Si les États-Unis veulent commencer une nouvelle course aux armements avec la Russie ou la Chine, ils seront les seuls à courir. Il vont devoir courir vite pour se rattraper eux-mêmes."...Dit autrement, ils ont déjà perdu.
Hier, les États-Unis ont quitté le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF). La fin de ce traité et d’autres traités qui ont éliminé ou limité le déploiement de systèmes nucléaires est considérée par certains comme le début d’une nouvelle course aux armements :
William J. Perry - @ SecDef19 - 19h37 · 2 août 2019 Le retrait américain du traité INF aujourd'hui porte un grand coup à la maîtrise des armes nucléaires et à la sécurité mondiale : nous marchons, comme des somnambules, vers une nouvelle course aux armements.
L’ancien secrétaire à la Défense a tort. La course n’aura pas lieu parce que la Russie – et la Chine – ne courront pas. Dit autrement, ils ont déjà gagné.
Pour comprendre pourquoi nous devons examiner l’historique des traités sur le nucléaire, et leur fin.
En 1976, l’Union soviétique a commencé à déployer des missiles à portée intermédiaire SS-20 (RSD-10 Pionnier) à ogive nucléaire en Europe. Les Européens de l’Ouest, en particulier l’Allemagne, craignaient que ces missiles découplent les États-Unis de l’Europe occidentale. L’Union soviétique pourrait dire aux États-Unis qu’elle n’utiliserait pas ses missiles nucléaires intercontinentaux contre le continent américain tant que les États-Unis ne tireraient pas leurs missiles intercontinentaux sur l’Union soviétique. Elle pourrait ensuite utiliser le SS-20 pour attaquer l’OTAN en Europe, tandis que les États-Unis s’abstiendraient de contre-attaques nucléaires sur l’Union soviétique. L’Europe deviendrait un champ de bataille nucléaire tandis que les États-Unis et l’Union soviétique resteraient intacts.
Le chancelier allemand Helmut Schmidt a exhorté les États-Unis à installer des missiles à portée intermédiaire et à ogive nucléaire en Europe occidentale afin de faire pression sur les Soviétiques pour qu’ils éliminent le SS-20. En 1979, l’OTAN a pris une décision à double détente. Elle déploierait des missiles Pershing II de fabrication américaine en Europe et offrirait en même temps à l’Union soviétique un traité interdisant toutes ces armes de portée intermédiaire. L’effort a réussi.
Le Traité de 1987 sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF) conclu entre les États-Unis et l’Union soviétique – plus tard la Russie – interdisait les missiles balistiques terrestres, les missiles de croisière et les lanceurs de missiles des deux pays, d’une portée de 500 à 5 500 km (310 à 3 420 miles). Tous les missiles SS-20 et Pershing II ont été retirés et détruits. Une guerre nucléaire en Europe devint moins probable.
Un autre traité de 1972, sur les missiles anti-balistiques défensifs (ABM), avait été couronné de succès. Il interdisait aux deux parties de déployer de nouveaux système ABM. C’était nécessaire parce que le camp qui pensait disposer d’une défense antimissile balistique efficace pouvait lancer une première frappe massive, détruire la plupart des forces adverses et se défendre contre la frappe de représailles de moindre envergure qui allait suivre. Il était préférable pour les deux parties d’interdire les missiles ABM en général et de s’en remettre à la destruction mutuellement assurée (MAD) pour prévenir une guerre nucléaire.
En juin 2002, le président américain George W. Bush, sous l’influence d’un certain John Bolton, s’est retiré du traité ABM qui a conduit à son annulation de facto. Les États-Unis ont déployé le système ABM en Alaska et en Californie, mais lors des tests, ils se sont révélés peu fiables.
Les États-Unis avaient alors affirmé que les ABM étaient nécessaires pour se défendre contre les missiles nucléaires de la Corée du Nord et de l’Iran. C’était depuis toujours un non-sens évident. À cette époque, la Corée du Nord n’avait pas de missile pouvant atteindre les États-Unis et l’Iran n’a pas d’armes nucléaires et limitait la portée de ses missiles à 2 000 kilomètres.
La Russie voyait, dans la démarche américaine, une tentative pour pouvoir réaliser une première frappe contre elle. Elle a immédiatement lancé le développement d’un nouveau système qui rendrait la défense antimissile américaine inutile.
Les États-Unis ont également demandé à l’OTAN de déployer des systèmes ABM en Europe. L’Iran a de nouveau été cité comme le principal danger. Des plans ont été développés pour déployer les systèmes antimissiles Patriot et THAAD en Pologne et en Roumanie. Ceux-ci n’ont pas immédiatement mis en danger la Russie. Mais en 2009, le président Obama a annulé le déploiement et présenté un plan plus diabolique. Le système AEGIS utilisé sur de nombreux navires de guerre américains serait converti en une version terrestre et déployé dans un prétendu but défensif. AEGIS comprend un radar, un système de gestion de combat et des lanceurs de missiles. Le gros problème est que ses rampes de lancement peuvent projeter des types de missiles très différents. Alors que le missile standard 2 ou 3 peut être lancé à partir de rampes ayant un rôle défensif, ces mêmes rampes peuvent également lancer un missile de croisière à ogive nucléaire d’une portée de 2.400 kilomètres.
La Russie n’avait aucun moyen de détecter le type de missile que les États-Unis déploieraient sur ces sites. Elle pouvait supposer que des missiles nucléaires à portée intermédiaire seraient installés sur ces rampes. En 2016, les États-Unis ont activé le premier de ces systèmes terrestres AEGIS en Roumanie. C’est cette étape qui a brisé le traité INF.
Le fait qu’Obama ait précédemment signé un accord nucléaire avec l’Iran, garantissant que celui-ci ne construirait jamais d’armes nucléaires, a clairement montré que la Russie était la seule et unique cible de ces systèmes : Lors d'une visite en Grèce destinée à rétablir les liens avec l'UE, Vladimir Poutine a déclaré que la Russie n'avait "pas d'autre choix" que de cibler la Roumanie, qui a récemment installé une base de défense antimissile de l'OTAN, et la Pologne, qui prévoit de le faire d'ici deux ans. "Si hier, les gens ne savaient tout simplement pas ce que signifie être dans le collimateur dans ces régions de Roumanie, nous sommes obligés aujourd'hui de prendre certaines mesures pour garantir notre sécurité. Et ce sera la même chose avec la Pologne", a déclaré Poutine lors d'une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre grec Alexis Tsipras à Athènes vendredi. ... «En ce moment, les missiles intercepteurs installés ont une portée de 500 km, bientôt 1.000 km. Pire encore, ils peuvent être armés avec des missiles offensifs d'une portée de 2.400 km, déjà aujourd’hui. Et cela peut être fait par un simple changement du logiciel, afin que même les Roumains ne le sachent pas», a déclaré Poutine, qui se trouve en Grèce pour une visite de deux jours.
La Russie a exhorté les États-Unis à négocier sur la question, mais les États-Unis ont refusé. Un an après que ceux-ci ont déployé leur système en Roumanie, ils ont allégué que la Russie elle-même enfreignait le traité INF. Ils ont affirmé que la Russie avait déployé le missile 9M729, une version à longue portée d’un précédent missile, dont la portée dépassait les limites du traité INF. La Russie affirme que le missile est simplement une mise à niveau technique d’un ancien modèle et a une portée maximale inférieure à 500 kilomètres. Les États-Unis n’ont jamais fourni d’éléments de preuve à l’appui.
En janvier 2019, les États-Unis ont rejeté une offre russe proposant d’inspecter le nouveau missile russe et ont commencé à se retirer du traité INF. Ils ont donné un préavis de six mois le 2 février et hier, le traité INF a été abrogé.
Ni la notice nécrologique du traité dans le New York Times, ni la rédaction de CNN ne mentionnent les systèmes ABM en Roumanie et en Pologne qui ont été les premiers à violer le traité. Les deux réitèrent l’affirmation non prouvée selon laquelle la Russie aurait effectivement déployé de nouveaux systèmes à portée intermédiaire.
Les Européens de l’OTAN ne sont pas contents de la fin du traité : La fin officielle d'un pacte historique de maîtrise des armements entre les États-Unis et la Russie est un "mauvais jour" pour la stabilité en Europe, a déclaré vendredi à CNN le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, quelques heures après le retrait des États-Unis du pacte. S'adressant à Hala Gorani de CNN, le politicien norvégien a qualifié la "fin du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF) avec Moscou" de "grave revers". "Je fais partie d'une génération politique formée dans les années 1980, où nous étions tous préoccupés par le risque de guerre nucléaire, et où nous étions en mesure de ratifier un traité INF qui non seulement réduisait les missiles, mais interdisait toutes les armes intermédiaires.", a-t-il déclaré.
Stoltenberg a ensuite blâmé la Russie sans mentionner les « faux sites américains ABM » en Roumanie et en Pologne.
C’est John Bolton qui était à l’origine de la fin du traité ABM et c’est encore lui qui a convaincu Trump de mettre fin au traité INF. Avec Bolton à la manœuvre, le traité New Start, qui limite les systèmes intercontinentaux, mais se termine en 2021, ne sera probablement pas reconduit. Bientôt, tout le système de traités limitant les américains et les russes dans la production d’armes nucléaires, et des moyens de les lancer, auront disparu.
Pourquoi les États-Unis sont-ils si désireux de mettre fin à tout cela ? Il est connu que John Bolton déteste tout ce qui restreint les États-Unis, mais il existe également une stratégie plus large derrière. Les États-Unis estiment avoir vaincu l’Union soviétique en provoquant une course aux armements perdue par les Soviétiques. Ils espèrent pouvoir faire de même avec une Russie récalcitrante. Mais ce calcul est erroné. Le président Poutine a depuis longtemps déclaré que la Russie ne marcherait pas dans la combine : Moscou ne s'engagera pas dans une course aux armements épuisante et les dépenses militaires du pays diminueront progressivement, la Russie ne cherche pas à jouer un rôle de "gendarme mondial", a déclaré le président Vladimir Poutine. Moscou ne cherche pas à s’engager dans une nouvelle course aux armements "inutile", et s’en tiendra à des "décisions intelligentes" pour renforcer ses capacités de défense, a déclaré Poutine vendredi lors d’une réunion annuelle élargie du conseil d’administration du ministère de la Défense.
Comme Patrick Armstrong l’explique bien: Poutine & Cie ont appris : la Russie n'a pas de vocation historique dans le monde et son armée est réservée à sa propre défense. Ils comprennent ce que cela signifie pour les forces armées russes, Moscou n'a pas à rivaliser avec l'armée américaine, il lui suffit de la tenir en échec. Et la Russie n’est pas obligé de la tenir en respect partout, seulement chez elle. L'US Air Force peut se déchaîner n'importe où mais pas dans l'espace aérien de la Russie ; la marine américaine peut aller n'importe où mais pas dans les eaux russes. C'est un travail beaucoup plus simple et qui coûte beaucoup moins cher que ce que tentaient de faire Staline, Khrouchtchev et Brejnev ; c'est beaucoup plus facile à réaliser, à planifier et à gérer. L’exceptionnaliste interventionniste doit planifier pour tout ; le nationaliste pour Une seule chose.
La Russie a déjà toutes les armes nécessaires pour se défendre. La guerre américaine dépend de la communication par satellite, de la supériorité aérienne et des missiles. Mais les systèmes de défense aérienne et de guerre électronique de la Russie sont de première classe. Ils ont démontré en Syrie que leurs capacités dépassaient tous les systèmes américains.
Lorsque les États-Unis ont quitté le traité ABM, en 2002, la Russie, [ après avoir prévenu, NdT ], a commencé à développer de nouvelles armes. En 2018, elle était prête et montrait des systèmes capables de vaincre toutes les défenses ABM. Les États-Unis ne peuvent plus espérer surprendre avec une première frappe contre la Russie, quel que soit le nombre de systèmes ABM et d’armes nucléaires qu’elle déploie. Il n’existe aucune défense contre les systèmes hypersoniques, les torpilles nucléaires ou les missiles de croisière à propulsion nucléaire à portée illimitée.
Si les États-Unis veulent commencer une nouvelle course aux armements avec la Russie ou la Chine, ils seront les seuls à courir. Il vont devoir courir vite pour se rattraper eux-mêmes.
Contrairement aux États-Unis, ni la Russie ni la Chine n’essaient d’atteindre une hégémonie mondiale. Ils ont seulement besoin de défendre leurs territoires. La menace américaine contre eux en a fait des alliés. Si la Chine a besoin de plus de capacités de défense, la Russie se fera un plaisir de les lui fournir. Une attaque nucléaire contre l’un ou l’autre d’entre eux, venant d’Europe, du Japon ou des États-Unis eux-même, provoquera une attaque nucléaire contre le continent américain. Les États-Unis n’ayant pas la capacité de se défendre des nouveaux systèmes russes, ils continueront d’être dissuadés.
Moon of Alabama
Hier, les États-Unis ont quitté le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF). La fin de ce traité et d’autres traités qui ont éliminé ou limité le déploiement de systèmes nucléaires est considérée par certains comme le début d’une nouvelle course aux armements :
William J. Perry - @ SecDef19 - 19h37 · 2 août 2019 Le retrait américain du traité INF aujourd'hui porte un grand coup à la maîtrise des armes nucléaires et à la sécurité mondiale : nous marchons, comme des somnambules, vers une nouvelle course aux armements.
L’ancien secrétaire à la Défense a tort. La course n’aura pas lieu parce que la Russie – et la Chine – ne courront pas. Dit autrement, ils ont déjà gagné.
Pour comprendre pourquoi nous devons examiner l’historique des traités sur le nucléaire, et leur fin.
En 1976, l’Union soviétique a commencé à déployer des missiles à portée intermédiaire SS-20 (RSD-10 Pionnier) à ogive nucléaire en Europe. Les Européens de l’Ouest, en particulier l’Allemagne, craignaient que ces missiles découplent les États-Unis de l’Europe occidentale. L’Union soviétique pourrait dire aux États-Unis qu’elle n’utiliserait pas ses missiles nucléaires intercontinentaux contre le continent américain tant que les États-Unis ne tireraient pas leurs missiles intercontinentaux sur l’Union soviétique. Elle pourrait ensuite utiliser le SS-20 pour attaquer l’OTAN en Europe, tandis que les États-Unis s’abstiendraient de contre-attaques nucléaires sur l’Union soviétique. L’Europe deviendrait un champ de bataille nucléaire tandis que les États-Unis et l’Union soviétique resteraient intacts.
Le chancelier allemand Helmut Schmidt a exhorté les États-Unis à installer des missiles à portée intermédiaire et à ogive nucléaire en Europe occidentale afin de faire pression sur les Soviétiques pour qu’ils éliminent le SS-20. En 1979, l’OTAN a pris une décision à double détente. Elle déploierait des missiles Pershing II de fabrication américaine en Europe et offrirait en même temps à l’Union soviétique un traité interdisant toutes ces armes de portée intermédiaire. L’effort a réussi.
Le Traité de 1987 sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF) conclu entre les États-Unis et l’Union soviétique – plus tard la Russie – interdisait les missiles balistiques terrestres, les missiles de croisière et les lanceurs de missiles des deux pays, d’une portée de 500 à 5 500 km (310 à 3 420 miles). Tous les missiles SS-20 et Pershing II ont été retirés et détruits. Une guerre nucléaire en Europe devint moins probable.
Un autre traité de 1972, sur les missiles anti-balistiques défensifs (ABM), avait été couronné de succès. Il interdisait aux deux parties de déployer de nouveaux système ABM. C’était nécessaire parce que le camp qui pensait disposer d’une défense antimissile balistique efficace pouvait lancer une première frappe massive, détruire la plupart des forces adverses et se défendre contre la frappe de représailles de moindre envergure qui allait suivre. Il était préférable pour les deux parties d’interdire les missiles ABM en général et de s’en remettre à la destruction mutuellement assurée (MAD) pour prévenir une guerre nucléaire.
En juin 2002, le président américain George W. Bush, sous l’influence d’un certain John Bolton, s’est retiré du traité ABM qui a conduit à son annulation de facto. Les États-Unis ont déployé le système ABM en Alaska et en Californie, mais lors des tests, ils se sont révélés peu fiables.
Les États-Unis avaient alors affirmé que les ABM étaient nécessaires pour se défendre contre les missiles nucléaires de la Corée du Nord et de l’Iran. C’était depuis toujours un non-sens évident. À cette époque, la Corée du Nord n’avait pas de missile pouvant atteindre les États-Unis et l’Iran n’a pas d’armes nucléaires et limitait la portée de ses missiles à 2 000 kilomètres.
La Russie voyait, dans la démarche américaine, une tentative pour pouvoir réaliser une première frappe contre elle. Elle a immédiatement lancé le développement d’un nouveau système qui rendrait la défense antimissile américaine inutile.
Les États-Unis ont également demandé à l’OTAN de déployer des systèmes ABM en Europe. L’Iran a de nouveau été cité comme le principal danger. Des plans ont été développés pour déployer les systèmes antimissiles Patriot et THAAD en Pologne et en Roumanie. Ceux-ci n’ont pas immédiatement mis en danger la Russie. Mais en 2009, le président Obama a annulé le déploiement et présenté un plan plus diabolique. Le système AEGIS utilisé sur de nombreux navires de guerre américains serait converti en une version terrestre et déployé dans un prétendu but défensif. AEGIS comprend un radar, un système de gestion de combat et des lanceurs de missiles. Le gros problème est que ses rampes de lancement peuvent projeter des types de missiles très différents. Alors que le missile standard 2 ou 3 peut être lancé à partir de rampes ayant un rôle défensif, ces mêmes rampes peuvent également lancer un missile de croisière à ogive nucléaire d’une portée de 2.400 kilomètres.
La Russie n’avait aucun moyen de détecter le type de missile que les États-Unis déploieraient sur ces sites. Elle pouvait supposer que des missiles nucléaires à portée intermédiaire seraient installés sur ces rampes. En 2016, les États-Unis ont activé le premier de ces systèmes terrestres AEGIS en Roumanie. C’est cette étape qui a brisé le traité INF.
Le fait qu’Obama ait précédemment signé un accord nucléaire avec l’Iran, garantissant que celui-ci ne construirait jamais d’armes nucléaires, a clairement montré que la Russie était la seule et unique cible de ces systèmes : Lors d'une visite en Grèce destinée à rétablir les liens avec l'UE, Vladimir Poutine a déclaré que la Russie n'avait "pas d'autre choix" que de cibler la Roumanie, qui a récemment installé une base de défense antimissile de l'OTAN, et la Pologne, qui prévoit de le faire d'ici deux ans. "Si hier, les gens ne savaient tout simplement pas ce que signifie être dans le collimateur dans ces régions de Roumanie, nous sommes obligés aujourd'hui de prendre certaines mesures pour garantir notre sécurité. Et ce sera la même chose avec la Pologne", a déclaré Poutine lors d'une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre grec Alexis Tsipras à Athènes vendredi. ... «En ce moment, les missiles intercepteurs installés ont une portée de 500 km, bientôt 1.000 km. Pire encore, ils peuvent être armés avec des missiles offensifs d'une portée de 2.400 km, déjà aujourd’hui. Et cela peut être fait par un simple changement du logiciel, afin que même les Roumains ne le sachent pas», a déclaré Poutine, qui se trouve en Grèce pour une visite de deux jours.
La Russie a exhorté les États-Unis à négocier sur la question, mais les États-Unis ont refusé. Un an après que ceux-ci ont déployé leur système en Roumanie, ils ont allégué que la Russie elle-même enfreignait le traité INF. Ils ont affirmé que la Russie avait déployé le missile 9M729, une version à longue portée d’un précédent missile, dont la portée dépassait les limites du traité INF. La Russie affirme que le missile est simplement une mise à niveau technique d’un ancien modèle et a une portée maximale inférieure à 500 kilomètres. Les États-Unis n’ont jamais fourni d’éléments de preuve à l’appui.
En janvier 2019, les États-Unis ont rejeté une offre russe proposant d’inspecter le nouveau missile russe et ont commencé à se retirer du traité INF. Ils ont donné un préavis de six mois le 2 février et hier, le traité INF a été abrogé.
Ni la notice nécrologique du traité dans le New York Times, ni la rédaction de CNN ne mentionnent les systèmes ABM en Roumanie et en Pologne qui ont été les premiers à violer le traité. Les deux réitèrent l’affirmation non prouvée selon laquelle la Russie aurait effectivement déployé de nouveaux systèmes à portée intermédiaire.
Les Européens de l’OTAN ne sont pas contents de la fin du traité : La fin officielle d'un pacte historique de maîtrise des armements entre les États-Unis et la Russie est un "mauvais jour" pour la stabilité en Europe, a déclaré vendredi à CNN le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, quelques heures après le retrait des États-Unis du pacte. S'adressant à Hala Gorani de CNN, le politicien norvégien a qualifié la "fin du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF) avec Moscou" de "grave revers". "Je fais partie d'une génération politique formée dans les années 1980, où nous étions tous préoccupés par le risque de guerre nucléaire, et où nous étions en mesure de ratifier un traité INF qui non seulement réduisait les missiles, mais interdisait toutes les armes intermédiaires.", a-t-il déclaré.
Stoltenberg a ensuite blâmé la Russie sans mentionner les « faux sites américains ABM » en Roumanie et en Pologne.
C’est John Bolton qui était à l’origine de la fin du traité ABM et c’est encore lui qui a convaincu Trump de mettre fin au traité INF. Avec Bolton à la manœuvre, le traité New Start, qui limite les systèmes intercontinentaux, mais se termine en 2021, ne sera probablement pas reconduit. Bientôt, tout le système de traités limitant les américains et les russes dans la production d’armes nucléaires, et des moyens de les lancer, auront disparu.
Pourquoi les États-Unis sont-ils si désireux de mettre fin à tout cela ? Il est connu que John Bolton déteste tout ce qui restreint les États-Unis, mais il existe également une stratégie plus large derrière. Les États-Unis estiment avoir vaincu l’Union soviétique en provoquant une course aux armements perdue par les Soviétiques. Ils espèrent pouvoir faire de même avec une Russie récalcitrante. Mais ce calcul est erroné. Le président Poutine a depuis longtemps déclaré que la Russie ne marcherait pas dans la combine : Moscou ne s'engagera pas dans une course aux armements épuisante et les dépenses militaires du pays diminueront progressivement, la Russie ne cherche pas à jouer un rôle de "gendarme mondial", a déclaré le président Vladimir Poutine. Moscou ne cherche pas à s’engager dans une nouvelle course aux armements "inutile", et s’en tiendra à des "décisions intelligentes" pour renforcer ses capacités de défense, a déclaré Poutine vendredi lors d’une réunion annuelle élargie du conseil d’administration du ministère de la Défense.
Comme Patrick Armstrong l’explique bien: Poutine & Cie ont appris : la Russie n'a pas de vocation historique dans le monde et son armée est réservée à sa propre défense. Ils comprennent ce que cela signifie pour les forces armées russes, Moscou n'a pas à rivaliser avec l'armée américaine, il lui suffit de la tenir en échec. Et la Russie n’est pas obligé de la tenir en respect partout, seulement chez elle. L'US Air Force peut se déchaîner n'importe où mais pas dans l'espace aérien de la Russie ; la marine américaine peut aller n'importe où mais pas dans les eaux russes. C'est un travail beaucoup plus simple et qui coûte beaucoup moins cher que ce que tentaient de faire Staline, Khrouchtchev et Brejnev ; c'est beaucoup plus facile à réaliser, à planifier et à gérer. L’exceptionnaliste interventionniste doit planifier pour tout ; le nationaliste pour Une seule chose.
La Russie a déjà toutes les armes nécessaires pour se défendre. La guerre américaine dépend de la communication par satellite, de la supériorité aérienne et des missiles. Mais les systèmes de défense aérienne et de guerre électronique de la Russie sont de première classe. Ils ont démontré en Syrie que leurs capacités dépassaient tous les systèmes américains.
Lorsque les États-Unis ont quitté le traité ABM, en 2002, la Russie, [ après avoir prévenu, NdT ], a commencé à développer de nouvelles armes. En 2018, elle était prête et montrait des systèmes capables de vaincre toutes les défenses ABM. Les États-Unis ne peuvent plus espérer surprendre avec une première frappe contre la Russie, quel que soit le nombre de systèmes ABM et d’armes nucléaires qu’elle déploie. Il n’existe aucune défense contre les systèmes hypersoniques, les torpilles nucléaires ou les missiles de croisière à propulsion nucléaire à portée illimitée.
Si les États-Unis veulent commencer une nouvelle course aux armements avec la Russie ou la Chine, ils seront les seuls à courir. Il vont devoir courir vite pour se rattraper eux-mêmes.
Contrairement aux États-Unis, ni la Russie ni la Chine n’essaient d’atteindre une hégémonie mondiale. Ils ont seulement besoin de défendre leurs territoires. La menace américaine contre eux en a fait des alliés. Si la Chine a besoin de plus de capacités de défense, la Russie se fera un plaisir de les lui fournir. Une attaque nucléaire contre l’un ou l’autre d’entre eux, venant d’Europe, du Japon ou des États-Unis eux-même, provoquera une attaque nucléaire contre le continent américain. Les États-Unis n’ayant pas la capacité de se défendre des nouveaux systèmes russes, ils continueront d’être dissuadés.
Moon of Alabama
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.