Après que la France se soit ruée sur Doctolib et les centres de vaccination, à la suite de l’allocution d’Emmanuel Macron, le 12 juillet dernier, présentant le pass sanitaire, le Premier ministre Jean Castex avait revu à la hausse les objectifs vaccinaux pour fin août : le pays visait 50 millions de Français 1er septembre, au lieu de 40 millions.
Mais inlassablement, le rythme vaccinal a fini par baisser, loin de l’euphorie de juillet. Pas d’inquiétude, a d’abord relativisé l’exécutif. L’objectif de 50 millions de premières doses injectées sera atteint avec seulement quelques petits jours de retard, le 3 ou 4 septembre. Mais la vaccination a ralenti encore plus que prévu, si bien qu’en ce mercredi 15 septembre, la France ne compte toujours pas ces fameuses 50 millions de primo-injections contre le coronavirus. Pire, au rythme où cela tourne maintenant – entre 50.000 et 60.000 premières doses par jour, en baisse constante –, l’objectif ne pourrait être réalisé que la semaine prochaine, soit avec un mois de retard.
Que se passe-t-il ?
Le plafond de verre est un phénomène classique de toutes les campagnes de vaccination : une fois que toutes les personnes volontaristes se sont fait vacciner, la vaccination ralentit faute de candidats. La France avait même déjà connu ce phénomène en juin, avec un ralentissement net du nombre de primo-injections et de rendez-vous sur Doctolib. L’allocution d’Emmanuel Macron le 12 juillet avait totalement brisé ce premier plafond, mais le pays semble être arrivé à un deuxième. De plus de 330.000 primo-injections par jour en moyenne fin juillet, la France est descendue à 60.000 cette semaine.
Il y a néanmoins une nette différence : en juin, la France ne comptait que 50 % de ses adultes vaccinés, contre 87,1 % ce mercredi. Or, de manière assez logique, il est certain que plus on vaccine de gens, moins il en reste à vacciner, moins il y a de nouvelles doses injectées. Entre fin juillet – le pic vaccinal - et cette semaine, le nombre de personnes éligibles restant à vacciner a été divisé par deux.
« Dans tous les centres que je connais, il y a une baisse d’activité, certains centres ferment ou diminuent énormément la voilure faute de personnes à vacciner. Il y a une forme de déception, de désillusion, d’incompréhension des personnels », dépeint le médecin et vaccinateur Christian Lehmann.
Y a-t-il d’autres facteurs à prendre en compte ?
Depuis plusieurs semaines, tous les indicateurs du Covid-19 sont en chute libre, l’épidémie décroît en France fortement, au point que le pays est repassé ce mardi sous une incidence de 100. Or, une bonne situation épidémique nuit au sentiment d’urgence et donc à la vaccination. En juillet, avant même l’allocation d’Emmanuel Macron, la vaccination était légèrement repartie à la hausse à la suite de la flambée du variant Delta.
Un rebond était attendu en septembre, avec la rentrée scolaire, l’extension du pass sanitaire aux plus de 12 ans à la fin du mois et les tests de confort devenant payants à partir d’octobre. Mais il n’en est rien. « La vaccination ne peut pas marcher uniquement avec le bâton. Une fois qu’on a instauré le pass sanitaire, il ne reste plus beaucoup d’options de contrainte à agiter », note Christian Lehmann.
Et arrivent effectivement les limites d’un tel système. Concrètement, la vaccination patine sur trois types de population : les sceptiques dans la population majeure, toute tranche d’âge de plus 18 ans ayant déjà au minimum 80 % de primo-vaccinés, les personnes pour qui le vaccin est difficile d’accès, et les 12-18 ans. Les deux premières catégories étaient prévisibles, et de plus en plus de moyens mobiles se mettent en place pour amener le vaccin vers ces populations. Reste le cas des adolescents.
Vers un problème des adolescents ?
Certes, les deux tiers des adolescents ont déjà reçu au moins une dose, certes ils ont été les derniers à avoir la vaccination ouverte (le 15 juin), mais force est de constater que celle-ci se fait à un rythme moins effréné que les autres tranches d’âge. Sur le terrain, Christian Lehmann le sent bien : « Il y a une vraie hésitation des adolescents mais aussi de leurs parents pour la vaccination des mineurs, même quand les adultes sont eux vaccinés. Et au vu du manque d’information, c’est peu surprenant. »
La communication sur les bénéfices-risques chez les mineurs, sur les risques de myocardites, mais aussi sur la baisse de transmission post-vaccinale et donc de l’intérêt collectif de la vaccination des populations non à risque, n’a pas été au rendez-vous selon le médecin : « Au lieu de juste agiter le pass sanitaire, il aurait fallu informer les adolescents et leurs parents, faire des interventions pédagogiques dans les collèges et les lycées, répondre aux questions, souvent pertinentes d’ailleurs. C’est cela la science : on emporte l’adhésion de la population par l’information. » Or, dans le cadre des mineurs, les questionnements et les craintes se démultiplient, note le médecin.
La vie sous pass sanitaire et la fin de la gratuité des tests pourraient convaincre encore quelques faibles pourcentages, mais probablement pas de quoi briser ce nouveau plafond de verre. Reste que pour le médecin, il ne faut de toute façon pas le briser n’importe comment : « Si comme on le dit nous sommes en guerre, l’important est de tenir sur le long terme. Tendre sans cesse le bâton pourra faire gagner des pourcentages, mais quels effets par la suite et pour la science ? »
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