La suspension est intervenue quelques minutes après la décision allemande : Emmanuel Macron a annoncé ce lundi suspendre «par précaution» la vaccination avec AstraZeneca jusqu’à au moins mardi, dans l’attente d’un avis de l’Agence européenne du médicament.
«Nous avons un guide simple : être éclairés par la science et les autorités sanitaires compétentes et le faire dans le cadre d’une stratégie européenne», a justifié le président de la République en déplacement à Montauban.En Allemagne, l’Institut médical Paul-Ehrlich, qui conseille le gouvernement, a de son côté «estim[é] que d’autres examens [étaient] nécessaires», après des cas de formation de caillots sanguins chez des personnes vaccinées en Europe, selon le ministère. Même son de cloche en Italie, où l’agence du médicament italienne «a décidé à titre de précaution et de manière temporaire, dans l’attente d’une décision de l’EMA [l’Agence européenne des médicaments] d’interdire l’utilisation du vaccin AstraZeneca sur tout le territoire national».
Principe de précaution
Depuis une semaine, plusieurs pays ont suspendu le vaccin du laboratoire anglo-suédois après de graves problèmes sanguins chez des vaccinés. Mais rien n’indique un lien de cause à effet à ce jour, et l’emballement des autorités de santé divise les professionnels. «Ca n’a aucun sens (de) procéder à des arrêts de cette vaccination», s’étonnait lundi Bruno Riou, cadre de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), sur France Inter. «C’est comme si on disait : «Il y a eu un accident de voiture chez un vacciné, on va interdire la conduite ou supprimer la vaccination» !»
L’Autriche a lancé le mouvement le 8 mars en suspendant un lot de vaccins après la mort d’une infirmière qui venait de recevoir une dose d’AstraZeneca. La femme de 49 ans est décédée à cause d’une mauvaise coagulation sanguine. Depuis, c’est l’emballement. Les autorités sanitaires ne cessent de réagir à des cas, dans leur pays ou à l’étranger, où des personnes vaccinées ont développé des problèmes sanguins parfois mortels. Ce sont soit des difficultés à coaguler, comme en Autriche, soit la formation de caillots sanguins (thrombose), pour lequel un seul cas grave a été signalé en France après la prise d’un vaccin AstraZeneca. En Norvège, la mort d’une soignante de moins de 50 ans par hémorragie cérébrale a été annoncée ce lundi. Elle avait été hospitalisée après avoir reçu une injection du vaccin anti-Covid d’AstraZeneca, sans qu’un lien entre les deux puisse être établi à ce stade. Une soignante vaccinée d’une trentaine d’années était déjà morte vendredi, au lendemain de la suspension du vaccin dans le pays.
Les autorités concernées le reconnaissent : il n’y a aucun lien avéré entre ces problèmes de santé et ce vaccin, à part l’enchaînement chronologique. Si celui-ci est suspendu, c’est simplement le temps de s’assurer qu’un tel rapport n’existe pas, ce qui nécessite une véritable enquête scientifique. Un classique principe de précaution qui a l’aval de certains chercheurs. «Quand on utilise un produit relativement récent comme tous ces nouveaux vaccins, on doit les surveiller comme le lait sur le feu et dès qu’il y a un signal, même si on n’y croit pas, il faut tout arrêter», estimait jeudi la vaccinologue suisse Claire-Anne Siegrist sur la RTS. Mais l’approche laisse perplexe nombre d’autres professionnels, qui pointent que ces problèmes de santé ne semblent pas plus fréquents après le vaccin AstraZeneca qu’après les autres actuellement distribués en Europe, Pfizer /BioNTech et Moderna.
«On va trop loin»
C’est d’ailleurs l’argument employé par le groupe lui-même. Dans un communiqué publié dimanche, AstraZeneca souligne que les cas de thromboses après avoir reçu son vaccin sont «similaires» à ceux de ses homologues. Ces affirmations sont appuyées par les chiffres officiels du Royaume-Uni, l’un des pays les plus avancés dans sa campagne de vaccination. Ils témoignent du caractère extrêmement rare des thromboses : 35 sur les 9,7 millions de personnes ayant reçu une dose AstraZeneca - 0,0004 % - et 24 sur les 10,7 millions de vaccinés Pfizer /BioNTech - 0,0002 %. Dans chaque catégorie, il n’y a qu’un seul décès.
«Manifestement, la proportion […] n’est pas différente», souligne dans un communiqué Stephen Evans, épidémiologiste à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, cité par l’organisme Science Media Centre. «C’est tout à fait raisonnable d’étudier attentivement les liens entre vaccins et problèmes de coagulation, mais on va trop loin en (empêchant) les gens de recevoir des vaccins qui peuvent leur éviter de tomber malade», insiste-t-il.
Selon AstraZeneca, les cas de thromboses sont même nettement moins fréquents que la moyenne dans la population. Cela ne veut pas dire pour autant que le vaccin est sans effets indésirables. En France, les données du régulateur des médicaments, l’ANSM, montrent qu’ils sont plus fréquents à être signalés chez des vaccinés AstraZeneca (0,66 %) que Pfizer /BioNTech (0,19 %) ou Moderna (0,12 %). Le plus souvent, ils sont sans gravité. Lorsqu’ils sont lourds, il s’agit en grande majorité de syndromes proches de la grippe «particulièrement sévères» avec, par exemple, des accès de fièvre intense. Certains effets peuvent toutefois être encore plus graves, comme des réactions allergiques qui empêchent de respirer. L’Union européenne les a ajoutées il y a quelques jours à la liste des effets secondaires potentiels du vaccin AstraZeneca, même si les cas sont exceptionnels : 41 sur cinq millions.
Et les autres vaccins ?
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