17 mai 2021

Comment les sons de la nature prennent soin de vous

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Une récente méta-analyse parue dans la revue Proceedings National Academy of Science suggère que les sons naturels en eux-mêmes et par leurs effets camouflant la pollution sonore agiraient sur certaines variables physiologiques comme la pression artérielle, et psychologiques comme le niveau de stress.

 

[EN VIDÉO] Comment mesurer et comprendre la biodiversité, avec Gilles Bœuf  Décoré en 2013 de la grande médaille Albert 1er de Monaco pour sa carrière scientifique dédiée aux mers et aux océans, Gilles Bœuf accorde aujourd'hui un entretien à Futura sur la façon dont on peut mesurer et comprendre l'ensemble du monde vivant : la biodiversité. 

Les articles liant nature et santé peuvent vite paraître ésotériques ou mystiques. Rassurez-vous, ce n'est pas le cas de celui-ci. La pollution sonore et ses effets sur la santé font l'objet de nombreuses études. Une revue publiée en 2014 dans The Lancet rapportant les résultats d'études observationnelles et expérimentales conclut que l'exposition au bruit est délétère sous plusieurs aspects (gêne, perturbation du sommeil, somnolence, baisse des performances hospitalières, augmentation de l'incidence des maladies cardiovasculaires, altération des performances cognitives à l'école). C'est une véritable question de santé publique. D'un autre côté, le contact avec la nature, via un nombre conséquent de paramètres (activité physique, diminution de l'exposition aux pollutions atmosphériques, lumineuses et sonores) permet d'espérer de nombreux bénéfices sur le bien-être. C'est ce que relate par exemple un article publié dans la revue Environmental Health Perspective. 

Une récente méta-analyse d'études expérimentales, parue dans la revue Proceedings National Academy of Science, se concentre sur les bénéfices sur la santé que nous pourrions obtenir en aménageant correctement l'acoustique de nos espaces naturels. Selon cette dernière, les sons naturels auraient un effet positif sur des variables physiologiques d'intérêts (fréquence cardiaque, pression artérielle, douleur perçue, activité des glandes sudoripares, sécrétion de cortisol) et psychologiques (niveau de stress et de contrariété). Plusieurs théories et hypothèses sont mobilisées pour expliquer ces observations. Premièrement, la fonction camouflage des sons naturels diminue la perception de la pollution sonore urbaine. Deuxièmement, la perspective évolutive qui fait que le bruit de notre environnement serait source d'apaisement étant donné qu'à l'instar de la vision, il permet de savoir ce qui se trame en son sein. Pour en savoir plus sur ce domaine de recherche, nous avons discuté avec Jérôme Sueur, enseignant-chercheur au Muséum national d'histoire naturelle à l'Institut systématique évolution biodiversité.

De la bioacoustique à l'écoacoustique 

La bioacoustique est une discipline scientifique assez jeune. « Historiquement, l'essor de la bioacoustique a eu lieu à la fin de la seconde guerre mondiale. Elle consiste à étudier le comportement sonore des animaux. La bioacoustique cherche notamment à savoir « comment les animaux communiquent en utilisant le son, comment ils le produisent et pourquoi », rappelle Jérôme Sueur. Il faut bien distinguer la bioacoustique de sa consœur plus jeune et plus systémique, l'écoacoustique : « l'écoacoustique apparaît plus tardivement. Elle utilise tous les sons produits par les êtres vivants ou les phénomènes physiques comme des orages pour traiter des questions d'écologie. Par exemple, un des domaines majeurs de l'écoacoustique est d'utiliser les sons des animaux pour estimer et suivre l'état de la biodiversité. Cette discipline scientifique étudie tous les sons émanant d'un endroit donné à un moment donné, c'est ce que l'on appelle un paysage sonore », développe Jérôme Sueur.

Un carrefour de plusieurs disciplines scientifiques 

L'écoacoustique étudie la biophonie - la production de sons par le vivant -, la géophonie - la production de sons par des phénomènes naturels mais non vivants -, et l'anthropophonie - la production de sons liés aux activités humaines. Mais elle ne s'arrête pas là. C'est une discipline faisant appel à un nombre considérable de domaines d'expertise : « En écoacoustique, on mêle les sciences biologiques à de la physique bien évidemment, mais on utilise également des technologies informatiques d'intelligence artificielle et des approches de psychologie pour étudier la perception et l'interprétation. Il existe également une connexion forte avec le milieu artistique et la musicologie », détaille Jérôme Sueur. D'ailleurs, Raymond Murray Schafer, qui introduisit le concept phare de paysage sonore ou soundscape, est lui-même compositeur.

Pollution sonore : la grande oubliée

Malgré ses effets néfastes, la pollution sonore, à l'instar de son acolyte lumineuse et contrairement à son analogue atmosphérique, semble négligée. « La pollution sonore est le parent pauvre de la pollution. Les contraintes législatives sont faibles ou peu appliquées. Par conséquent, les sources de bruits majeurs continuent de gagner du terrain comme les transports ou les chantiers, qu'ils soient maritimes ou terrestres », déplore Jérôme Sueur. 

Pourtant, les confinements ont mis en exergue l'existence manifeste de cette pollution sonore incessante. Un terrain de jeu idéal pour les chercheurs en écoacoustique. « Deux études ont été publiées sur cette période particulière. Elles montrent que l'absence de bruit liée aux confinements avait eu plusieurs effets. Par exemple, aux États-Unis, certains oiseaux ont réduit le niveau sonore de leurs chants qu'ils maintiennent généralement assez élevé pour pallier l'anthropophonie. On pourrait intuitivement penser que c'est l'inverse qui s'est produit car nous les entendons mieux, mais cette meilleure perception est simplement une conséquence de la réduction du bruit ambiant. En période de confinement, notre environnement sonore est plus "propre". Il y a moins de déchets sonores, explique Jérôme Sueur avant de poursuivre : une seconde étude en Colombie a rigoureusement montré que la baisse de l'anthropophonie est manifeste dans les grandes villes. À Paris, l'Observatoire du bruit en Ile-de-France, Bruitparif, a enregistré des réductions de la pollution sonore allant jusqu'à 10 décibels. »

Pour une santé globale

Depuis les années 2000, il existe un concept de santé publique que l'on nomme « one health ». C'est une vision de la santé publique comme éminemment systémique et unifiée. « Le bruit engendré par l'activité humaine perturbe les humains et les espèces animales, appauvrit la biodiversité et peut provoquer des effets en cascades écologiques beaucoup plus importants, par exemple, à travers les relations entre les proies et les prédateurs. On sait aussi que le bruit à des effets indirects sur la pollinisation ou la dispersion des graines des plantes dont on connaît les services écosystémiques majeurs », précise Jérôme Sueur. Ces questions mériteraient sans aucun doute qu'on n'y prête une oreille plus attentive et qu'on y investisse plus d'énergie.

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