Une policière expérimentée de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) a été condamnée ce lundi 22 mars par le tribunal correctionnel de Nantes à deux ans de prison avec sursis, pour avoir falsifié des éléments d'enquête dans deux procédures distinctes en janvier et mars 2018. Cette fonctionnaire de 50 ans avait ainsi écrit dans un premier procès-verbal d'audition qu'un suspect en garde à vue avait reconnu avoir violé une jeune femme, alors que son audition filmée montrait le contraire.
Cet homme – qui n'avait été condamné qu'une fois pour un « vol » et qui encourait quinze ans de réclusion criminelle devant une cour d'assises – avait ainsi purgé un an de détention provisoire… avant d'être relaxé. Depuis, il a touché 30.000 euros de l’État pour cette détention injustifiée. La policière pourrait lui verser 10.000 euros de plus pour son « préjudice moral », lors d'une audience sur intérêts civils prévue le 5 novembre prochain.
Une «grosse bosseuse»
Interrogée par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la prévenue n'avait aucun lien avec la victime ni aucune « animosité » particulière à l'égard du suspect. La cheffe du groupe « Atteintes aux personnes » au commissariat de Saint-Nazaire était surtout « persuadée de la culpabilité » du suspect, a expliqué la présidente du tribunal correctionnel de Nantes.
« J'ai surtout été la seule à vouloir prendre ce dossier : la victime était particulière, physiquement parlant, et ça faisait rire tout le monde », s'est défendue cette brigadière-cheffe, qui dirigeait cinq hommes dans son service. « C'était aussi une période où j'allais très mal : j'ai eu une histoire avec mon chef de service, et les collègues ont été odieux avec moi. » Décrite comme une « grosse bosseuse » mais avec « un caractère un peu compliqué » par ses collègues, cette femme était aussi « en pleine dépression » et fragilisée par le décès de son père. « J'ai toujours eu une super-probité, je ne comprends pas : cela ne m'était jamais arrivé, jamais… », a-t-elle sangloté.
Un dossier «exceptionnel» et «vertigineux»
Toutefois, dans le second dossier qui lui était reproché, il est aussi apparu que la policière avait antidaté un autre procès-verbal d'audition, cette fois-ci de témoin : il avait été réalisé en 2015… mais n'avait été communiqué à la justice que trois ans plus tard. Lundi, elle a reconnu avoir « voulu se dédouaner » aux yeux du parquet, son autorité de tutelle. Depuis, la prévenue s'est fait retirer son habilitation police judiciaire et travaille désormais auprès du service communication de l'état-major, où elle fait « beaucoup de statistiques » et rédige des « notes » à la suite de « demandes politiques » - « par exemple sur la délinquance ».
« C'est un dossier exceptionnel et vertigineux », retient Me Loïc Cabioch, l'avocat de l'homme qui a passé un an en détention provisoire suite à ses prétendus aveux. « En tant qu'auxiliaire de justice, il remet en cause beaucoup de choses dans ma pratique professionnelle : imaginez qu'on n'ait pas les enregistrements vidéo de l'audition de mon client… Qui l'aurait cru devant les assises ? ».
« Dans ma carrière j'ai des dizaines de milliers d'heures de contacts avec des services de police et de gendarmerie, ils sont nos yeux sur le terrain », a abondé le procureur de la République. « Or, si mes yeux me trompent, je me trompe… Si on commence à douter de cela, c'est tout notre système qui s'effondre. » Le magistrat du ministère public en veut donc « beaucoup » à la prévenue, pour cette « balle dans le dos » et ce « coup de couteau ».
«Six mois de dérapage»
L'avocat de la défense, de son côté, a opposé ces « six mois de dérapage » aux « vingt-six années d'états de service irréprochables » de cette policière « investie, enthousiaste et méthodique ». Deux procureures de la République de Saint-Nazaire « ne tarissent pas d'éloges » sur les qualités de cette policière « quasi parfaite », selon Me Olivier Rolland. « L'IGPN a fouillé tous ses autres dossiers, il n'y en a que deux comme cela », a-t-il encore insisté.
Outre ses deux années de prison avec sursis, sa cliente a écopé d'une interdiction définitive d'exercer une activité de police judiciaire au sein de la fonction publique. Cette ancienne présidente du syndicat de cadres CFE-CGC Fonction Publique en Pays de la Loire et adhérente du syndicat Alliance Police nationale a toutefois obtenu que sa peine ne soit pas inscrite sur la partie du casier judiciaire accessible aux employeurs, ce qui lui permettra de rester fonctionnaire.
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