux, ou bien doivent emprunter leurs propres voies, nous ne pouvons pas juger les crimes commis sur le même plan que ceux du nazisme et du fascisme.
La crainte de guerres civiles ou de vengeances sanglantes ont enfin amené les démocraties à accepter les transitions pacifiques par lesquelles le dictateurs obtenaient une forme d’impunité ou de peines très légères ou encore des exils dorés contre la remise des clefs du pouvoir.
Toutes ces concessions morales ont émoussé notre sens moral. Nous pouvons parfaitement repousser la peine de mort dans notre droit criminel et toutefois l'appliqueraux auteurs de crimes contre l’Humanité ou de génocides. C’est précisément ce qu’on fait les Israéliens avec Eichmann.
La proposition de Jacques Chirac consistant à inscrire l’abolition de la peine de mort dans la constitution revient sans les exemptions précitées à banaliser ces crimes odieux.
Le jugement des despotes et des tyrans plonge dans les racines historiques de l’Europe moderne. Mais les régicides de Jacques 1er lors de la Révolution Anglaise, celui de Louis XVI en 1793 ne concernent pas des assassins de la trempe d’Hitler, Staline ou même Mussolini. Le procès de Louis XVI fut loin d’être impartial et son défenseur le courageux Malesherbes paya quelques temps plus tard sous la Terreur, l’audace d’avoir été l’avocat du Roi.
Pourtant nombre de tyrans et dictateurs ont été jugés au cours du siècle dernier. Tandis que les chefs nazis dont les alliés avaient pu se saisir étaient présentés à Nuremberg, les principaux collaborateurs « locaux » étaient jugés dans leur propre pays. Quisling en Norvège est fusillé rapidement le 24 octobre 1945, Antonescu en Roumanie, exécuté en mai 1946, Mgr Tiso en Tchécoslovaquie pendu en mai 1947. Ces justices furent promptes et les jugements consensuels, sauf pour certains Slovaques.
En France, Laval et Pétain furent jugés de la même façon. Laval est jugé et condamné encore plus vite en octobre 1945, de telle sorte que la qualification de Crimes contre l’humanité n’étant pas encore établie, il ne sera condamné « que » pour Haute trahison. Laval essayera lui aussi de se suicider au cyanure, mais échoue, subit 17 lavages d’estomac et est amené dans un état lamentable devant le peloton d’exécution le 15 octobre 1945. Une fois encore imaginons un sort équivalent pour Saddam. De belles âmes se seraient émues, mais qui regrette que Laval ait été passé par les armes en dehors de certains extrémistes ?
Laval à son procès croyait encore s'en sortir
Pétain aurait subi le même sort, si le général De Gaulle, par calcul politique discutable vis-à-vis de l’Histoire de France, autant que par considération pour le grand âge du Maréchal n’avait commué sa peine en emprisonnement à vie.
« Malgré tout, je suis convaincu qu'en d'autres temps, le Maréchal Pétain n'aurait pas consenti à revêtir la pourpre dans l'abandon national. Je suis sûr, en tout cas, qu'aussi longtemps qu'il fut lui-même, il eût repris la route de la guerre dès qu'il put voir qu'il s'était trompé, que la victoire demeurait possible, que la France y aurait sa part. Mais, hélas! les années, par-dessous l'enveloppe, avaient rongé son caractère. L'âge le livrait aux manœuvres de gens habiles à se couvrir de sa majestueuse lassitude. La vieillesse est un naufrage. Pour que rien ne nous fût épargné, la vieillesse du maréchal Pétain allait s'identifier avec le naufrage de la France. » Charles de Gaulle, Mémoires de guerre.
Depuis rares sont les dictateurs jugés et leur procès ne sont guère exemplaire. Le général Jaruselski instaura l’état de siège en Pologne contre Solidarnosc et dirigea la Pologne de 1981 à 1985. Le 31 mars 2006, le général Jaruzelski a été inculpé de « crime communiste » et encourt jusqu'à 8 années de prison pour avoir instauré la loi martiale en 1981, mais Jaruselski assurément coupable, n’a pas grand-chose à voir avec les grands tyrans staliniens qui terrorisèrent la Pologne, les Bierut, Gomulka et Gierek notamment. Ce dictateur modeste qui accepta les réformes de Gorbatchev est presque déplacé dans la cohorte sanglante énumérée dans ce post.
Bokassa, Jean Bedel, devenu un temps l’Empereur Bokassa 1er de CentrAfrique, assassin, peut-être cannibale et grand pourvoyeur de diamants fut dictateur de 1966 à 1979.
Déposé avec l’aide de la France, il se réfugia d’abord en Côte d’Ivoire puis en France, avant de retourner dans son pays, « bien qu'il y eût été condamné à mort par contumace. Il fut arrêté et jugé pour trahison, meurtre, cannibalisme et détournement de fonds. Le 12 juin 1987, au terme de son second procès, il fut reconnu non coupable des charges de cannibalisme mais la peine de mort fut confirmée pour les autres charges. Sa peine fut d'abord commuée en prison à vie en février 1988, puis en 10 ans de réclusion. Il fut amnistié, comme tous les condamnés, en 1993 à la veille de l'élection présidentielle et mourut en 1996 d'un arrêt cardiaque. » (Wikipedia ).
Au Panama, Noriega recruté par la C.I.A, puis devenu l’adversaire des États-unis fut plus un homme de pouvoir, un dirigeant policier qu’un dictateur. Assassin et trafiquant de drogue, réfugié à l’Ambassade du Vatican après l’intervention Américaine, il finit par se rendre et fut extradé en Floride où il a été condamné à 40 ans de prison. Il pourrait toutefois sortir prochainement.
L’Europe moderne est-elle encore capable de juger les dictateurs ? Trois exceptions méritent d’être analysées.
Papadópoulos d’abord qui est le représentant typique des colonels Grecs et de la dictature qui prit fin en 1974. Après la restauration du système parlementaire, il fut jugé et condamné pour Haute trahison Il passa la fin de sa vie en prison. En 1999, il mourut d'un cancer à l'âge de 80 ans. Cas isolé ce jugement d’où la peine de mort est absente, mais la condamnation certaine, correspond sans doute aux attentes de la pensée Européenne moderne.
Le Tribunal Pénal International est l’autre pilier de la démarche Européenne. L’extradition de Slobodan Milosevic en 2001, lui a fourni la première occasion de juger un dictateur. Milosevic a comparu pour crimes contre l'humanité infraction graves aux Conventions de Genève et violation des lois ou coutumes de la guerre. Si aucun partisan de la Liberté ne regrettera le dictateur de Belgrade, sans doute responsable de crimes contre l’Humanité en Bosnie et en Croatie les conditions de son procès resteront discutables puisque L’ex dictateur y meurt d’une crise cardiaque, au milieu de rumeurs non prouvées d’empoisonnement en mars 2006 avant la fin du procès. Demi-succès ou échec complet selon que l’on croit à la thèse de l’empoisonnement, l’affaire Milosevic ne confère guère au TPI, une stature telle que le tribunal de Bagdad tenu dans des conditions beaucoup plus difficile en soit amoindri.
Reste le procès à venir contre Charles Taylor associé à la dictature de Samuel Doe au Libéria. Coupable de détournement de fonds ainsi que d’avoir organisé une guerre civile, qui déborde sur la Sierra Leone, Taylor réussit à se faire élire à la présidence du Liberia, il suspend alors les Libertés individuelles et entame une répression qui fait plus de 150 000 morts.
Isolé internationalement, il se réfugie au Nigeria où les Occidentaux et les dirigeants Africains lui avaient promis l’impunité. Celle-ci pourtant ne sera pas maintenue et Taylor est extradé vers la Sierra Leone pour y être jugé. Puis Freetown ayant demandé l’aide de la Haye, Le procès est dépaysé avec l’appui de la nouvelle présidente démocratiquement élue du Liberia Ellen Johnson Sirleaf.
Certes son procès ne fut pas parfait, les crimes de génocide au Kurdistan, les tortures et les exécutions pratiquées en masse contre les opposants sunnites, comme chiites n’ont pas été exposés Enfin les derniers instants précédents l’exécution se sont trouvés mêlées de haines partisanes à l’initiative des sectaires de Moqtada Sadr. Mais on l’a vu la perfection dans le jugement des dictateurs reste un objectif à atteindre.
Quels sont donc les critères qui définiraient une justice « parfaite », à l’encontre des dictateurs ?
1. L’existence précisément d’un procès, avec des juges qualifiés et professionnels, garantissant outre la recherche de la matérialité des faits :
2. Les droits des victimes à voir sinon la totalité, du moins une partie significative et représentative des crimes exposés et jugés,
3. Le respect des droits de la défense, tels que le droit moderne les définit,
4. Une durée suffisamment longue afin que les faits soient clairement établis et débattus,
5. Une sérénité des débats, notamment de la situation civile et militaire du pays concerné,
6. Le fait que le dictateur soit jugé par une cour de la nationalité des victimes, dans le pays concerné ou que le dépaysement et/ou l’extra nationalité des juges s’il y a lieu fasse l’objet d’un consensus,
7. Que le jugement prononce dans l’hypothèse de la culpabilité une peine suffisamment sévère, que celle-ci soit ou non la peine de mort
8. Qu’en l’absence de cette dernière et toujours en cas de culpabilité établie, la peine ne soit pas commuée et réduite
9. Que l’inculpé ne puisse se soustraire au procès ou au jugement en raison de sa santé ou en se donnant la mort
10. Que l’exécution de la peine soit rendue publique et exécutée sereinement.
Procès d'Eichmann
On le voit toutes ces conditions furent loin d’être observées, tant à Nuremberg, qu’à la Haye ou à Bagdad. Le procès d’Eichmann satisfait le mieux à ces critères mais il était un « associé » d’Hitler et non le dictateur même.
Celui de Nuremberg, avait avec Goering, Rosenberg, Von Ribbentrop, Keitel et avant l’ouverture des débats Himmler, des criminels qui étaient les principaux « associés » d’Hitler. Mais la neuvième clause fut largement bafouée et dans une certaine mesure les septième et huitième
Les « procès » de Mussolini et Ceausescu, bafouent la plupart des clauses et notamment les quatre premières.
Le procès de Laval ne respecte qu’imparfaitement les deuxième, quatrième et dernier critères.
Le procès de Saddam respecte toutes les conditions, sauf la deuxième, la cinquième et imparfaitement la dernière.
La perfection n’est décidément pas de ce monde, mais avec un peu de chance les procès des frères Castro, de Bachar Al Assad, de Mohamed Ahmadinedjad, de Kim Jong Il, des dirigeants Chinois; de Kadhafi, d'Omar Al Bashir, de Mengistu, Mugabe, Charles Taylor, Hissène Habré, Videla et des généraux Birmans donneront à l'humanité l'occasion de s'en rapprocher.
A suivre...
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