14 novembre 2017

Nouvel ordre mondial multipolaire du XXIe siècle

Le monde est actuellement au milieu d’une transition historique de l’unipolarité vers la multipolarité qui devrait caractériser de manière prévisible les premières décennies du XXIe siècle, sinon son intégralité. Ce processus de changement de paradigme présente de multiples dimensions, ce qui peut laisser les observateurs complètement dépassés lorsqu’ils essaient de donner un sens à tout cela, et la plupart des analystes ont tendance à se concentrer uniquement sur un ou deux facteurs tout en négligeant le reste de la situation. Il ne s’agit pas d’une faute intentionnelle, mais plutôt d’une spécialisation dans certains domaines et de l’investissement en temps qui en découle, qui les empêchent de faire des recherches sur d’autres tendances et de saisir le sens global de tout ce qui se passe.

Analyse des éléments sous-jacents

Ce qui est nécessaire à ce moment crucial, c’est un examen holistique des affaires internationales telles qu’elles existent actuellement et un modèle adéquat pour prévoir leur évolution à travers les multiples changements qui se produisent simultanément à travers le monde. L’auteur a publié plusieurs travaux adaptés pour la présente recherche et à partir desquels la plupart des analyses à venir seront basées. Ils seront donc énumérés ci-dessous afin de fournir au lecteur des documents de référence approfondis qui l’aideront à comprendre tout le reste qui suit :

Globalisation régionale et Route de la Soie

Pour résumer, le monde unipolaire est caractérisé par l’hégémonie prédominante des États-Unis dans une grande variété de domaines, qu’elle soit exercée directement par des initiatives unilatérales, ou indirectement (Lead From Behind) par l’intermédiaire de ses partenaires régionaux et institutionnels. Les forces multipolaires dans le monde s’efforcent de remplacer l’ordre international dirigé par les États-Unis par un ensemble diversifié de parties prenantes multiples afin d’équilibrer la donne dans les affaires internationales. Il est important de le faire en réformant progressivement les institutions internationales telles que l’ONU, le FMI, la Banque mondiale et d’autres, en créant leurs propres homologues comme la nouvelle banque de développement des BRICS ou des organisations entièrement nouvelles et sans précédent comme l’OCS.

L’une des dernières propositions a été d’élargir le format des BRICS à travers ce qui a été appelé la stratégie « BRICS-Plus » qui vise essentiellement à encourager chacun des cinq États membres à augmenter la coopération multilatérale entre les organisations d’intégration régionale respectives. Comme le décrit l’expert russe du Club Valdaï, Yaroslav Lissovolik, le Mercosur, la SADC, l’Union économique eurasienne, l’OCS, la SAARC et l’ASEAN pourraient tous coopérer ensemble pour changer l’ordre mondial. Dans l’esprit du discours prononcé par le président Xi au Forum économique mondial de Davos en janvier 2017 et des étapes décrites dans la déclaration de septembre 2017 des BRICS à Xiamen, cela revient essentiellement à ce que les observateurs peuvent qualifier de « globalisation régionale » ou de « globalisation de la route de la soie ».

Bouclier de défense anti-missile, frappe globale rapide et course navale

Cependant, il ne suffit pas de réformer et de remplacer certaines institutions, car la base sous-jacente du contrôle américain sur le monde passe par des moyens économiques, renforcés par des moyens militaires. Dans certains cas cependant, les États-Unis ne sont pas en mesure d’attaquer directement leurs rivaux tels que la Russie et la Chine sans subir des dommages inacceptables par une seconde frappe nucléaire. C’est pourquoi Washington s’efforce de construire des installations anti-missiles partout en Eurasie pour encercler les autres Grandes Puissances et diminuer leur capacité de dissuasion les plus crédibles. Les armes spatiales américaines les complètent, qu’elles soient basées sur ce théâtre (X37-B et la politique de « Frappe globale rapide ») ou dirigées contre lui (armes anti-satellites cinétiques telles que les missiles ou des armes non cinétiques comme les lasers).

Ni les boucliers antimissiles des États-Unis ni leurs armes spatiales ne sont suffisants pour assurer la défense du pays contre les missiles balistiques lancés par les sous-marins, qui constituent une composante cruciale de la triade nucléaire de tout pays. Ceci explique pourquoi il y a une course navale continue à travers le monde alors que les USA cherchent à assurer leur domination en haute mer face à la concurrence croissante de la Russie, de la Chine et d’autres. L’océan global est également important pour une autre raison, et celle-ci renvoie à la base économique de la domination américaine sur le monde. La Chine dépend des voies navigables internationales pour la grande majorité de ses échanges commerciaux, ce qui la rend excessivement vulnérable aux efforts américains visant à bloquer certains points d’eau tels que le détroit de Malacca et le canal de Suez.

Réorganisation globale du projet des nouvelles routes de la soie

Comprenant les conséquences soudaines de bouleversements systémiques que toute action hostile comme celle-ci pourrait entraîner pour la stabilité socioéconomique de la Chine, la République populaire a prudemment prévu de lancer des routes commerciales transcontinentales ambitieuses vers son crucial partenaire européen, ainsi que de sécuriser les lignes de communication maritimes (SLOC) le long des lignes existantes afin de sauvegarder son accès à l’économie en croissance de l’Afrique. Ce continent est d’une exceptionnelle importance de nos jours car sa croissance devrait permettre à Pékin de se libérer de sa surproduction industrielle si elle réussit à construire ces marchés et à les stabiliser. Comme pour l’hémisphère occidental, la Chine veut augmenter une présence douce ici comme moyen de rivaliser avec les États-Unis et pour contrer asymétriquement les mouvements de l’Amérique en mer de Chine méridionale.

Dans l’ensemble, le stratagème ci-dessus explique l’essence de la vision globale de la Nouvelle Route de la Soie (OBOR), qui vise à transformer les réseaux commerciaux mondiaux afin de faciliter la transition d’un ordre international unipolaire dirigé par les États-Unis en un monde multipolaire diversifié et mis en sécurité par un ensemble de grandes puissances. Il fournit également le modèle de la façon dont les États-Unis s’opposeront à cette grande menace à son hégémonie mondiale. Tout ce que Washington doit faire est d’encourager les guerres hybrides centrées sur l’identité dans les États géostratégiques de transit le long de ces corridors afin de les perturber, de les contrôler ou de les influencer de manière à éliminer leur capacité à faire advenir le monde multipolaire.

Facéties de la Guerre hybride

À cette fin, les États-Unis utilisent la guerre de l’information et les ONG pour exacerber les lignes de discorde déjà existantes dans un pays ciblé, ou parfois en en créant de nouvelles, puis utiliser ses partenaires régionaux pour acheminer les armes et le soutien matériel au mouvement anti-gouvernemental naissant, profitant de l’intérêt commun qu’ils ont à voir la réussite de cette initiative. Qu’il s’agisse d’un ajustement du régime (concessions politiques), d’un changement de régime (changement de leadership) ou d’un redémarrage de régime (réforme politico-constitutionnelle totale), les États-Unis souhaitent un résultat qui leur permettra d’interférer avec les nouvelles routes de la soie construites partout dans le monde.

Cela peut être provoqué par une révolution de couleur, une guerre non conventionnelle ou une transition progressive entre l’une et l’autre, qui peuvent aboutir à une intervention militaire multilatérale directe, à l’instar de la guerre de 2011 contre la Libye. Chaque pays est vulnérable en principe à ces tactiques, mais l’hémisphère oriental – en particulier les pays non occidentaux de l’Afro-Eurasie – est plus vulnérable que l’Occident en raison de sa démographie plus diversifiée et de l’histoire significative qui produit des champs de bataille socio-démographiques plus facilement exploitables. Afin de comprendre à quel point la concurrence est mondiale, il faut se familiariser avec tous les corridors de connectivité construits par la Chine, existants, prévus et à venir dans le monde entier.
 
Corridors de connectivité

Voici trois cartes mettant en évidence les différentes routes de la soie en Eurasie, en Afrique et en Amérique latine :

Vert : Pont terrestre eurasien
Brun : Route de la soie des Balkans
Pourpre : Route trans-asiatique de la soie
Rouge : CPEC
Bleu : Corridor économique / énergétique Chine-Myanmar (CMEC)
Orange : Route de la soie ASEAN
Rose : Projets / interconnexions potentiels
Couloir économique BCIM
Chine-Népal-Bengale occidental
Moyen-Orient-Europe
Route terrestre directe via le « Kurdistan »
Route maritime vers Lattaquié ou Beyrouth via le « Kurdistan » et / ou les déserts sunnites et chiites

Les lignes rouges sont annoncées et / ou construites, tandis que les lignes vertes sont prospectives. Du nord au sud, les routes de la soie existantes ou prévues sont :
  • Route de la soie de Djibouti–Addis-Abeba (Route éthiopienne de la soie)
  • Corridor économique LAPSSET
  • Chemin de fer à voie normale
  • Corridor central
  • TAZARA
  • Corridor de Nacala
  • Ponta Techobanine
Quant aux projets prospectifs, du Nord vers le Sud, ils sont :
  • Route de la soie saharienne-sahélienne
  • Couloir CCS (Cameroun-Tchad-Soudan)
  • Routes nigériennes de la soie
  • Couloir intermodal transfrontalier
  • Chemin de fer de Benguela / couloir nord-ouest vers l’Angola
  • Corridor de Walvis Bay
  • Corridor de la zone de libre-échange tripartite (Afrique du Sud au Soudan, à la suite du projet African Renaissance Pipeline entre le Mozambique et l’Afrique du Sud avec des interconnexions supplémentaires entre les projets existants au nord).
Il n’y a que deux routes de la soie d’importance dans les Amériques, à savoir le canal du Nicaragua et le chemin de fer transocéanique (TORR) entre le Brésil, la Bolivie et le Pérou.
 
Étrangler les Routes de la Soie

Les trois cartes fournies ci-dessus sont très utiles pour localiser les États de transit les plus géostratégiques et les communautés d’identité sous-étatiques le long des nouvelles routes de la soie, qui devraient devenir de futurs champs de bataille de la guerre hybride. Voici à quoi ressemble le monde avec ces seules entités mises en évidence :

Comme on peut le voir, les États les plus vulnérables aux guerres hybrides provoquées de l’extérieur au niveau national sont, d’est en ouest :
  • Thaïlande
  • Myanmar
  • Éthiopie
  • Kenya
  • République de Macédoine
  • République Démocratique du Congo (RDC)
  • Zambie
  • Nigeria
  • Bolivie
  • Nicaragua
Il y a aussi des problèmes transnationaux sous-étatiques qui pourraient être aggravés par des forces extérieures pour perturber le transit de la Route de la Soie à travers plusieurs État géostratégiques, d’est en ouest :
  • « Grand Népal » (manifesté par Gurkhaland en Inde, mais contré par l’Inde au Népal à travers le Terai)
  • Vallée de Fergana
  • Le terrorisme transfrontalier d’origine afghane
  • Balouchistan
  • « Kurdistan »
  • Le sectarisme sunnite-chiite à travers le désert « Syraq »
  • Bosnie (impliquant directement des intérêts serbes et croates, mais affectant indirectement l’ensemble des Balkans)
La tendance dominante est que le « grand Heartland » de l’Eurasie, du Moyen-Orient, de l’Asie centrale et de l’Asie du Sud est le plus directement mis en péril par les menaces transnationales sous-étatiques latentes, tandis que le reste des pays de transit ailleurs dans le monde sont sous des menaces strictement internes telles que celles exposées dans les textes précédemment cités par l’auteur au début de cette analyse. Le moyen le plus simple de catalyser ces scénarios de conflit est d’exploiter le « choc des civilisations », qui est en soi un plan américain pour diviser et diriger l’hémisphère oriental.

Au milieu des innombrables dangers qui pèsent sur les plans de la Route de la Soie chinoise, l’un des traits les plus marquants est aussi le plus important. C’est que le pont terrestre eurasiatique entre la Chine, le Kazakhstan et la Russie est le plus sûr de tous les corridors. En tant que tel, cela le rend absolument indispensable à l’avenir de l’ordre mondial multipolaire et confère à ses deux principaux États de transit une importance stratégique inégalée. Bien que la Russie et le Kazakhstan soient ciblés à leur manière, leur composition interne et leur situation géographique les isolent largement des guerres hybrides « standard » qui devraient sévir ailleurs dans le monde.

Sécurité démocratique

La meilleure façon pour cet Ordre mondial multipolaire émergent de faire face à ces myriades de menaces de la Guerre hybride est de prendre des mesures proactives pour renforcer leur sécurité démocratique individuelle et collective. Ce concept a été introduit par l’auteur et développé dans quelques propositions analytiques publiées au cours des deux dernières années :

La sécurité démocratique en Macédoine : entre Bruxelles et Moscou
La technologie de révolution de couleur n’est pas seulement noire et blanche
Les ONG et la mécanique de la guerre hybride
Révolutions de couleur et de la culture : Vs Patriotisme. Nationalisme
L’État profond et les transitions politiques dans les « démocraties nationales »


L’idée générale est que les États doivent mettre en œuvre une approche holistique de la sécurité qui implique non seulement des mesures militaires conventionnelles, mais aussi des mesures économiques, informatives et même idéologiques (directement proclamées ou non). La coopération internationale à travers des institutions multipolaires telles que les BRICS, l’OCS et même, dans une large mesure, la majeure partie du G20 permettrait de réaliser des progrès considérables sur ces fronts. Il faut toutefois veiller à ce que toute intégration institutionnelle pratiquée au nom de la sécurité démocratique ne se fasse pas comme une dépense « à somme nulle » perçue par un autre État, y compris certains des pays participants qui pourraient s’inquiéter de ne pas être traités comme des partenaires égaux dans ce processus.

Tendances majeures

En faisant le point sur les processus mondiaux et en s’appuyant sur les informations détaillées contenues dans tous les documents cités précédemment, il est possible d’identifier une poignée de tendances globales sur chacun des trois théâtres de la Route de la Soie (Eurasie, Afrique et Amérique latine) présentés à la section précédente. Avant de le faire, l’auteur suggère que le lecteur prenne le temps de passer en revue deux de ses travaux publiés plus tôt :

Scénarios de la Grande Eurasie (chapitres individuels disponibles gratuitement sur www.geopolitica.ru)
Prévision 2017 (chapitres individuels disponibles gratuitement sur www.geopolitica.ru)

Les documents référencés contiennent plus de détails que la présente analyse, même si les éléments suivants attireront toujours l’attention sur les tendances les plus marquantes en cours à travers le monde :

EURASIE
INTERFÉRENCE INDIENNE


L’Inde a été préparée pour devenir le « contrepoids » de référence à la Chine unipolaire, incapable de la défier physiquement, mais capable à l’avenir de créer suffisamment de problèmes pour les nouvelles routes de la soie et le processus d’intégration multipolaire en général pour que Pékin soit obligé d’y répondre d’une manière ou d’une autre.

LA LOI D’ÉQUILIBRE EURASIENNE DE LA RUSSIE

L’auteur demande au lecteur de vérifier dans ses deux articles la manière dont « la loi russe d’équilibrage diplomatique en Asie profite à son allié chinois » et « les progressistes de la politique étrangère russe ont trompé les traditionalistes », mais l’idée principale qu’ils ont en commun est que le rôle géostratégique envisagé par la Russie au XXIe siècle est de devenir la force d’équilibre suprême du supercontinent eurasien et qu’elle s’est à cette fin doté d’une variété de partenariats « non traditionnels » à travers l’hémisphère.

INTÉGRATION ACCÉLÉRÉE DE L’ASEAN

L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est continuera d’approfondir la coopération multilatérale de ses États membres dans la Communauté économique de l’ASEAN et la coordination trilatérale militaire / antiterroriste entre les Philippines, la Malaisie et l’Indonésie. Les seules et réelles menaces systémiques à cette cohésion viendront de ce qui pourrait à nouveau être une nouvelle guerre civile dans l’État paria du Myanmar et d’une éventuelle insurrection pro-américaine des « chemises rouges » en Thaïlande.

LE MOYEN-ORIENT SOUS UNE NOUVELLE DIRECTION

La coopération tripartite de grandes puissances entre la Russie, l’Iran et la Turquie est en train de changer le Moyen-Orient, tout comme le rapprochement de la Russie avec l’Arabie saoudite et ses excellentes relations avec Israël, mais il y a une chance que la montée en puissance du « Kurdistan« et la dissolution potentielle de l’Irak puisse renverser tout cela et jeter la région dans un tel chaos que l’ancien ordre Sykes-Picot soit complètement révisé.

L’UE ENTRE DICTATURE ET DÉCENTRALISATION

Comme l’auteur l’a écrit à l’été 2016 dans un article intitulé « UE Post-Brexit : entre répartition régionale et dictature complète », l’UE se centralisera en une véritable dictature ou se décentralisera en un ensemble de blocs régionaux dont un gros morceau devrait être dirigé par la Pologne. De toute façon, il ne semble pas que le statu quo sera maintenu, car l’UE a du mal à s’adapter à la réalité post-Brexit.

AFRIQUE
MONTÉE EN PUISSANCE DES BLOCS RÉGIONAUX


Diverses organisations telles que la CEDEAO, la SADC, l’IGAD et la CAE (qui se trouveront prises dans un processus de fédéralisation dans un futur proche) renforcent leurs capacités et intègrent régulièrement leurs institutions, ce qui permet de parler de « régionalisme continental » se déroulant en Afrique par lequel l’UA se renforce avec la croissance de ces blocs régionaux sur tout son territoire.

RENVERSEMENT CÔTIER

Au lieu que les côtes nord et ouest de l’Afrique mènent le continent dans ses développements géopolitiques et vers la croissance économique comme par le passé, l’avenir verra la côte orientale devenir le centre d’intérêt en raison de la rivalité accrue entre les Chinois et les Indiens et l’intégration Nord-Sud entre ces pays côtiers à la suite de la création de la Zone de libre échange tripartite de 2016.

TRIANGLE DE DÉSTABILISATION

Le Nigeria en Afrique de l’Ouest, l’Éthiopie dans sa moitié Est et la RDC en son sein sont tous susceptibles de subir d’importants troubles de type Guerre hybride dans un proche avenir, le scénario le plus défavorable étant que ce triangle de déstabilisation crée un trou noir de chaos dans l’espace qui les sépare, empêchant ainsi l’intégration transcontinentale (d’un océan à l’autre) de la Route de la Soie, reportant encore le « Rêve africain ».

AMÉRIQUE LATINE
OPÉRATION CONDOR 2.0


L’auteur y a été confronté dans plusieurs analyses depuis 2009, le concept étant que les États-Unis ont retravaillé l’outil de changement de régime de l’ancienne guerre froide en Amérique latine afin de provoquer la chute de l’ALBA et du Mercosur dans une nouvelle guerre froide.

ALLIANCE DU PACIFIQUE + MERCOSUR = ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE DES AMÉRIQUES (ZLEA)

La motivation de l’Opération Condor 2.0 est que les États-Unis souhaitent voir l’intégration des blocs commerciaux rivaux de l’Alliance du Pacifique et du Mercosur dans une structure économique unifiée qui pourrait désormais constituer la base de la Zone de libre-échange des Amériques longtemps souhaitée.

FORTERESSE AMÉRIQUE

Le grand objectif stratégique que les États-Unis poursuivent en Amérique latine est de fortifier la masse terrestre sous leur domination unipolaire complète afin de créer une « redoute » hémisphérique dans laquelle « se retirer » (par défaite ou retrait tactique) si les plans d’arsenalisation du « choc des civilisations » et ses guerres hybrides provoquent des étincelles et réussissent à semer un chaos incontrôlable de l’autre côté du monde.

Réflexions finales

L’ensemble de l’ordre mondial fait l’objet d’une révision fondamentale alors que les grandes puissances multipolaires alignées coopèrent pour réformer les systèmes économiques, financiers et politiques mondiaux, mais cela crée des frictions majeures avec les États-Unis unipolaires qui ne veulent pas perdre leur hégémonie sur les affaires internationales. Les États-Unis ne veulent pas d’« un entre égaux » dans un « concert des grandes puissances » du XXIe siècle comme le modèle vers lequel les États multipolaires progressent doucement (qui conserve des éléments clés de l’ordre mondial existant en ce qui concerne les institutions internationales telles que l’ONU, la Banque mondiale et le FMI, etc.), mais souhaitent au contraire conserver leur emprise sur le pouvoir en étant le plus important décideur au monde.

Voici une ventilation des trois impératifs interconnectés les plus importants des grandes puissances multipolaires, des États-Unis unipolaires et de leurs alliés Lead From Behind et des États de petite et moyenne taille (SMS) pris entre deux feux dans cette Nouvelle guerre froide.

États multipolaires

S’appuyer sur les BRICS (et dans une moindre mesure sur le G20) pour conduire la réforme institutionnelle économique et financière ;
Utiliser l’OCS comme plate-forme centrale pour intégrer des mesures de sécurité militaires, d’influence et démocratiques ;
Et construire les nouvelles Routes de la Soie comme moyen de réoutillage, recâblage et réorientation des routes commerciales mondiales afin de soutenir l’ordre mondial multipolaire.

États unipolaires

Promouvoir le « choc des civilisations » comme le plan le plus efficace pour diviser et diriger l’hémisphère oriental ;
Mener des offensives de type guerre hybride contre les principaux États de transit ;
Et que les États-Unis conservent des bases d’opérations avancées en Afrique et en Eurasie afin de contrôler les ressources et les corridors de connectivité après les guerres hybrides, tout en travaillant simultanément pour renforcer la « forteresse américaine » afin d’avoir une « redoute » impénétrable si des contingences imprévues devaient émerger.

États de petite et moyenne taille (SMS)

S’engager dans un équilibrage multi-niveaux prudent à la fois entre et à l’intérieur des blocs multipolaire et unipolaire ;
Décider s’ils préfèrent jouer un rôle « offensif » en étant un tremplin pour la campagne du bloc unipolaire contre la multipolarité, ou « défensif » pour s’intégrer dans un ordre mondial réformé ;
Et éviter de « tergiverser » de manière trop ambitieuse au point de créer plus de confusion et d’adversité que cela n’en vaut la peine, car cela pourrait s’avérer contreproductif pour l’État lui-même quel que soit le bloc vers lequel il penche le plus.

Dans l’ensemble, la géopolitique du XXIe siècle de l’ordre mondial multipolaire sera marquée par des guerres hybrides provoquées de l’extérieur le long des corridors les plus importants de la nouvelle Route de la Soie et par les petits et moyens États d’Afrique et d’Eurasie (et dans une moindre mesure, d’Amérique latine) qui sont pris entre les deux blocs et serviront de champs de bataille à l’avenir, avec quelques-uns devenant probablement des zones dangereuses comme le Syriak en devenant l’enjeu des grandes puissances.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie « Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime »(2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.Note du Saker Francophone Il est fort possible que le découplage entre monde unipolaire et monde multipolaire soit une assez bonne nouvelle pour nous car, de même que le modèle soviétique avait obligé nos dirigeants à garder un certain niveau de vie en Occident pour justifier de la pertinence de leur gamelle, le monde multipolaire va obliger les élites occidentales à revoir leur modèle de distribution de la plus-value pour que les Occidentaux ne lorgnent pas trop vers l'Est.

Andrew Korybko
Source

Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

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