11 mai 2018

MHD


Qu'est-ce que la Magnétohydrodynamique , en abrégé MHD ?
C'est l'art et la manière d'agir sur un fluide, liquide ou gaz, en faisant agir sur lui des forces électromagnétiques, à condition qu'il soit suffisamment conducteur de l'électricité. On parlera alors d'accélérateur MHD. C'est également l'art et la manière de transformer l'énergie cinétique d'une fluide en énergie électrique. On parlera alors de générateur MHD. Plus généralement, dans la mesure où s'opère une conversion directe d'une forme d'énergie en une autre forme d'énergie (cinétique, électromagnétique) on parlera de convertisseur MHD.

... Pour s'initier à la MHD, voir ma bande dessinée "Le Mur du Silence" (le bien nommé) dans le "cd-Lanturlu".

...Dans es années soixante, la France s'est trouvée tout-à-fait en pointe dans ce domaine. On pourrait dire : par le fait du hasard. Un gros effort de recherche de MHD avait été initié au début des années soixante, dans de nombreux pays : Angleterre, URSS, USA, France. Des pays comme l'Allemagne, puis le Japon rejoignirent ce peloton plus tard. Le but était alors de mettre au point des générateurs MHD qui pouvaient en principe avoir des rendements bien supérieurs à ceux des machines thermiques (jusqu'à 60 %). Les sources d'énergie étaient de deux natures : combustions d'hydrocarbures ou énergie nucléaire. Pour que le procédé soit rentable il était essentiel que le fluide dont on se proposait d'extraire le plus d'énergie cinétique possible ait une conductivité électrique suffisante. Or en principe tous les gaz sont de très mauvais conducteurs de l'électricité. Ce sont même carrément... des isolants. On fit donc tout ce qui semblait possible pour doter ces gaz d'une conductivité électrique importante, en les "ensemençant" avec des éléments alcalins, à bas "potentiel d'ionisation" (essentiellement du césium). Mais les résultats s'avérèrent décevants, en dépit des sommes très importantes investies dans cette recherche, à une époque de forte croissance économique. On envisagea alors de faire fonctionner ces générateurs "avec deux températures, en dotant "le gaz d'électrons libres" d'une température plus élevée que celle du gaz lui-même, constitué d'atomes. Mais une redoutable instabilité, découverte théoriquement en 1964 par E.Velikhov (qui devint par la suite vice-président de l'Académie de Science d'URSS) ruina tous ces plans, dès la fin des années soixante . Au milieu des années soixante dix, la plupart des pays avaient abandonné, à l'exception de l'URSS qui maintint, jusq'à son effondrement économique, un effort important dans ce secteur de recherche.

... Lorsque je fus affecté à l'Institut de Mécanique des Fluides de Marseille, en 1965, j'y trouvai une petit équipe, rassemblée autour d'un chercheur : Georges Inglesakis, qui avait effectué, en s'inspirant de travaux faits aux USA par un chercheur d'origine Suisse, Bert Zauderer, des expériences de conversion directe en utilisant comme source de rafale de gaz ce qu'on appelait un "tube à choc". Les expériences étaient de très brèves durées ( moins d'une centaine demicrosecondes) mais tout l'intérêt résidait dans le fait que le gaz expulsé à très grande vitesse (plus de 2500 m/s), sous une pression importante (un bar) était également très chaud (dix mille degrés), donc très fortement conducteur de l'électricité. Dans ces conditions il devenait possible de simuler ces générateurs MHD dont on rêvait en comprimant, donc en chauffant et en expulsant à travers une tuyère des gaz aussi piètrement conducteurs de l'électricité dans des conditions ordinaires, comme l'argon, mais qui le devenaient à la température à laquelle ils étaient portés. Bien sûr, ces expériences n'avaient aucun intérêt sur le plan strictement industriel. Que faire d'un générateur qui ne peut fonctionner, toutes les heures, que pendant un dixième de millionnième de seconde, même s'il crache pendant ce temps là plusieurs mégawatts ? A l'époque personne ne réalisa (sauf les soviétiques) que ces générateurs impulsionnels trouveraient un jour leur réemploi dans ce qui devait s'appeler bien plus tard la "guerre des étoiles" et dont je parlerai dans le site.

...Le lecteur apprendra, par la suite, et avec suprise peut être, que le père de la MHD soviétique ne fut autre que le génial Andréi Sakharov (également père dela première bombe H russe). Sakharov n'était pas un chercheur, c'était un trouveur et un visionnaire. Personne, à cet Institut Marseillais où j'avais atterri, ne suspectait les réelles possibilités de la MHD. Quelques résultats spectaculaires furent cependant obtenus. En 1967, deux ans après mon entrée au laboratoire, grâce à une astuce, redécouverte quinze années plus tard par un Japonais, je réussis à faire fonctionner pour la première fois un générateur bitempérature (toujours pendant ces rafales brèves), en prenant l'instabilité de Vélikov (laquelle se développait en un millionième de seconde) de vitesse. Des expériences d'accélération du plasma furent également menées avec succès, avec des gains de vitesse de 5 km/s sur seulement dix centimètres de longueur de tuyère. Mais tout ceci passa totalement inaperçu, sur la toile de fond de la déconfiture générale.

... En France, la recherche est en principe "dirigée". Des organismes comme le CNRS ou autres se dotent donc de "programmes". les problème est que les gens qui établissent ces programmes et ceux qui ont les idées, effectuent les recherches, ne sont pas les mêmes personnes. Je ne sais pas si vous avez déjà coupé la tête d'un canard d'un coup de hachoir. Tout le monde sait que la bête est alors capable de courir prestement. La recherche Française, c'est un peu ce canard sans tête, la situation étant aggravée par le fait que les instances de recherches françaises dépendent étroitement :

- De l'armée

- Des polytechniciens

... Quand on a compris tout cela, le plus souvent après de longues années de déboires, il ne reste plus qu'à se tourner vers le seul domaine de recherche où l'on puisse envisager des travaux à long terme : la recherche théorique.

... J'ai abandonné toute recherche en MHD en 1987, après avoir insisté dix ans après que les programmes de recherche français aient été officiellement clos. J'ai abandonné parce que j'y ai été contraint et forcé. Je m'en suis expliqué dans différents livres. Je reprendrai tout ceci dans cette section de mon site MHD. Au cœur de cette recherche il y avait une idée passionnante : est-il possible de faire évoluer un engin dans l'air à vitesse supersonique, et même hypersonique, en air dense, sans créer de "Bang", d'onde de choc ? Un étudiant, Bertrand Lebrun, fit une thèse de doctorat sous ma direction, dans cette voie. Nos travaux théorique, accompagnés de nombreuses publications scientifiques dans des revues au top niveau et de communications dans des congrès internationaux, répondirent par l'affirmative (voir la liste à la fin du document accessible par le lien). Au milieu des années quatre vingt je réussis à convaincre le Directeur Général du CNRS, Papon, de nous aider à monter une expérience. Des crédits furent débloqués. L'idée était de travailler une nouvelle fois dans des expériences de brève durée, en utilisant le "tube à choc" comme souflerie à rafale chaude. Un laboratoire de Rouen possédait encore une de ces ... antiquités. Nous avions en outre récupéré un important matériel, vestige du premier "tokamak" de Fontenay-aux-Roses. Papon était ravi, voyant "que nous allions faire de la recherche de pointe avec du matériel de rebut". A la fin des années quatre vingt, nous fûmes à deux dioigts de réussir. Mais l'armée fit capoter le projet, délibérément. Nous en avons eu la preuve par la suite, que j'ai publiée dans un livre.

... L'armée, par définition, a tous les droits, dans la mesure où elle se fonde sur le critère du confidentiel défense. On imagine aisément l'atout stratégique que pouvait représenter un "missile de croisière MHD", seul capable de jouer à saute mouton avec les collines, en hypersonique (pour non-initié : tous les missiles de croisière actuels sont subsoniques). Le fait que l'armée ait à cette époque voulu interdire qu'une telle recherche soit menée dans un contexte civil aurait pu être à la limite compréhensible, dans la mesure où elle aurait poursuivi ces recherches dans ses propres sanctuaires, loin des regards indiscrets. Or, treize années plus tard, il s'est avéré que les militaires français avaient été simplement incapables de poursuivre ces recherches et qu'elles avaient été tout simplement abandonnées, assez rapidement d'ailleurs, faute de ... compétences. L'enquête qui a été menée a simplement apporté la conclusion suivante :

Il n'y a pas de MHD militaire française

...Ceci à l'époque où un groupe de militaires originaires de l'IHEDN ( Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale) lance un cri d'alarme, dans une plaquette publiée en juillet 99. Ils évoquent une fantastique avance des Américains dans le domaine, sonnent le tocsin. Nous verrons par la suite que ces inquiétudes pourraient être fondées. Je suis même convaincu qu'elles les ont et je m'en expliquerai. Mais ce qui est grotesque c'est que parmi ceux qui s'inquiètent de cette situation se trouvent beaucoup de ceux qui furent, entre 1976 et 987 les grands responsables de la faillite de l'effort français en matière de MHD. Courte vue, incompétence. Ce qui est plus extraordinaire c'est que ce sont ces mêmes personnes qui tendent la sébille, réclament "une réponse en terme d'action", énergique, demandent qu'on leur donne en fait carte blanche, alors que ce sont les principaux responsables de notre retard dans ce domaine. Prenant des airs de conspirateurs ils s'efforcent de laisser entendre que leurs portes-paroles sont secondés par de fortes compétences technico-scientifiques. Or il n'en est rien. Tout cela n'est hélas qu'une gesticulation assez lamentable et par ailleurs inutile, car il est ... trop tard.

... Ce qui est difficilement supportable pour le chercheur que je suis est de voir de surcroît un personnage dénué de toute compétence scientifique pérorer à la télévision en déclarant "nous savons maintenant comment faire évoluer une machine à vitesse supersonique sans créer de Bang". J'ai pensé alors qu'il était bon que l'étudiant, l'enseignant, l'ingénieur, le contribuable, l'homme de la rue, et même .. le politique soient avertis, aient des éléments d'appréciation pour qu'on ne prennent pas ces gens, une seconde fois, vingt trois ans plus plus tard, pour des imbéciles.

... A titre de hors d'oeuvre, le lecteur trouvera en cliquant sur le lien ci-après, une présentation assez vulgarisée de cette fameuse manip de MHD,celle que nous rêvions de faire, que nous avions entièrement calculée et qui aurait (comme toutes les manips que j'ai faites dans ce domaine) marché au premier essai. Une manip que la soldastesque fut incapable de mener à bien.

.. Comment cela est-il possible ? Ne surestimez pas les militaires (et les polytechniciens). Rappelez-vous la phrase de Clémenceau, au tournant de la guerre de 14-18 :"La meilleure façon de vaincre l'Allemagne est d'y créer une Ecole Polytechnique".

... Avant de passer à cette présentation de la manip, dans le style "cent cent microsecondes qui pourraient changer notre vision du monde", une anecdote savoureuse à l'appui de mes dires. Après les premiers essais nucléaires français, à Reagane, les militaires apprirent que les américains effectuaient désormais leurs essais sous terre. Ils leur demandèrent comment ils procédaient. La réponse arriva rapidement :

- Ecoutez, vous, les petits mangeurs de grenouilles, vous êtes bien gentils, mais d'une part vous vous êtes retirés de l'OTAN, d'autre part nous ne tenons pas pas tant que cela à voir le savoir faire nucléaire faire tache d'huile à travers cette planète. Alors, débrouillez-vous....

... Les polytechniciens ingénieurs militaires, les "ingénieurs des poudres", firent de savants calculs. Ils en conclurent qu'il fallait forer un tunnel, dans montagne, disposer tout au fond l'engin nucléaire, puis bourrer le reste de béton et de ferraille. Ainsi fut fait. On installa un PC de tir pratiquement en face du tunnel ainsi obturé, puis on invita le Ministre des Armées, Pierre Messmer, à venir dans ce coin du Sahara, pour assister à l'essai. C'est d'ailleurs lui-même qui raconta cette affaire au journal Paris-Match, qui tentait alors, vainement (dans notre pays on cultive volontiers le secret) d'écrire l'histoire de la bombe française. On verra tout de suite pourquoi il fit cette confidence. Le Ministre, même après toutes ces années, en avait gros sur la patate.

... Lorsque l'engin fut mis à feu, la pression éjecta immédiatement les centaines de mètres de béton ferraillé et le tunnel se comporta comme un fusil à grenaille. Stupéfait, le Ministre vit passer ces débris à faible distance. Tout le monde fut irradié, bien sûr. L'évaluation des doses reçues s'avéra difficile : les films (dont celui du Minsitre) avaient été complèteent voilés. Messmer était hors de lui. Qu'un légionnaire ou que les habitants d'un village soient irradiés, passe encore, mais ... le ministre des armées, quand même !

... En fait, et nos ingénieurs militaires finirent par le comprendre, ça n'était pas dans un roche dure qu'il fallait loger l'engin, mais au contraire sous des centaines demètres d'un terrain assez souple pour amortir le choc. Réfléchissez. Si vous voulez faire exploser une grenade, puis analyser les produits de l'explosion, il est peut être plus logique de la placer sur des sacs de sable que de la couler dans du béton. Aujourd'hui on sait comment opérer. Quand la bombe explose, une cavité se crée dans le terrain, compressible (comme l'était le substrat de l'atoll de Muroroa). L'énergie se trouve ainsi absorbée par compression inélastique. En même temps une onde de choc monte vers la surface, qui soulève légèrement le sol, et le tour est joué.

... Tout cela pour dire que les sanctuaires militaires ne sont peut être pas le fin du fin en matière de recherche fondamentale. J'entends parfois de gens me dire :

- Mais, ne croyez vous pas que tout ce qu'on nous montre, toutes ces gesticulations télévisuelles ne sont là "que pour amuser la galerie", mais que, derrière ce paravent, des recherches beaucoup plus sérieuses pourraient être menées ?

... Désolé de vous décevoir. Derrière ce paravent, il n'y a rien. Sinon le rapport évoqué plus haut ne contiendrait pas autant de bourdes révélant la nullité scientifique de ses auteurs.

Je n'ai pas le pouvoir de changer le monde, mais je n'aime pas qu'on prenne les gens pour des imbéciles. 
 
JP Petit

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