C’est Var-Matin qui l’a révélé. A la demande des personnels et à l’unanimité du conseil de surveillance de l’hôpital Sainte Musse dont dépend le Samu du Var, celui-ci a décidé d’équiper ses infirmiers et médecins de gilets pare-balles. C’est une réponse à l’actualité. Toulon est aujourd’hui le lieu de fusillades et d’agressions nombreuses. Il arrive que le Samu intervienne auprès de patients agités, violents, déséquilibrés, en prison ou dans des cités.
Pour les infirmiers : des gilets pare-balles blancs, couleur de paix
S’il entend ainsi répondre à « la récurrence de situations sensibles », le docteur Laurent Béché, chef de service du Samu du Var, se veut rassurant. Il ne s’agira pas, pour les infirmiers de « les porter au quotidien ». Les gilets pare-balles seront « dans un placard, les équipes les porteront uniquement lors des situations particulières ».
Cette précision ne satisfait pas le docteur François Braun, président du Samu France, qui voit dans l’emploi du gilet pare-balles un dangereux « mélange des genres ». Lui sépare les torchons des serviettes : « La sécurité est le travail de la police et non du Samu. Notre rôle n’est pas de soigner les blessés sous les balles, nous ne faisons pas de la médecine de guerre, nous intervenons après l’accord de la police.»
Il a d’ailleurs été entendu. Une infirmière explique : « Nos gilets sont blancs pour bien les distinguer de ceux des forces de l’ordre. »
La France du non-dit, non vu, non compris oublie les Français moyens
Cette question de signalétique, ou plutôt de sémiotique des uniformes, n’est certes pas négligeable, mais la vraie question n’est pas là. Elle git dans un fait constaté par tout le monde et amplement documentée, la forte croissance de la violence contre les personnes, en particulier dans ce que l’administration nomme les « quartiers sensibles » et la police, quand elle parle librement, des zones de non-droit. Cette violence s’étend maintenant au métro, aux bus, aux avenues chic.
Le vocabulaire employé par les deux médecins cités montre leur imbibition par le langage administratif, qui traduit une gêne et une sorte de peur de nommer un chat un chat. Qu’est-ce qu’une « situation particulière » ? Et une « situation sensible » » ? L’emploi systématique du jargon administratif, d’abord inutile et ridicule, devient vite dangereux : il apprend à ne pas dire. Nous sommes entrés dans la république du non-dit, du non-vu, du non-compris. C’est-à-dire, soyons net, la république des imbéciles et des menteurs.
Dans le Var, mais pas que dans le Var, une médecine de guerre
Plus quelqu’un se trouve élevé dans la hiérarchie, donc éloigné de la réalité de la rue, plus le phénomène le touche. Ainsi le docteur Braun sombre-t-il en plein déni lorsqu’il affirme que « Nous ne faisons pas de médecine de guerre ». Le docteur Béché lui répond aisément que, sans doute, en principe et la plupart du temps, le Samu et ses infirmiers n’interviennent-ils que lorsque « la situation est stabilisée », mais que ce n’est pas toujours le cas. A Toulon, il a vu le Samu opérer « alors qu’il y avait encore une fusillade en cours ». Et cette fusillade fit un mort et un blessé.
Or, la situation empire. Le préfet du Var annonce officieusement pour le premier semestre 2018 « 27 usages d’arme à feu, avec deux morts et quatorze blessés ». Et le Var n’est pas un cas isolé. Dans certains coins du Nord, de la région parisienne, lyonnaise ou marseillaise la récurrence des situations particulières et sensibles force infirmiers et médecins à pratiquer une médecine de guerre civile.
Les gilets pare-balles, un moyen contre le couteau et l’arme de poing
Cette guerre n’a pas pour principal moyen les armes à feu, même si l’usage s’en répand, moins encore les armes de guerre. Une infirmière du Samu du Var expliquait d’ailleurs que les gilets pare-balles qu’on a distribués ne protègent pas des munitions de guerre mais « des armes de poing et des couteaux ». C’est donc contre ce type d’agressions, ou de mode opératoire, que le Samu du Var défend son personnel.
Cela signifie qu’il a ouvert sur le phénomène qui gagne la France, à l’intersection de la rixe aggravée, du terrorisme, du crime de sang et de la guérilla. L’été n’a cessé de résonner de coups de couteau portés au cou, d’hommes ou de femmes tués en pleine rue sans que la raison n’en soit définie de façon claire. C’est une violence globale, dont le mode opératoire est nouveau et semble indiquer une origine étrangère, « une autre culture », venue d’autres ethnies.
Pompiers, policiers, postiers, passants, n’ont pas les moyens de se protéger
C’est cela que les trois singes de Nikko de l’administration, des médias et de la politique ne veulent pas voir, entendre, ni dire. Ce dont infirmiers et médecins entendent maintenant, dans le Var, se protéger, frappe une très grande partie des professions (70 % des salariés selon une récente étude) qui sont « en contact avec le public ».
Les plus violemment touchés sont les pompiers. En 2016, près de 2 300 d’entre eux ont été agressés alors qu’ils étaient en mission, contre moins de 900 en 2008, soit une multiplication par 2,5. Le taux d’agression pour dix mille pompiers et le nombre d’arrêts de jours de travail accordés sont eux aussi en augmentation constante. Et 2017 et 2018, pour lesquelles les statistiques manquent encore, semblent à vue de nez aggraver le phénomène. L’office national de la délinquance et des réponses pénales prend la peine de préciser que ce sont des chiffres par défaut, leur recension n’étant pas exhaustive.
Qui attaque la France et les Français par tous les moyens ?
Par région, une absence surprend : il n’y a pas d’agression de pompiers en Corse. Pourtant, les bergers et la mafia y allument parfois des feux. Cela pose une question : qui agresse les pompiers ? Qui agresse les infirmiers du Var au point qu’ils demandent des gilets pare-balles ? Qui agresse les postiers, les employés du gaz et de l’électricité, les policiers français, les militaires français, tout ce qui peut incarner l’Etat, l’autorité ou la France ? Cette question indiscrète gêne visiblement nos décideurs politiquement correct, mais un médecin responsable de son personnel dans une situation concrète ne peut pas ne pas se la poser – et il y donne une réponse qui pour être muette n’en est pas moins éloquente : les gilets pare-balles des infirmiers du Var en disent plus long sur l’état de la France, et ce que subissent les Français moyens tous les jours, que les discours d’Emmanuel Macron et le tintamarre des médias.
Pauline Mille
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