21 avril 2020

Géopolitique du coronavirus : première manifestation en Russie contre le confinement à Vladikavkaz



Hier, dans la ville de Vladikavkaz, dans le Sud de la Russie, en Ossétie du Nord, une manifestation anti-confinement a regroupé environ 1.500 personnes en pleine journée, demandant le droit de sortir dans les rues, l'ouverture des magasins, le départ du Gouverneur, une information réelle sur le coronavirus et des moyens de subsistance.

Ici, comme dans ce genre de manifestations, l'organisation fit méticuleuse, la base d'un mécontentement naturel existant, elle put être utilisée. Car, ce qui est surprenant, c'est que dans la Géorgie voisine, où les problèmes socio-économiques sont encore pires avec des mesures de confinement encore plus strictes, aucun mouvement social n'est à signaler. Il est vrai que l'occupation américaine du pays n'en a pas besoin. Alors qu'en Russie ... en plus dans le Caucase, c'est une aubaine à ne pas laisser passer. Voire à organiser. Et encore une fois, le désarroi des populations est instrumentalisé. Et ceux qui conseillent la persistance des mesures strictes, envers et contre l'avis des académiciens russes, peuvent aussi être ceux qui apportent les tentes.




Vladikavkaz est la capitale de la région russe de l'Ossétie du Nord, se trouvant dans le Caucase du Nord. Depuis la crise politico-sanitaire du coronavirus, les gens ont été mis en isolement et la situation socio-économique est difficile. Surtout que les chiffres laissent songeur : sur une population régionale d'environ 700 000 personnes, il y a 145 personnes touchées et 2 décès. Et la région est à l'arrêt, comme le reste du pays.


Comme dans tout mouvement de foule, il faut conjuguer deux éléments: un bon prétexte - en l'occurrence l'exaspération de la population, et une bonne organisation. L'exaspération de la population, qui ne voit pas de danger particulier à ce coronavirus, devient visible : alors que la Russie a déjà fait une révolution en 1991 au son de la liberté et de la démocratie, à l'instar - par ailleurs - des démocraties occidentales, elle assigne sa population à domicile, mais elle sans déclarer l'état d'urgence. Sans perspective claire de sortie, car avec des chiffres si faibles, mettre une population sous clé, oblige à s'interroger sur ceux qui permettront de la libérer. 


Cette exaspération, qui fait suite à la mise en oeuvre par la Russie des mesures globales, ouvre la voie à l'organisation de mouvements de foule. L'organisateur formel, Vadim Tcheldiev, est un ancien chanteur d'opéra reconverti en activiste d'opposition, vivant à Saint-Pétersbourg. Depuis sa chaîne sur télégramme, à distance puisqu'il n'envisageait pas de se déplacer, il a appelé ses concitoyens à sortir dans la rue contre le fake du coronavirus. Ce qui est par ailleurs intéressant, est qu'il revendique l'existence de l'URSS et ainsi vise les forces conservatrices du pays. L'on a même vu apparaître des tentes sur la place de la Liberté à Vladikavkaz, ce qui rappelle des souvenirs.

Les forces de sécurité envoyées pour nettoyer la place n'ont, dans un premier temps, pas été particulièrement actives. Selon certaines sources, une partie des policiers serait même passée du côté des manifestants.


Les manifestants regroupés devant le bâtiment du gouvernement local, selon les sources quelques centaines jusqu'à 2.000, ont tout d'abord demandé l'intervention du gouverneur Butarov, qui est finalement sorti, mais sans réussir à la convaincre. 

Les revendications furent variées : la démission de ce gouverneur, la libération de l'activiste Vadim Tcheldiev qui avait été interpellé, plus d'informations sur l'épidémie, des mesures sociales car beaucoup ont perdu leur travail, la fin du confinement, le droit de sortir et ouvrir les magasins. Certains manifestèrent aussi contre le report des cérémonies du 9 mai, qui a été annoncé au niveau fédéral. Certaines arrestations ont eu lieu, dans la soirée, la manifestation s'est dispersée. 


L'instrumentalisation du mécontentement populaire est remarquée par plusieurs sources, qui se réjouissent de l'interpellation de meneurs dans d'autres républiques fédérées, ce qui a permis d'éviter de répéter ces mouvements contestataires. L'on peut se réjouir que ce mouvement, concret, de déstabilisation n'ait pas réussi, mais le problème fondamental n'en est pas pour autant réglé. Et il ne se réglera pas uniquement par des arrestations. Surtout lorsqu'il se développe sur la base d'une crise sociale, qui peut devenir politique.


En principe, les mouvements contestant la manière dont la crise politico-sanitaire du coronavirus est réglée montent dans différents pays, notamment aux Etats-Unis, où de grandes manifestations sont organisées dans différents Etats. L'on peut tenter de les discréditer, comme cela est aussi le cas avec cette manifestation à Vladikavkaz, mais l'on ne fera que reporter le problème, car le mécontentement populaire existe. Par exemple, en Russie, plusieurs "manifestations virtuelles" ont également été organisées, contre le confinement et la mise à l'arrêt de la vie.


Ces mouvements sont d'autant plus significatifs que des voix de médecins-chefs, d'académiciens, s'élèvent pour tenter de ramener les politiciens à la raison. Ainsi, le médecin-chef de l'hôpital N° 71 de Moscou, Alexandre Miasnikov, de déclarer que ce virus est arrivé dans notre vie pour longtemps, qu'il n'y a rien de grave, qu'il faut que la population développe une immunité collective et pour cela qu'elle soit touchée à 60%, soignée et continue tranquillement sa vie. "Ce n'est pas agréable, mais il n'y a rien de tragique".

 
Lors de la réunion du Président Poutine sur la situation épidémiologique en Russie, deux académiciens, deux spécialistes de la question, qui ne font pas de politique, qui ne s'occupent plus de leur carrière déjà bien avancée, se sont prononcés à contre-courant des diktats de l'OMS, appliqués à la lettre.


Tchutchaline, académicien : "Nous exagérons, en dramatisant la situation dans son ensemble. Quelqu'un est touché par le coronavirus - la mère attrape son enfant, dans un mois il l'a aussi. Et l'individu passe toute sa vie avec, c'est la maladie virale la plus étendue. C'est le monde de l'humanité."


Filatov, membre-correspondant de l'Académie des sciences, vice-directeur pour la science de l'Institut des vaccins et des sérums : "Je pense que maintenant il est possible d'ouvrir les institutions pré-scolaires et les écoles qui ont été fermés. C'est un contingent (les enfants) qui n'est pas malade, ils sont naturellement protégés. Le virus, circulant sur eux, perdra ensuite sa virulence." 


Mais il semble que l'opinion des politiques ne corresponde pas à celle des scientifiques apolitiques. Une différence de calendrier peut-être ... En attendant, il est fort possible que les mêmes qui donnent les "bons" conseils, stricts, sans concessions, soient les mêmes qui soutiennent les mouvements contestataires. L'on remarquera à ce sujet l'enthousiasme de la BBC, de Radio Liberty, des médias de Khodorkovsky, etc. pour Vladikavkaz. 


Sans très grande originalité, mais pour autant, aujourd'hui, non sans danger avec le mécontentement des classes moyennes et pauvres face à la montée des problèmes sociaux, des milieux entrepreneuriaux avec la montée des problèmes économiques, des milieux patriotiques avec le report des cérémonies du 9 mai, des milieux croyants avec l'annulation des cérémonies de Pâques, des familles avec l'impossible enseignement à distance, etc etc etc. 


Il serait dangereux de faire l'unanimité contre soi. Rappelons qu'en Russie, O,O16% des morts sont causées par le coronavirus.

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