Toujours critique au sujet de la colonisation et de son héritage, l’Algérie défend pourtant les frontières tracées par les colonisateurs. Une telle contradiction s’explique parce qu’elle est la grande bénéficiaire de ce «charcutage» frontalier puisque, pour la créer, la France amputa le Maroc.
Toujours critique au sujet de la colonisation et de son héritage, l’Algérie défend pourtant avec détermination les frontières tracées par les colonisateurs. Une telle contradiction s’explique parce qu’elle est la grande bénéficiaire de ce «charcutage» frontalier puisque, pour la créer, la France amputa territorialement le Maroc.
Une politique qui se fit en quatre principales étapes:
1) La première date des débuts de la présence française en Algérie quand, après la bataille d'Isly, afin de mettre un terme au conflit franco-marocain, furent signés le Traité de Tanger le 16 septembre 1844 suivi le 18 mars 1845 du Traité de Lalla Maghnia. Ce dernier fixa la frontière algéro-marocaine d’une manière à ce point imprécise que des parties entières du territoire marocain furent de facto rattachées à l’Algérie alors sous autorité française, notamment Tindouf alors que l’administration marocaine s’y était pourtant toujours exercée. La vallée du Draâ et Tindouf dépendaient en effet du khalifa du Tafilalet dont les caïds étaient nommés par dahir du sultan comme l’attestent les archives marocaines. Effectivement occupée en 1934, Tindouf fut englobée dans la zone militaire dépendant du commandement français du Maroc, avant d’être placée sous l'autorité du Gouverneur général de l'Algérie. En 1956, au moment de l'indépendance du Maroc, Tindouf était administrativement rattachée à la région marocaine d'Agadir, comme d'ailleurs Fort-Trinquet (I'actuelle Bir Oum-Grayn) en Mauritanie.
En juillet 1962, lors de l'indépendance de l'Algérie, la France laissa l'ALN (Armée de libération nationale) algérienne s'installer à Tindouf, et c'est ainsi que cette ville marocaine est devenue algérienne.
2) La seconde amputation territoriale du Maroc date de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle quand les troupes françaises progressèrent vers le «Grand Sud» à savoir la Saoura, le Gourara, le Touat et le Tidikelt.
En 1884, dans le Touat, Bou Amama, un des chefs de la tribu des Ouled Sidi Cheikh, laquelle avait fait allégeance au sultan du Maroc, demanda la protection de ce dernier. Puis, en 1886, les tribus du Tidikelt se placèrent à leur tour sous la protection marocaine.
Le 5 août 1890, aux termes d'une convention secrète, la France et la Grande-Bretagne se mirent d'accord pour délimiter leurs sphères d'influence en Afrique. En échange de la reconnaissance du protectorat britannique sur les îles de Zanzibar et de Pemba, dans l'océan indien, Paris se vit reconnaître à contrecœur par Londres la possibilité d'occuper le Sahara centre occidental afin de posséder un passage vers le Sud, vers le Niger et le lac Tchad, en vue d’établir une continuité territoriale entre l’Algérie et la région sahélienne. La France avait en effet à l’époque un grand projet qui était une voie de chemin de fer transsaharien dont le tracé, étudié par la mission Flatters, devait traverser le Touat, le Gourara et passer par Igli dans la vallée de la Saoura. Or, ces régions étaient marocaines, et aux termes de l’accord, Londres autorisait la France à les occuper, c’est-à-dire à les rattacher à l’Algérie.
Paris attendit une dizaine d’années avant de procéder à une occupation effective parce que, dans le grand jeu des alliances qui commençait à redéfinir les rapports de force en Europe, la diplomatie française était engagée dans une rude tâche. Sortie totalement isolée du conflit de 1870, la France, patiemment, était en passe de renverser la situation, faisant de l’Allemagne, diplomatiquement toute puissante à l’époque du chancelier Bismarck, un pays emprisonné dans le faisceau croisé de l’alliance franco-russe et bientôt de l’Entente cordiale. Il importait donc de ne pas froisser les susceptibilités anglaises et c’est en grande partie pourquoi Théophile Delcassé avait cédé à Fachoda au mois de mars 1899.
L’occupation des oasis du Touat fut néanmoins finalement décidée. Le prétexte en fut trouvé le 28 décembre 1899, quand une mission topographique française dirigée par le géologue Flamand fut attaquée. L’escorte commandée par le capitaine Pein repoussa les assaillants, puis s’étant lancée à leur poursuite, elle s’empara d’In Salah le 29 décembre. Le gouvernement français ordonna alors l’occupation des oasis du Tidikelt, du Gourara et du Touat.
Un compromis fut ensuite conclu avec le Maroc. Ce furent les Accords des Confins du mois de mai 1902 qui prévoyaient une sorte de co-souveraineté franco-marocaine sur la région.
Puis les évènements se précipitèrent. En 1902 toujours, par un traité secret, la France et l'Italie s'engagèrent à se partager le littoral sud de la Méditerranée. A l'Italie, la Tripolitaine et le Fezzan, à la France le Maroc.
Au mois d’octobre 1903, Béchar, en territoire marocain, fut occupé. Cette position stratégique permettait de contrôler le Haut Guir, les oasis du Touat et les pistes du Soudan. Ce sera plus tard Colomb-Béchar, et aujourd'hui de nouveau Béchar, région marocaine rattachée à l'Algérie par la colonisation française.
Quant à l’accord franco-britannique du 8 avril 1904, il reconnût à la France le droit d’intervenir au Maroc en échange de la reconnaissance par Paris des droits de Londres sur l’Egypte.
3) La troisième amputation du Maroc se produisit le 27 juin 1900, quand une convention fut signée, délimitant les possessions françaises qui allaient constituer la Mauritanie et le futur Sahara espagnol.
4) La quatrième amputation se produisit quand, ayant décidé de lui accorder l’indépendance, la France fixa arbitrairement les frontières sahariennes au profit de l’Algérie qui reçut ainsi en héritage la plus grande partie du Sahara sur lequel elle n’avait, par définition, jamais exercé la moindre souveraineté.
Voilà pourquoi l’Algérie défend les frontières léguées par la colonisation…
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