Dans un pays comme la France, il n’y a pas tous les jours de motifs de réjouissance. Heureusement, lorsqu’on est un journal sur-subventionné français, on sait se satisfaire de peu, comme l’Express, qui estime que le « pass sanitaire » est à présent un réussite telle qu’elle est maintenant enviée du reste du monde.
Dans un articulet rassemblant les rares témoignages de trois journaux étrangers qui s’étonnent surtout que l’opération n’aie pas terminé en énième fiasco macronien, l’Express nous brosse donc le mythe d’un système qui aurait reçu l’aval des Français, aurait permis d’endiguer une vague épidémique (qui était déjà en cours d’affaissement avant même les péroraisons pénibles du locataire élyséen), et permettrait même (murmure-t-on) de démarrer les motos russes le cas échéant.
Réussite flamboyante, succès retentissant, l’article constate même qu’il n’y a eu aucune opposition d’importance.
Puisque la presse le dit, c’est que c’est vrai.
Et c’est tellement vrai que l’inénarrable ministre de l’Economie française, un certain Bruno Le Maire, se permet de nous expliquer que la consommation a même augmenté de 5% dans les restaurants après la mise en place de ce pass sanitaire du tonnerre de brest de youkaïdi, youkaïda.
Et là encore, c’est forcément vrai puisque c’est la presse qui le dit.
Malgré tout, on peut un peu s’interroger sur la fiabilité du petit Bruno de Bercy au-delà de sa qualification certaine pour faciliter le transit fiscal : est en effet un peu suspecte l’idée même qu’un pass sanitaire, qui, même parfait, aurait tendance à augmenter les frictions à la vente de biens et de services, permettrait malgré tout d’augmenter les consommations de 5% dans les restaurants.
En réalité, l’augmentation constatée est un peu différente puisque plus précisément, ce sont les factures de carte bleue qui auraient augmenté de 5% lors de la semaine du 9 au 15 août par rapport à la même période en 2019 et non la consommation. Ce qui peut aussi vouloir dire, bien plus probablement, que les Français ne consomment pas forcément plus, mais que les prix enregistrés lors des repas ont, eux, augmenté de 5% ce qui serait assez moyennement choquant après de longs mois de fermeture imposée (qu’il faudra bien rattraper financièrement d’une façon ou d’une autre) et lorsqu’on apprend en outre que l’inflation actuelle est déjà de l’ordre de 2% en zone euro, et qu’elle ne montre aucun signe de s’assagir dans les prochains mois.
La presse ne raconte que des choses justes, c’est connu (Xavier Dupont de Ligonnès peut en témoigner) et les ministres de la République aussi.
Dès lors, peut-on émettre un doute lorsqu’on apprend malgré tout que la fréquentation des restaurants et bars est en baisse un peu partout.
Sapristi. Que le monde est complexe ! Qui croire entre le ministre, la presse subventionnée, et les restaurateurs ou les cafetiers ? Est-il vraiment impensable que ces derniers se soient tous passés le mot pour afficher des fréquentations en baisse rien que pour embêter le pouvoir ?
L’hypothèse est hardie, mais peut-elle être écartée alors qu’on voyait, courant avril de cette année, un certain Michel-Edouard Leclerc trépigner d’impatience à l’idée qu’on allait mettre (enfin !) un pass sanitaire en place en France et ainsi filtrer les pestiférés hors des grandes surfaces de son réseau de franchisés, et alors qu’on observe maintenant le même Michel-Edouard, tout gêné, expliquer qu’il souhaite à présent la fin du pass sanitaire dans les centres commerciaux ?
Assurément, ce retournement de veste n’est fait qu’aux fins machiavéliques de saboter le superbe plan de communication du gouvernement, voilà tout !
Tout le monde sait, depuis l’Express jusqu’à Bruno Le Maire et dans toutes les rédactions parisiennes, que le pass sanitaire est une brillante réussite qui porte, une nouvelle fois, la France au firmament des Nations, allume une nouvelle lumière à la couronne du pays qui lui sert à guider, tel un phare dans la nuit, le reste du monde.
C’est sans doute pour cela que la FNAC et Darty font un argument commercial de leur accessibilité sans besoin de pass sanitaire, pour mieux tromper l’ennemi qui croit que ce pass est un gros boulet économique en plus d’être une escroquerie sanitaire manifeste et permet de favoriser incidemment une fuite massive de données privées (sans compter l’exploitation des données du pass elles-mêmes qui promet quelques réveils douloureux chez certains naïfs).
Ce succès est si flagrant qu’on enregistre aussi une petite baisse côté cinémas qui affichent un manque à gagner de 51 millions d’euros qu’on pourra heureusement compenser par l’une ou autre aide d’État (qui paiera, je vous le rappelle).
Cette réussite est tellement aveuglante qu’elle permettra d’ailleurs de ne pas voir la baisse marquée dans les salles de sport, elles aussi soumise à ce magnifique outil de pistage citoyen aussi ludique que répandu…
Enfin, répandu, c’est vite dit…
On est en effet en droit de s’interroger sur le fait que, justement, l’activité économique ne soit pas exactement bondissante alors qu’on nous explique pourtant que bien plus de la moitié des Français sont vaccinés (et disposent donc du fameux sésame ouvrant toutes les portes)…
On en viendrait (oh !) à douter des paroles de Bruno, pourtant si précieuses et si justes, et à se demander si les petits articles de la presse, pourtant si vérifiés, si millimétrés pour chacun de leurs mots, ne seraient pas quelque peu orientés (oh !) pour atténuer le fait que l’ensemble de ces opérations est en train de peser très lourdement sur l’économie française, au point de noter que, si l’on voulait détruire des milliers de petits commerces et d’artisans, on ne s’y prendrait pas autrement.
Heureusement, on sait déjà que, si cette économie ne devait pas redémarrer comme prévu, si le pass devait ne pas suffire, si – ô grand jamais – les vaccins ne donnaient pas l’intégralité de leur potentiel (Israël, Royaume-Uni, Islande, Gibraltar…), au moins Bruno et sa précieuse parole, ses copains ministres et leurs déclarations pleines de sagesses ainsi que l’ensemble de la presse si finement fact-checkée ne reculeront devant aucun effort pour nous désigner les vrais coupables, à savoir les anti-pass.
La prochaine vague de pneumopathies (inévitable en novembre comme tous les ans) promet d’être intéressante.
Ce pays est foutu.
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