-« Ah, quel pastis ! On dira ce qu’on voudra mais pour moi Ricard ça reste Ricard, sans équivalent, que ce soit le goût, le désaltérant ou le désinhibant on ne fait pas mieux. Et puis ça se digère bien, vous voyez, ce n’est pas le cas de tous, loin de là, vous en avez qui vous restent sur l’estomac et vous foutent mal à la tête, Ricard non, jamais, au bout du vingtième vous restez lucide et en pleine forme, j’ai constaté à maintes reprises, comme on dit, ça ne fait pas l’ombre d’un doute ».
-« Okay Jeannot, lui rétorque notre ami Yves Rognes descendu de sa montagne pour se refaire un peu la sociabilité, mais à mon avis ça reste discutable, car bien avant le vingtième pastaga, en admettant que tu restes en pleine forme ta lucidité en prend tout de même un coup ! Là déjà, tout le monde peut voir ce que tu fabriques avec ta braguette en observant subrepticement l’entrecuisse de Pompy… à jeun tu planquerais les meubles, je te connais, tu es un garçon bien élevé, faut pas croire! »
Vous vous rendez compte! Le pauvre Jean Foupallour, tout rouge, honteux et confus, jurant sur son Ricard qu’on ne l’y prendrait plus! Et Pompy qui joue les mijaurées, voire les pucelles effarouchées, rôle de composition s’il en est, alors qu’elle profite de la circonstance pour se tortiller lascivement sur son haut tabouret. Du coup l’attention de tous se mobilise et l’hilarité générale fait place à la tournée du même métal, commandée illico par mes soins afin d’amortir le coup vicelard lancé par ce vieux malveillant d’Yves Rognes, éternellement incapable de s’interdire la vanne qui tue, fût-ce pour épargner un brave copain sans malice.
Que voulez-vous, l’été est ainsi fait qu’il offre plein d’opportunités de prendre la vie du bon côté, ce qui n’est pas toujours le cas de ses acolytes, les saisons plus habillées et moins propices à la désaltérance euphorisante. Et pourtant, cet été-ci, celui de l’an de crasse 2020, recèle une particularité épidémique qui lui confère un petit côté fin du monde, enfin plutôt fin d’un monde, celui de l’insouciance et de l’optimisme envers les lendemains. Là, nos lendemains on ne sait pas trop… alors une espèce de chape ténue mais bien présente, on la sent tout le temps, couvre les pensées de chacun et chacune d’un voile d’inquiétude diffuse, inexprimable et obsédante.
Vous avez ceux qui ont la frousse de crever, ça on trouve surtout chez les vieux et sans doute encore plus les vieilles, telle que cette chère Monique (1) toujours collée à son Yves momentanément redescendu de Trounaze, la besace pleine d’herbes à la con…tiens c’est de là que ça vient, beuze, la bonne fumette qu’on trimballe dans la besace…oui enfin bref, on s’en fout! Je vous parlais de Monique parce qu’ayant passé les soixante-cinq elle se sent proie à coronavirus ce qui la plonge dans une panique permanente lourdement renforcée par l’annonce de plus en plus prégnante d’une deuxième vague qui nous pendrait au nez comme un sifflet de deux sous. Cela complique un peu la cohabitation avec ceux qui s’en foutent complètement, les zigotos comme nous, Maurice, Marcel, Jeannot et compagnie, sans parler d’Yves qui dans son bled inaccessible n’avait même pas eu vent, ni du coronavirus, ni du confinement, ni du déconfinement, ni même du reconfinement qu’on commence à nous agiter sous le groin comme le bâton à un cochon-truffier. Nous autres, c’est bien malheureux à dire, mais le Covid 19…ou plutôt la Covid puisqu’aussi bien l’Académie nous range cela dans le féminin, comme catastrophe, calamité, Ségolène… la Covid, donc, nous n’en avons pas grand chose à secouer. Pour nous, claquer apparaît comme une évidence inéluctable et que ce soit du coronavirus ou d’une quelconque saloperie mortifère, on aboutira au même résultat final. Bien sûr on préfère le plus tard possible, d’accord, mais s’il faut se coller la rate au court-bouillon et s’enquiquiner l’existence juste pour jouer à cache-cache avec un partenaire qu’on ne voit même pas, autant continuer comme si de rien n’était, tout en se protégeant tant bien que mal par l’absorption de solutions hydroalcooliques propres également à combattre la prochaine canicule. Je sais bien que sur les tables de chevet de mes potes on ne risque pas de tomber sur les œuvres complètes de Sénèque, cependant la pensée profonde de ce dernier correspond parfaitement à notre philosophie bistrotière: la vie c’est très bien mais une fois mort on ne s’en aperçoit même pas et en plus on est vachement pénard! En conclusion, pas la peine de s’enquiquiner pour si peu et à votre bonne santé!
Toutefois, reconnaissons-le, chez les septua-octogénaires ordinaires c’est tout de même la frousse qui domine. On les voit se trimballer masqués alors même qu’on ne leur en demande pas tant. Présipède et Cachsex évoquent seulement les lieux publics clos… admettons qu’on puisse avoir un petit doute sur les abri-bus et les pissotières mais pour le reste, la déambulation en extérieur notamment, on peut s’en passer du masque. Cela dit, permettez moi un gros éclat de rire sardonique face à l’évolution de la parole scientifiquissime des branquignols officiels plus ou moins médicaux qui dictent nos conduites anti-covid. Voilà trois petits mois les mêmes hurluberlus nous expliquaient doctement l’inutilité absolue du masque, aujourd’hui ils nous disent, j’ai entendu cela pas plus tard qu’hier: « s’agissant d’une affection des voies respiratoires, le masque constitue la meilleure des barrières, il est donc absolument indispensable« ! Non mais vous vous rendez compte? La vérité se trouvant probablement dans ce qu’on nous raconte aujourd’hui, vous imaginez facilement le nombre de contaminations et donc le monceau de macchabées induits par leurs affirmations d’avant! Ces gens-là sont à proprement parler des meurtriers en série, des criminels de droit commun, des salauds comparables aux waffen SS, lesquels au moins évitaient de se dissimuler sous les oripeaux de la bien-pensance! Ce qui n’empêche pas lesdits assassins de continuer à pérorer tous azimuts, tranquilles comme baptiste, pour causer comme le petit Moussa Darmanin, la victime expiatoire des pétroleuses Mitou… Et vous voudriez qu’on les écoute, ces pignoufs? Je préfère mille fois Donald Trump qui vous sort carrément « combattre le virus c’est très bien mais si ça passe par foutre en l’air l’économie, le remède sera bien pire que le mal, fuck-you! » Et il a raison! Bolsonaro aussi d’ailleurs, sauf que lui il en a fait un peu trop et a fini par se choper le virus… histoire de vérifier les théories du Savant de Marseille sur l’efficacité du remède anti-palu. Soit dit en passant tous ceux qui ont suivi le traitement du Buffalo Bill de la Canebière s’en sont bien sortis: Bébert de Monaco, Estrosi et tant d’autres… Boris aussi s’en est remis, me direz vous…mais bon, si ça se trouve, lui aussi, en loucedé… Le traitement de Raoult ne tue pas, contrairement à ce que les susdits scientifiques à la mords moi le stéthoscope ont aussi proféré, alors qu’est-ce qu’on risque, pas vrai?
Tout cela pour vous dire qu’en cette fin de matinée, un peu chaude mais juste ce qu’il faut pour mouiller la meule avec délectation, les inquiets du virus et ceux qui s’en foutent trinquent joyeusement; les premiers pour conjurer le mauvais sort et si possible l’oublier, les seconds juste pour le plaisir de se faire un peu de joie à bon marché. Il y a toutefois le père Blaise Sanzel, un nonagénaire, c’est vous dire s’il s’en fout du coronavirus, qui vitupère grave à propos de la Cathédrale de Nantes.
» Vous voyez, nous déclare-t-il en substance, cette affaire n’est pas catholique, c’est bien le moins qu’on puisse dire. Vous avez un réfugié Rwandais en garde à vue depuis hier après- midi, suspect d’avoir foutu le feu d’une manière ou d’une autre, et, par ailleurs, la « Ligue de Défense Noire Africaine » qui tweete sa satisfaction de voir cramer « la cathédrale payée par les négriers nantais par l’argent de la traite-esclavage »! C’est plus fort que de jouer au bouchon (2) ça, pas vrai? Même pas foutus de réaliser qu’au quinzième siècle les seuls négriers c’étaient les Arabes! Black lives matter tant que vous voudrez mais sincèrement, avoir vécu si longtemps pour voir ces gens-là nous sodomiser de la sorte, à sec, sans vaseline et avec du piment de Cayenne pour agrémenter, en vérité je vous le dis, ça donne envie d’attraper le coronavirus et de s’en aller vite fait rendre visite au Diable! »
Écœuré, le pauvre Blaise, faut le comprendre aussi, c’est déjà dur pour nous, les infamies qu’on nous mijote à toutes les sauces, mais pour un type comme lui qui fit tellement suer le burnous et le boubou du temps de sa jeunesse folle, ce doit être une torture morale intolérable. Bon…mais tout de même, de là à souhaiter l’arrivée d’une nouvelle vague encore pire que celle de Godard!
Allez, je vous souhaite une bonne semaine estivale, passez à l’ombre et, surtout, conservez vous, comme dans le temps disait Fernandel (3).
Et merde pour qui ne me lira pas.
NOURATIN
(1) voir DERRIERE NAPOLEON chapitres VIII, IX et XVI, notamment.
(2) expression encore très usitée dans la première partie du siècle dernier, le jeu en question s’étant semble-t-il largement perdu depuis lors.
(3) Il nous racontait ses souvenirs dans une série d’émissions à la radio, vers le début des années soixante, c’était savoureux et il concluait sytématiquement par cette formule « conservez vous ».
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