Cette perspective qui m’est revenue plusieurs fois, comme une interrogation terrible et semblant impensable : et si le virus ne disparaissait pas ?
Curieux et sarcastique : ce ne serait après tout rien de moins que pour d’autres virus, qui n’ont jamais disparu, qui continuent à circuler, qui se signalent ici et là par une petite poussée et quelques dizaines-centaines de morts, – mais que l’on contient aisément, parce qu’on a trouvé de quoi le traiter, – vaccin, immunité ou bien traitements appropriés, etc., ou bien encore tour de magie d’un marabout ou d’un danseur vaudou ...Voyez : il y a à la fois quelque chose de terrible, de technologiquement et postmodernement ‘unthinkable’ selon l’esprit-covidien, et d’autre part quelque chose de complètement naturel, remontant à la nuit des temps, avec ses surprises et ses traditions...Quoi qu’il en soit, lisez donc ce que nous dit madame Ammon :
« Les personnes lasses d’une pandémie qui a duré plus longtemps
que ce qui avait été annoncé pourraient devoir se préparer à une
perspective troublante, comme l’a averti la directrice de l'agence
européenne de la santé ECDC, qui a déclaré que le Covid-19 resterait
probablement en place pour toujours.
» “Il semble très bien adapté aux humains, nous devons donc nous
préparer à ce qu’il reste avec nous”, a déclaré hier à l’AFP Andrea
Ammon, directeur du Centre Européen de Prévention et de Contrôle des
Maladies basé à Stockholm.
» En fait, Madame Ammon a déclaré qu'il semble plus probable que le
virus continue de circuler indéfiniment que de disparaître. “Ce ne
serait pas le premier virus qui serait avec nous pour toujours, ce n'est
donc pas une caractéristique inhabituelle pour un virus”, a-t-elle
ajouté. »
On dira que c’est l’évidence, soit médicale soit de bon sens. Le problème est qu’il s’agit d’un constat d’un temps pré-covidien, et que, depuis, la donne, ou disons plutôt la perception a complètement changé. Tout se passe comme s’il y avait aujourd’hui une affaire personnelle à régler entre la Covid et nous; ou plutôt, entre fucking-Covid et les élites sanitaires.
J’en reviens toujours à cette ouverture de crise, et même à la décision du premier ‘confinement’ qui, s’il m’en souvient (“Je parle sous votre contrôle, preofesseur”), n’était faite que pour freiner l’épidémie parce qu’il y avait grande crainte d’un tragique engorgement des hôpitaux par carence de de lits de réanimation, et nullement pour vaincre le virus, l’acculer à la capitulation sans conditions et à l’éradication complète. Madame Amon nous dit qu’il est fort probable que ce virus, qui se trouve assez bien parmi nous comme d’autres, ne se laissera pas éradiquer.
Il y a toujours dans ma mémoire le souvenir des deux épidémies (grippes asiatique [1957] et de Hong Kong [1969]), qui se développèrent puis passèrent comme toutes les épidémies sans qu’il soit question de faire capituler jusqu’à éradication complète les virus coupables. (Peut-être se baladent-ils encore, variant ou sous-variant, et que Covid a des liens de parenté...) Il y a cette phrase déjà reproduite, d’une sommité sanitaire, qui n’indique nullement un désir de dictature sanitaire mais exprime la force d’un hybris sanitaire nourri au système du technologisme, – Hippocrate bien loin dans la poussière... « Nous avons été pris lors de la grippe de Hong-Kong alors que nous pouvions riposter avec notre technologie déjà disponible ; cela ne se reproduira plus. »
Puis, dans le même texte : « Effectivement, cette épidémie de 1969 fut considérée plus tard (en 2003 comme on voit ci-dessous) comme un grave échec qui demandait réparation. Les petites plumes laborieuses du “Service CheckNews” de ‘Libération’ ont fait un beau dossier là-dessus, d’où j’extrais ce paragraphe qui justifie cette impression du “Nous ne nous ferons plus avoir”, entraînant la réaction colossale face à Covid19 :
» “Il faudra attendre 2003, et les recherches de l’épidémiologiste
Antoine Flahault dans les fichiers de l’Inserm pour obtenir un bilan de
la grippe de Hong Kong. 31 226 morts au total, en deux mois.
Aujourd’hui, les données concernant cette grippe, sont encore difficiles
à trouver loin d’être mises en évidence. “Il y a une volonté d’oublier
un grand raté collectif : les politiques, les médias, les médecins. Et
un bilan catastrophique : 31 000 morts en deux mois. Personne n’est bien
fier de tout cela”, conclut Patrice Bourdelais.” »
“Cela ne se reproduira plus”, c’est-à-dire : “cette fois, nous aurons la peau du virus” ? Et si madame Amon a raison ? Quel homme politique aura l’audace de dire : “Eh bien, écoutez, nous avons surmonté cette épidémie ; certes, il y a encore quelques cas, et le virus traîne toujours, et nous aurons encore des alertes, des poussées, mais cela suffit : nous abandonnons notre dispositif de guerre et décrétons, sinon la victoire, dans tous les cas le cessez-le-feu et la démobilisation. Vous pouvez retourner à nos occupations habituelles sans plus de restriction.”
Trump, assez fou dire ça, étant liquidé par la vertu-contagieuse, je n’en vois pas un seul de notre superbe bloc-BAO qui, dans notre contexte actuel d’emprisonnement de la communication, après avoir tant lutté dans la guerre covidienne pour se faire croire à soi-même qu’on est indispensable et qu’on tient là la recette d’une autorité perdue et retrouvée, puisse décréter une telle décision et s’y tenir jusqu’à rétablir un esprit collectif de confiance. Je parle dans tous les cas, je me répète avec une précaution de Sioux, pour ces pays du bloc-BAO, essentiellement l’Europe, avec des écarts et des aléas, mais en fait sacrifiant à la même référence, à l’ontologie (?) même de la fonction politique telle qu’elle s’est constituée ; car la pandémie, donc la référence du degré zéro de risque au nom de la pathologie du principe de précaution, donc l’alerte permanente, sont devenues une partie intégrante de la structure même de la fonction politique des dirigeants, une sorte de ‘valeur’ suprême de notre idéologie.
Je pense qu’ils sont pris dans un piège dont ils n’auront ni l’audace, ni l’imagination, ni la volonté de se sortir. Ce faisant, avec tous les complots du monde mis à part et dont je n’ai que faire parce qu’ils n’ont pas la moindre résilience par comparaison avec la force des événements, il s’agit du constat que notre système, – donc, le Système, – est pris à la gorge de ses propres nécessités ; prisonnier d’une instabilité permanente, en position constante de vulnérabilité à tout événement inattendue, à toute tension supplémentaire, à quelque caprice que ce soit du virus qui se balade parmi nous. Nous nous sommes fragilisés à mort (je parle du Système) en nous enchaînant à la nécessité de la mort du virus sacrilège.
Pour rompre cette situation insupportable, il faut que le Système se rompe. C’est en cela que la Covid est une drogue-miracle : non par la pandémie qui reste un épisode tragique et inévitable de nature, comme toutes les pandémies ; mais par l’emprisonnement et la tension qui sont rupturielles, où il a forcé le Système à s’installer.
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