Désormais, on peut envisager la perspective de l’année 2020, la perspective sur presque une année de la pandémie de la Covid, tout cela agrémenté d’événements qui alimentent un courant manifestement de désordre et d’une contestation extrêmement pressante : le mouvement général et transnational de wokenisme avec ses réactions antagonistes ; l’élection présidentielle américaniste qui s’est d’ores et déjà transformée en un facteur actif de la crise générale du système de l’américanisme, donc du phénomène crisique identifiée par nous sous l’acronyme de GCES.
Le constat général est que les diverses mesures prises par des autorités délégitimées et placées dans des conditions qu’elles ne prévoyaient pas et qui sont extrêmement difficiles à maitriser et à contrôler, ne cessent d’agir à contretemps, à alimenter un désordre croissant et un effet psychologique dévastateur alors qu’elles recherchent évidemment le contraire. Le résultat objectif est ce que le journaliste et commentateur Tim Kirby identifie comme un effondrement du ‘confort’ que ménageait jusqu’ici la civilisation occidentale, et qui conduisait à étouffer les velléités de contestation brutale, voire de révolte de la population.
Ces populations avaient beaucoup à perdre et donc se gardait de prendre des risques; elles ont de moins en moins à perdre alors que ce ‘confort’ est de plus en plus mis en question, avariée, réduit de tous côtés, et par conséquent sont plus inclinées à prendre des risques qui leur coûteront peu ou fort peu. Au phénomène classique de La servilité volontaire (La Boétie) tend à se substituer son contraire : un phénomène d’‘inservilité volontaire’ ; ce n’est pas la gloire de l’héroïsme humain tant vanté par les insurrectionnels permanents, mais simplement un affrontement des nécessités et des avantages dont le rapport a changé.
• Il ne s’agit ni d’incivisme ni de mouvement révolutionnaire. Cette situation (‘inservilité’) prévaut désormais et pour l’instant, dans tous les cas potentiellement ; mais, à notre sens, cela va durer parce que l’essentiel de la hargne déterminant ce changement d’attitude est dirigée contre les gouvernements, délégitimés et perdant toute autorité, donc contre les autorités qui n’ont plus aucune autorité et qui se trouvent prisonnières de leur posture initiale, dans la crise-Covid19 dès son début en février.
• Effectivement et bien entendu, la Covid joue un rôle essentiel dans
cette évolution dans la mesure où la pandémie oblige les directions, qui
ont fait de cette question leur activité centrale, – erreur funeste
autant que fardeau épuisant, – à des changements tactiques constants
au gré d’une évolution qu’elles croyaient prévoir, qu’elles ne
prévoient absolument pas, donc qu’elles ne maîtrisent absolument pas.
Ces autorités sont conduites sinon obligées à des mesures sociales et
individuelles très ‘inconfortables’ (prêtons attention au terme) et
qu’elles ne peuvent prévoir sinon sur l’instant, selon une stratégie de
dramatisation qu’elles ont établie à l’origine, de faire de la pandémie
une ‘cause nationale’ et un cas majeur de sécurité nationale « Nous sommes en guerre »,
dit Macron) ; cette tendance stratégique contenait en second motif
l’idée des autorités rétablissant leur autorité à l’occasion d’une
grande cause qu’elle maîtriserait à sa guise, et elles aboutissent avec
une précision digne d’éloges suisses à l’exact contraire.
• Ces autorités ne sont fautives en rien des contraintes qu’elles
imposent à la population, comme on ne cesse de le répéter (qui peut
prévoir une pandémie, ses caprices et ses écarts ?) ; fautives en rien
sauf d’être ce qu’elles sont, d’adopter les stratégies qu’elles
adoptent, d’être des autorités qui n’ont plus d’autorité.
• Le paradoxe est que ces autorités sans autorité sont constamment
accusées de tendance dictatoriales, c’est-à-dire d’un gouvernement ferme
et liberticide, de projets incroyables de mise en esclavage voire
d’anéantissement de leurs populations ; alors qu’elles sont d’une
extrême faiblesse et ne cesse de doter des pouvoirs concurrents (pouvoir
sanitaire, justice, bureaucratie, mouvements humanitaristes et
gauchistes-indigénistes, etc.) de moyens supplémentaires perçus comme
dictatoriaux, directement ou par influence, sans que ces pouvoirs
n’acquièrent la moindre légitimité parce qu’ils ne sont pas faits pour
en avoir.
Dans Strategic-Culture.org, Tim Kirby, ce journaliste indépendant, publie le 16 décembre un texte qui se concentre d’abord sur les USA mais qui devient par la force de l’évidence et la globalisation de la crise très transnational; donc, concernant le Système et sa/notre civilisation dans leur entièreté, puisqu’il concerne la crise-Covid19. Kirby introduit dans son texte l’idée, nouvelle dans le débat actuel, de ‘confort’ des populations jusqu’alors d’une nette tendance laboétienne :
« Les manuels scolaires de luxe appellent “coercition” la volonté des individus de se soumettre à la société. Traditionnellement, nous pensons à cette coercition, sans surprise, sous la forme la plus brutale et la plus évidente : la police. Dans la plupart des pays, il existe une armée pour les menaces extérieures, mais la police a la même hiérarchie de grades, des uniformes sophistiqués et hypermodernes, et des armes; seul son ennemi est différent, et cet ennemi c’est vous. La bonne nouvelle, c’est qu'ils ne veulent pas vous tuer, mais vous contraindre à une obéissance suffisante pour que la société puisse fonctionner. Après le club des matraques, beaucoup désignent dans l’acte de la coercition la religion ou les médias comme de grands acteurs de la répression. Beaucoup de nos points de vue et opinions sont formés pour nous par ces deux facteurs et on ne peut nier qu'ils façonnent notre façon de penser, qui peut créer et crée effectivement de la coercition. Le confort n’est généralement mentionné nulle part, bien qu'il s’agisse probablement de la forme de répression la plus puissante que nous ayons jamais vue, mais ce n'est pas surprenant. »
On observera la différence de sens, disons dans l’utilisation du mot ‘coercition’. Nous tiendrions plutôt ce que Kirby nomme ‘coercition’ (police, religion [de moins en moins, mon Dieu ! dans nos piètres contrées chrétiennes], médias et communication) comme un élément, et certes pas le plus important, de La Servilité volontaire qui est le thème par inversion de ce propos. Effectivement, l’essentiel est bien ce que l’auteur nomme “le confort”, et qu’il présente de la sorte dans son actuelle dynamique de déstructuration :
« La pandémie a provoqué un “choc économique majeur”
pour les petites entreprises, car les diverses fermetures et mises en
quarantaine ont fait le plus de ravages sur “les petits” tout en
laissant libres d’agir les grands, Walmart, Amazon et autres acteurs
majeurs. Cet avantage a, pour certains géants internationaux, vraiment
permis d’augmenter leurs profits en période de crise. Cela n'est pas dû à
leurs brillants efforts, mais à la pression exercée sur les petits concurrents.
» Ce “transfert de richesse” a peut-être finalement fait
suffisamment pencher la balance pour que le nombre d'Occidentaux qui
“n’ont rien/peu à perdre” atteigne une masse critique. Les protestations
contre les mesures Covid-19, que les grands médias semblent incapables
de manipuler à l’heure actuelle, sont de plus en plus fréquentes, et
surtout de plus en plus populistes. Les protestations ont également
beaucoup de points communs avec les mouvements #StopTheSteal et
Gilets-Jaunes. Les Américains sont frustrés et appauvris par les mesures
de Covid-19, en même temps que se déroule la bataille pour le pouvoir à
propos d'une élection présidentielle américaine de 2020 manifestement
truquée : il semble que la poudrière soit sèche, amorcée et en attente
d’une étincelle finale.
» Le confort a permis de maintenir les gens dans le monde entier, mais plus particulièrement en Occident, dans la satisfaction du statu quo. Mais désormais, perdue dans sa mirifique stratégie du ‘Great Reset’, il semble que l’élite ait perdu son brio tactique. Le confort diminue et les promesses d'une “quatrième révolution industrielle” pas très prometteuse pour le commun des mortels ne vont pas séduire les masses. »
Kirby rappelle diverses circonstances durant ces dernières décennies où des catastrophes majeures, des scandales considérables, des injustices terribles et exposées publiquement, bref des événements considérables dont on pensait qu’ils allaient provoquer des vagues de révolte eurent leur heure de célébrité sans aucun effet. Il utilise même le contre-exemple de l’effondrement du communisme, qui s’effondra selon lui, non pas tant pour des raisons idéologiques ou morales, que parce que les gens étaient attirés par le “confort” du monde occidental : « Mais en fin de compte, personne n’a rien fait. Les injustices fondamentales furent toujours tolérées parce que, pour la plupart des gens, le confort est bien plus important que la justice ou d'autres idéaux moraux. Si l'Union soviétique a perdu la guerre froide, c'est en partie parce que l’élite communiste voulait simplement le niveau de confort de l'Ouest... »
Mais l’Ouest, c’est bien connu désormais, n’est plus ce qu’elle était, sans avoir son “propre Ouest”, comme l’avait l’URSS, vers où émigrer ou bien s’en inspirer. Désormais, ce ‘confort’ qui rendait le Système supportable pour le plus grand nombre, ce ‘confort’ n’existe plus...
« Nous sommes maintenant dans un moment unique de l'histoire où
il n'y a pas seulement une élection américaine ouvertement volée, des
mouvements populistes qui se développent en Occident, l'indignation du
public à propos des mesures de Covid-19 et l’incompétence des
gouvernements. Surtout, la vie devient enfin inconfortable. Tellement
inconfortable que beaucoup constatent désormais qu’ils n'ont plus rien à
perdre... [...]
» L'une des principales raisons pour lesquelles la majorité
silencieuse restaient à la maison alors que les radicaux bouleversaient
la société occidentale est le confort. Maintenant que les choses ne sont
plus très confortables, la majorité silencieuse va probablement devenir
beaucoup plus bruyante en 2021.
» Une société très fonctionnelle a besoin de suffisamment de confort pour créer une stabilité ; mais suffisamment d’inconfort conduit en sens contraire à plonger la population dans l’agitation et la pousse à prendre des risques. »
Dans la définition que l’auteur donne du mot “coercition”(c’est-à-dire « la volonté des individus de se soumettre à la société »), il insiste sur le fait que le ‘confort’ continue un élément souvent oublié, alors qu’il constitue l’essentiel (« la forme de répression la plus puissante que nous ayons jamais vue »). C’est tout à fait acceptable comme proposition mais demande peut-être à être précisée plus encore, pour bien faire comprendre l’inéluctabilité du passage de La servilité volontaire à l’‘inservilité volontaire’, qui se trouve finalement suggéré à contre-emploi par La société du spectacle de Debord. C’est-à-dire que le temps de l’‘inservilité volontaire’, dont l’époque folle que nous vivons permettrait l’apparition, conduit également à briser la cohérence, la cohésion, en un mot le ‘confort’ psychologique et narratif que le Système pouvait fournir en permettant à son récit de se poursuivre dans la cohérence.
Le summum du confort, donc le verrouillage de La société du spectacle fonctionnant à plein gaz, se trouvait dans cette sorte de tranquillité psychologique que la course des événements, parfaitement maîtrisés et contenus, permettait de faire subsister chez la plupart des citoyens occidentaux, sans qu’ils songeassent dans leur ingénuité d’une couardise courante, aveugle et humaine, trop humaine, ni à La servilité volontaire ni à La société du spectacle. Si La société du spectacle était certes un simulacre habillant d’une façon convenable La servitude volontaire, il fallait encore que le simulacre ne versât dans aucun excès. Ce fut le cas durant un temps assez long où les crises n’atteignaient jamais le cœur de la matrice ni ne perçaient l’armure du Système.
Mais aujourd’hui ! Secoués, tiraillés, bousculés par les folies incroyables du wokenisme, du gauchisme progressiste-sociétal, les folies invraisemblables de l’incompétence des autorités sans autorité, les folies arrogantes des foules des 0,01% du ReSet de Davos jouant avec le wokenisme, les folies incontrôlables de la pandémie et de la façon de l’affronter, le simulacre se crève de toutes parts, comme le dirigeable Hindenburg du comte von Zeppelin, reconstitué pour la postmodernité. La société du spectacle se heurte à son double mortifère qui ne peut s’empêcher d’employer les mêmes méthodes de mise en scène, mais pour son autodestruction. Elle offre désormais le spectacle d’un désordre cosmique, entre complots incroyables des commentateurs exacerbés par leurs ombres et leurs décombres, et visions absurdes d’une post-postmodernité ivre de créations post-divines.
Tout cela, malgré le zèle de l’imagination et la satisfaction arrogante de soi, n’a plus aucune stabilité, même faussaire, ni le moindre équilibre. Nul ne peut trouver le ‘confort’ dans ce cadre, sinon le repos éternel qui semble le seul moyen d’échapper aux fous de l’‘asile’. Il est vrai et d’ailleurs fort logique que, face à ces ‘opportunités’, alors que le ‘confort’ ne cesse de baisser jusqu’à l’inconfort le plus complet, l’angoisse de la psychologie qui s’exaspère, il est vrai que la dévoration des croyances et des espérances dans la poursuite de vies ‘confortables’ s’accomplit gloutonnement et ouvre le champ à des réactions où La Servilité volontaire a manifestement assez donné.
Il n’est pas indifférent que la crise-Covid se marque notamment par des mesures de contraintes drastiques qui affectent les conditions générales du ‘confort’, mais aussi les grands domaines de la culture, dont le théâtre est une part essentielle, qui ont également partie prestigieuse liée au ‘confort’. La crise-Covid menace le théâtre, et le théâtre résiste, en perdant ses horaires et ses rassemblements habituels ; dans cette bataille titanesque, le ‘spectacle’ de l’art théâtral a été catastrophiquement perturbé, et La société du spectacle en subit contrecoups et conséquences...
La littérature en est toute bouleversée, puisque La société du spectacle tend à faire relâche tandis que La servilité volontaire apprend à devenir inservilité. Le ‘confort’ n’est plus ce qu’il était ; La Boétie et Debord, confortablement installés à la mezzanine, en rient tout bas et “à bas-bruit”...
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