Dans une ambiance à vif, l'Assemblée nationale a donné son feu vert à la prolongation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er juin face à l'épidémie de Covid-19, en dépit de l'opposition de la gauche comme de la droite.
Le projet de loi de prorogation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er juin a été adopté par 113 voix pour, celles de la majorité seule, le 20 janvier au soir.
Le texte sera au menu du Sénat en première lecture le 27 janvier, en vue d'une adoption définitive avant le 16 février, date actuelle de fin d'application de ce régime d'exception.
L'état d'urgence sanitaire est la base législative qui autorise le couvre-feu national à 18h. Il permet aussi les mesures de restriction ou d'interdiction des déplacements, des rassemblements ou des ouvertures des établissements, sur tout ou partie du territoire, ainsi que si nécessaire des confinements partiels ou complets de la population.
«Je comprends la lassitude et le souhait de sortir de la crise, mais nous ne pouvons nous priver d’aucun outil pour combattre le virus», a martelé Olivier Véran, alors que les parlementaires relayaient les inquiétudes des restaurateurs, des étudiants et encore des stations de ski.
«Nous sommes sur un fil», a lancé le ministre de la Santé, à l'heure où se répandent les variants britannique et sud-africain du Covid-19.
Un état d'urgence, «boîte à outils des pleins pouvoirs» ?
Les oppositions se sont prononcées contre une «banalisation» de l'état d'urgence (Les Républicains et le Parti communiste), «boîte à outils des pleins pouvoirs» (La France insoumise) qui pourraient durer jusqu'à la présidentielle, selon ces élus.
«Nous ne sommes plus en démocratie», a affirmé Paul Molac du groupe Libertés et territoires, comme Nicolas Dupont-Aignan (Debout La France) qui estime que le gouvernement «détricote la confiance».
Les socialistes avaient défendu en vain une motion de rejet préalable, déplorant «l'absence de bilan» accompagnant cette prolongation.
Le ton est monté à plusieurs reprises de part et d'autre, Ian Boucard (LR) évoquant un «chantage à la responsabilité» de la part d'Olivier Véran. «Vous resterez le ministre du fiasco sur les tests, les masques, les vaccins», a renchéri son collègue du même groupe Julien Aubert.
Olivier Véran a épinglé en retour une «outrance permanente» des oppositions qui «commence à un peu lasser les Français» : «Aidez-nous, retroussez-vous les manches», leur a-t-il demandé.
Mais jusqu'au sein de la majorité, des députés posent leurs conditions. Philippe Latombe (Modem) a ainsi exigé la «transparence dans les réponses et les chiffres», quand le chef de file des députés Agir Olivier Becht a estimé qu'il n'était «pas possible de donner un chèque en blanc sans débattre du fond de la stratégie» gouvernementale. Et de mettre en garde : «Nous ne pourrons traverser 2021 en confinant, déconfinant, reconfinant.»
Instauré à l'occasion de la crise du Covid-19, l'état d'urgence sanitaire a été appliqué du 23 mars au 10 juillet 2020, et à nouveau depuis le 17 octobre.
La question des élections départementales et régionales va se poser
Les députés de divers bords ont défendu sans succès des amendements pour une prolongation plus courte, un contrôle parlementaire accru ou davantage de transparence du Conseil scientifique.
En commission, les députés avaient supprimé la période transitoire de sortie de l'état d'urgence envisagée après le 1er juin, ce qui obligera à un nouveau rendez-vous devant le Parlement. La question de la tenue des élections régionales et départementales courant juin se posera alors.
En outre, le projet de loi reporte au 31 décembre la caducité même du cadre juridique de l'état d'urgence.
En décembre, un projet de loi pour un «régime pérenne de gestion des urgences sanitaires» devant prendre le relais du régime actuel avait été remisé aussitôt après sa présentation en Conseil des ministres face au tollé suscité.
En cause, un article prévoyant en cas de future pandémie la possibilité de voir conditionnés certains déplacements à la vaccination, qui avait suscité une levée de boucliers des oppositions. Certains y voyaient la mise en œuvre d'un «passeport sanitaire».
«[Ce projet de loi] a finalement été retiré de l’ordre du jour et sera examiné au Parlement lorsque la crise sera derrière nous», s'est engagé Olivier Véran.
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