Depuis que la vaccination massive contre le Covid a été lancée en France, malgré la caution scientifique du professeur Alain Fischer qui devait être un garde-fou sanitaire, deux décès ont été particulièrement marquants. Contrairement à ce qui a été dit, une vie n’est pas une vie et quand un jeune meurt, pire un enfant, c’est un scandale.
Deux jeunes sont décédés des suites d’un vaccin, un étudiant en médecine de 24 ans à Nantes à cause de l’AstraZeneca, non recommandé aux personnes non âgées à la suite d’autres décès, une jeune lycéenne à Gardanne à cause du Pfizer. Si des antécédents familiaux sont privilégiés par les autorités de santé pour expliquer ce décès brutal, il est clair que le champ des contre-indications vis-à-vis des vaccins ARNm a été bien trop restreint par le ministère de la Santé avec son décret accompagnant la loi sur le pass sanitaire. Au moment où les pays scandinaves renoncent à vacciner leur jeunesse avec le Moderna, il apparaît qu’à la non-efficacité sur le long terme de ces vaccins s’ajoute la dangerosité potentielle sur le court terme.
Pourquoi ne crie-t-on pas au scandale ? Pourquoi les politiques et les journalistes détournent-ils le regard et font-ils comme si tout était sans aspérité et, surtout, sans danger ? Pourquoi transformer l’information en propagande, la politique sanitaire en politique autoritaire ? Comment un président de la République a-t-il pu s’engager personnellement auprès des adolescents de son pays en les encourageant à la vaccination, leur assurant que les effets secondaires étaient très rares ?...
En tant que spécialiste du sacrifice dans les religions, j’y vois un retour de ce que j’appelle « la logique du sacrifice ». René Girard a bâti l’essentiel de son œuvre de penseur sur cette notion. S’il avait raison, comme d’autres avant lui, de remarquer que le sacrifice est bien souvent le meurtre ritualisé d’un bouc émissaire, les raisons de ce meurtre n’étaient guère convaincantes. En effet, Girard considérait que le sacrifice était l’aboutissement d’un pic de violence à l’intérieur d’une société qui trouvait sa résolution par la canalisation de cette violence sur une seule personne ou un seul animal. Et il pensait que la violence provenait de la rivalité des hommes, mus par un désir mimétique – jaloux, envieux –, qui risquait de faire imploser la société.
En fait, le sacrifice, que l’on doit distinguer de la simple offrande – don à une entité supérieure –, dans ses formes les plus sanglantes et quand il s’agit de sacrifier un être humain, est intrinsèquement lié à la peur. Il peut s’agir d’une peur conjoncturelle – une guerre, une épidémie, une catastrophe naturelle, climatique, etc. – ou d’une peur structurelle, c’est-à-dire maintenue par un système religieux devenu culture : la peur que le soleil disparaisse en Mésoamérique et la nécessité de le nourrir par le sang humain. Dans ce cas, le sacrifice devient un instrument politique dans une société hiérarchisée, et la caste au pouvoir aura intérêt à maintenir la peur…
Le sacrifice d’ennemis – un couple de Gaulois par les Romains avant César, quand les Romains craignaient encore les raids de leurs voisins du Nord – ou de captifs – la guerre fleurie des Aztèques qui consistait à combattre non pour tuer mais pour faire des prisonniers, futures victimes sacrificielles – concernait des jeunes adultes. Mais le sacrifice d’enfants, voire de nouveau-nés, fut aussi très pratiqué : dans la culture andine, comme sacrifices de fondation pour un temple ou pour intercéder auprès des dieux au sommet d’une montagne, dans la culture phénico-punique méditerranéenne, même si c’est discuté par les spécialistes, pour qu’un vœu des parents soit exaucé par un couple de dieux. On sacrifie toujours un inférieur.
Avec le Covid, nous avons renoué avec la peur, la peur de l’invisible puisqu’un virus nous renvoie à une peur ancestrale, celle des fléaux. L’irrationnel a surgi dès que le président a répété à l’envi que nous étions en guerre… Certes, nous n’avons pas conjuré le sort en sacrifiant délibérément tel ou tel individu, nous n’en sommes plus à assumer de telles pratiques cruelles. D’ailleurs bien des sociétés avant l’ère industrielle avaient remplacé l’homme par l’animal, voire l’animal par le végétal. Comme l’a écrit Johannes Bronkhorst, spécialiste de l’Inde ancienne, à ce sujet : « il n’y a, au fond, que des sacrifices humains ».
Nous ne sacrifions plus consciemment, mais la logique du sacrifice est toujours dans l’inconscient individuel et collectif, c’est ainsi que l’on admet dans des actions militaires ciblées qu’il y ait des victimes collatérales, même des femmes et des enfants. Quelle est cette logique ? Il faut bien que des gens meurent pour que d’autres vivent. Ainsi, pour immuniser toute une population, on doit accepter qu’il y ait quelques victimes en nombre négligeable.
Si cette logique était consciente et assumée, politiques et journalistes ne détourneraient pas le regard, de même le gros de la population qui préfère s’en tenir à des informations de surface et officielles plutôt que d’avoir à penser que leur santé individuelle suppose quelque sacrifice d’un plus jeune qui n’est ni de sa famille ni de son entourage proche – c’est humain d’espérer passer entre les gouttes, humain aussi de soulager sa conscience en ne pensant surtout pas que l’on doive son salut et celui de ses proches au sacrifice malencontreux de quelques-uns.
Qu’à l’orée de ce siècle postmoderne on en soit revenu à une logique de ce type est à désespérer de ce que nous sommes. Nous ne pouvons certes pas espérer qu’individuellement nous soyons meilleurs que nos aînés, mais nous pouvions penser que nos sociétés, s’appuyant sur les sciences et les technologies – le savoir ! –, étaient à même de mieux canaliser notre irrationnel. C’est finalement le rituel qui a canalisé la peur. Le salut de tous consiste à ce que tous soient impliqués dans la même démarche médicale relevant d’une confiance aveugle en la science – la croyance donc !
Tendant leur bras dans des grands centres cérémoniels (vaccinodromes), les citoyens occidentaux ont remis leur libre-arbitre dans les mains de prêtres laïcs en blouse blanche, agents d’autorités agitant la peur et faisant agir par la contrainte (le pass). C’est la raison pour laquelle les sceptiques furent accusés des pires maux – complotistes, antivax, c’est-à-dire bons à expulser… Mais comme il ne s’agit tout de même pas de sacrifier ces pharmakoï (terme grec désignant à la fois un remède et une victime expiatoire), boucs émissaires ou ânes des Animaux malades de la peste de La Fontaine, ils ont été mis au ban de la société.
Le choix sacrificiel qui a été fait est en apparence le plus acceptable mais il est irresponsable. La mise en danger des enfants semble pouvoir succéder à celle des adolescents. Le professeur Gilbert Deray a bien déclaré que l’on devrait les vacciner pour que leurs parents et grands-parents vivent. Nous sommes bien dans une logique sacrificielle archaïque. Et il s’agit de replacer les enfants, plus largement les mineurs, dans un statut d’inférieur. Quel progrès !...
Christophe Lemardelé, historien des religons anciennes.
Bibliographie sur le sacrifice :
2018 : « Le sacrifice comme ‘mythe scientifique’. De l’importance d’une définition anthropologique », Cahiers d’anthropologie sociale 16, p. 149-158.
2016 : « Le fait religieux sacrificiel comme révélateur de présupposés éthiques et théologiques », Cahiers d’Études du Religieux. Recherches Interdisciplinaires 15 [en ligne].
2015 : « Force et apories d’une théorie. L’anthropologie générale de René Girard », Asdiwal. Revue genevoise d’anthropologie 10, p. 97-110.
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