11 septembre 2021

Farines animales, le retour…

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Responsables de la crise de la « vache folle » au sein de l’UE dans les années 1990, les farines animales seront de retour dans les élevages industriels avant la fin de l’année, puisque la Commission européenne vient d’autoriser leur réintroduction dans l’alimentation animale. Outre les 233 victimes humaines officiellement répertoriées, l’épidémie d’encéphalopathie spongiforme bovine avait à l’époque provoqué l’abattage de millions de bovins et suscité la défiance durable des consommateurs vis-à-vis d’une certaine agriculture.

Vingt ans après avoir interdit le recours aux farines animales sous le poids des circonstances, l’UE souhaite à nouveau les voir utilisées massivement dans l’élevage. La Commission assure que toutes les précautions ont été prises pour éviter les dérives, à commencer par l’interdiction de donner cette nourriture aux ruminants, ou de nourrir les porcs et les poulets avec de la farine issue de leurs congénères (aux porcs la farine de poulet et réciproquement). Les « éléments de langage » destinés à faire accepter la mesure à l’opinion publique sont déjà en place : à l’expression « farines animales », de sinistre mémoire, il faut désormais substituer l’acronyme PAT (« Protéines Animes Transformées »), rassurant dans sa froide neutralité scientifique.

Bien avant l’intérêt économique, il convient de mettre en avant l’impact écologique de cette décision : c’est en effet dans le cadre de son « green new deal » que la commission l’a entérinée, ne reculant devant aucune audace. Le recours aux farines animales doit en effet diminuer la dépendance des éleveurs de l’UE au soja brésilien, dont le transport à longue distance et les conditions de cultures sont, il est vrai, bien peu soucieux d’environnement. L’argument, d’une force indéniable, passe cependant sous cependant quelques réalités fâcheuses :

– Il existe encore des doutes concernant l’innocuité du recours aux farines animales : si 25 des 27 experts des agences nationales de sécurité alimentaire ont voté en faveur de la proposition de la Commission, deux se sont abstenus, ceux de l’Irlande et de la France. En 2011, alors que la question se posait déjà, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail avait formulé un avis négatif quant au retour des farines animales ;

– Dans ce domaine, l’interdiction est le seul moyen efficace d’empêcher la fraude (on ne peut pas employer une substance qui n’est pas produite) ; l’autorisation entraînera nécessairement avec elle le retour de la fraude, quels que soient les engagements formels au sujet de la traçabilité et des contrôles, aucun État ne disposant des bataillons de contrôleurs indispensables à une surveillance générale ;

– Les éleveurs de porcs et de volaille ont-ils vraiment à y gagner ? Sur un sujet aussi sensible, le risque d’une perte de confiance des consommateurs dans la qualité de leurs produits est réel ; la méfiance qui découlera du retour des farines animales ne manquera pas de se traduire en défiance à la première fraude médiatiquement révélée. Par ailleurs, il n’est même pas certain que le recours à ces farines présente un intérêt financier pour les éleveurs ; tout dépend du cours du soja, dont la volatilité est grande à l’échelle mondiale ;

– Il n’est évidemment pas question que le consommateur soit informé par voie d’étiquette que la viande qu’il achète est issue d’une bête nourrie à la farine animale ;

– Le recours à ces farines entre en contradiction avec le développement de la filière soja en France, dont la croissance, très soutenue depuis dix ans, porteuse d’une véritable alternative au soja brésilien comme aux farines animales, risque d’être entravée si les éleveurs se jettent sur les PAT.

Quoi qu’il en soit de ces objections, une chose est certaine : ces farines seront de nouveau autorisées avant la fin de l’année au sein de l’UE. Une fois de plus, c’est la pure logique financière et court-termiste qui l’emporte, à rebours de ce que pourraient souhaiter les opinions publiques si on se donnait la peine de les consulter. Dans ce domaine, les instances communautaires auront fait preuve d’une remarquable opiniâtreté : cela fait des années, en effet, qu’elles plaidaient en faveur de cette mesure. Si l’on ajoute à cela le fait que le CETA (traité de libre-échange entre l’UE et le Canada) rend possible depuis 2017 l’importation dans l’UE de bœufs canadiens nourris aux farines animales, il faut convenir que le mythe de « l’Europe -qui -protège » relève une fois de plus d’une rare malhonnêteté intellectuelle.

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