Potus, Flotus, le roi saoudien Salman et le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi, le 21 mai 2017, pour participer à l’ouverture inaugurale du Centre mondial de lutte contre l’idéologie extrémiste. (Photo officielle de la Maison Blanche par Shealah Craighead)
Furieux
de sa défaite en Syrie, le Prince héritier rejoue sa mise. Il arrête
ses rivaux à leurs domiciles et provoque une crise politique au Liban,
déclare l’ex-diplomate Alastair Crooke.
Il est toujours tentant de jouer un autre coup. La guerre en Syrie touche à sa fin, et les pertes, sous les feux des projecteurs de la fin du jeu, pour ceux qui ont parié sur les perdants deviennent publiquement embarrassantes. Il est tentant de donner un coup de balai sur ces pertes et de faire un dernier pari en forme de bravade publique, le mâle “héros” risque sa maison et ce qu’elle contient sur un dernier coup de roulette. Les spectateurs présents se tiennent dans un impressionnant silence attendant que la roulette ralentisse, que la bille sautille case après case pour porter leur regard sur celle où elle va s’immobiliser, soit sur le noir, soit sur le rouge sang de la tragédie.
Pas seulement comme dans les romans mais aussi dans la vie, le Prince héritier saoudien Mohamed ben Salman (MbS) a tout misé sur le noir, avec ses “amis”, le beau fils du président Trump Jared Kushner, le prince héritier d’Abu Dhabi Mohamed ben Zayed et Trump lui même, qui ont osé le faire avec lui. Trump, dans sa vie professionnelle, a une ou deux fois mis en jeu son avenir sur un tour de roulette. Il avait joué et reconnu que c’est exaltant.
Mais dans l’ombre, derrière la salle de jeu, se tient le Premier ministre israélien Bibi Netanyahou. L’idée d’aller jouer au casino était, tout d’abord, la sienne. Si le héros sort le noir il partagera dans la joie, mais si c’est le rouge… Ne vous en faites pas, la maison de Bibi ne sera pas confisquée.
Soyons clairs, MbS est en train de rompre tous les liens qui maintiennent le royaume saoudien uni et intact. L’Arabie saoudite n’est pas qu’une affaire de famille, c’est aussi une confédération de tribus. Leurs intérêts divers avaient été pris en charge, essentiellement, à travers la composition de la Garde nationale, et de son contrôle. Celle-ci représente désormais non plus les diverses affiliations tribales du royaume, mais les intérêts sécuritaires d’un homme qui l’a accaparée pour lui même.
Idem pour les différentes branches cadettes de la famille al-Saoud, le partage soigneusement pesé du butin parmi les nombreux bénéficiaires de la famille est terminé. Un homme est en train de débarrasser la table des petits joueurs. Il a coupé les câbles qui reliaient la Cour à l’élite saoudienne des affaires et il découpe également lentement l’institution religieuse. Les religieux ont effectivement été éjectés du partenariat, fondé conjointement avec ibn-Saoud, le premier monarque d’Arabie saoudite qui a régné durant la première moitié du siècle dernier, connu également sous le nom de roi Abdul Aziz. En résumé, plus personne n’a de part dans cette entreprise, sauf MbS, et plus personne, semble-t-il, n’a de droits ou de compensations.
Pourquoi ? Parce que MbS voit que l’autorité politique et religieuse du monde arabe est en train de glisser comme du sable entre les doigts du roi et ne supporte pas l’idée que l’Iran (et les chiites honnis), pourrait en être l’héritier.
Il est toujours tentant de jouer un autre coup. La guerre en Syrie touche à sa fin, et les pertes, sous les feux des projecteurs de la fin du jeu, pour ceux qui ont parié sur les perdants deviennent publiquement embarrassantes. Il est tentant de donner un coup de balai sur ces pertes et de faire un dernier pari en forme de bravade publique, le mâle “héros” risque sa maison et ce qu’elle contient sur un dernier coup de roulette. Les spectateurs présents se tiennent dans un impressionnant silence attendant que la roulette ralentisse, que la bille sautille case après case pour porter leur regard sur celle où elle va s’immobiliser, soit sur le noir, soit sur le rouge sang de la tragédie.
Pas seulement comme dans les romans mais aussi dans la vie, le Prince héritier saoudien Mohamed ben Salman (MbS) a tout misé sur le noir, avec ses “amis”, le beau fils du président Trump Jared Kushner, le prince héritier d’Abu Dhabi Mohamed ben Zayed et Trump lui même, qui ont osé le faire avec lui. Trump, dans sa vie professionnelle, a une ou deux fois mis en jeu son avenir sur un tour de roulette. Il avait joué et reconnu que c’est exaltant.
Mais dans l’ombre, derrière la salle de jeu, se tient le Premier ministre israélien Bibi Netanyahou. L’idée d’aller jouer au casino était, tout d’abord, la sienne. Si le héros sort le noir il partagera dans la joie, mais si c’est le rouge… Ne vous en faites pas, la maison de Bibi ne sera pas confisquée.
Soyons clairs, MbS est en train de rompre tous les liens qui maintiennent le royaume saoudien uni et intact. L’Arabie saoudite n’est pas qu’une affaire de famille, c’est aussi une confédération de tribus. Leurs intérêts divers avaient été pris en charge, essentiellement, à travers la composition de la Garde nationale, et de son contrôle. Celle-ci représente désormais non plus les diverses affiliations tribales du royaume, mais les intérêts sécuritaires d’un homme qui l’a accaparée pour lui même.
Idem pour les différentes branches cadettes de la famille al-Saoud, le partage soigneusement pesé du butin parmi les nombreux bénéficiaires de la famille est terminé. Un homme est en train de débarrasser la table des petits joueurs. Il a coupé les câbles qui reliaient la Cour à l’élite saoudienne des affaires et il découpe également lentement l’institution religieuse. Les religieux ont effectivement été éjectés du partenariat, fondé conjointement avec ibn-Saoud, le premier monarque d’Arabie saoudite qui a régné durant la première moitié du siècle dernier, connu également sous le nom de roi Abdul Aziz. En résumé, plus personne n’a de part dans cette entreprise, sauf MbS, et plus personne, semble-t-il, n’a de droits ou de compensations.
Pourquoi ? Parce que MbS voit que l’autorité politique et religieuse du monde arabe est en train de glisser comme du sable entre les doigts du roi et ne supporte pas l’idée que l’Iran (et les chiites honnis), pourrait en être l’héritier.
Transformer l’Arabie saoudite.
Par conséquent, l’Arabie saoudite doit être transformée d’un royaume endormi, déclinant, en un instrument pour affaiblir la puissance iranienne. Ceci, naturellement est en résonance avec le président américain qui semble, aussi, de plus en plus préoccupé par la réaffirmation du prestige U.S., sa dissuasion et sa puissance dans le monde (à l’inverse du discours non-interventionniste de la campagne). À la conférence du The American Conservative à Washington la semaine dernière, l’éditorialiste Robert Merry, un éditorialiste réaliste et prolifique, se plaignait de ce qu’“il n’y a aucun réalisme ni retenue dans la politique étrangère de l’ère Trump”.
Toutes les guerres sont coûteuses et nécessitent de l’argent (confisqué en conséquence aux rivaux de MbS arrêtés et accusés de corruption). Mais traditionnellement, l’Arabie saoudite (depuis le dix-huitième siècle) a tout misé dans ses luttes de pouvoir sur un outil particulier (et efficace) : enflammer le djihadisme wahhabite ; mais dans le sillage de la débâcle syrienne, il se trouve discrédité et n’est plus valable.
Ainsi maintenant, l’Arabie saoudite doit se fabriquer un nouvel instrument, pour se confronter à l’Iran et le choix du prince héritier est vraiment ironique : “Islam modéré“ et nationalisme arabe (pour contrer l’Iran et la Turquie non arabes). Mohammed Abd el Wahhab doit s’en retourner dans sa tombe, islam “modéré” dans sa doctrine rigoureuse, menait seulement à l’idolâtrie (telle que pratiquée par les Ottomans) ce qui, de son point de vue, devrait être puni de la peine de mort.
En fait c’est la partie la plus risquée du jeu de MbS (alors que c’est la confiscation de la fortune monumentale du prince Walid bin Talal qui a retenu toute l’attention). Le roi Abdel Aziz fit face à une rébellion armée, et un autre fut assassiné pour s’être départi du principe du wahhabisme sur lequel l’État était fondé parce qu’ils avaient embrassé la modernité occidentalisée (considérée par le pur wahhabisme comme idolâtrie).
On ne peut pas exorciser la société saoudienne de son gène de ferveur wahhabite en lui demandant simplement de partir (Abdul Aziz a finalement surmonté cela en mitraillant ses adeptes, morts).
Mais embrasser l’“islam modéré“ (c’est à dire l’islam séculaire) et menacer d’affronter l’Iran a probablement été fait avec l’intention de chercher à plaire au président Trump pour évincer son cousin, prince Naif, comme prince héritier, une autre intention étant de faire apparaître l’Iran comme adepte d’un islam “extrémiste” à une Maison Blanche dont la vision sur le Moyen-Orient a été instillée par Bibi Netanyahou murmurant à l’oreille de Jared Kushner, et par les préjugés d’un cercle de conseillers qui ont une compréhension orientée de l’Iran, au lieu de l’aborder dans ses aspects divers. Netanyahou doit se féliciter de son habile stratagème.
Le coup de Netanyahou
Aucun doute à ce sujet : c’est un coup de Netanyahou. Cependant, la question est de savoir si cela tournera en une victoire à la Pyrrhus ou pas. Quoiqu’il en soit, il est hautement dangereux de jeter des grenades sur un matériau combustible. Ce projet US–Israël–Arabie saoudite–EAU est, au fond, de nier la réalité, pas moins. Il est enraciné dans le déni du revers subit par ces États, par leurs multiples échecs à façonner un “nouveau Moyen-Orient” sur le mode occidental. Maintenant, dans le sillage de leur échec en Syrie, où ils sont allés aux limites dans la recherche d’une victoire, ils tentent un autre coup à la roulette dans l’espoir de récupérer toutes leurs pertes précédentes. Ce qui est, pour le moins, un espoir fallacieux.
D’une part, la puissance de l’Iran dans le Moyen-Orient septentrional n’est pas provisoire. Elle est maintenant bien enracinée. L’“espace stratégique” de l’Iran inclut la Syrie, l’Irak, le Liban, le Yémen et, de plus en plus, la Turquie. L’Iran, avec la Russie, a joué un rôle majeur dans la défaite de l’EI. C’est un “partenaire stratégique” de la Russie, alors que celle-ci jouit maintenant d’une large influence à travers la région. En un mot, le poids politique se situe au nord plutôt qu’au sud affaibli.
Si on pense que la Russie pourrait être amenée à « contenir » l’Iran et ses alliés dans la région pour apaiser les inquiétudes israéliennes, cela ressort du vœu pieux. Même si la Russie le pouvait (et probablement elle ne le peut pas ), pourquoi le ferait elle ? Alors comment contenir l’Iran ? Par une action militaire ? Ceci, également, semble tiré par les cheveux.
Les milieux militaire et de sécurité d’Israël, dans le sillage de la guerre du Liban en 2006, envisagent probablement une guerre (autre qu’avec les Palestiniens) qui sera courte (six jours ou moins), n’entraînera pas de lourdes pertes civiles et militaires, et pouvant être gagnée à bas coût. Idéalement, Israël espérerait une implication américaine totale (contrairement à 2006). Le Pentagone a peu d’appétence pour remettre ses bottes sur le terrain du Moyen-Orient, et les Israéliens le savent. D’autre part l’Arabie saoudite seule ne peut pas menacer militairement qui que ce soit (comme l’a amplement démontré le Yémen).
L’Arabie saoudite peut-elle coincer économiquement le Liban et imposer une pression politique sur tout gouvernement libanais ? Naturellement, mais la pression économique touchera probablement les sunnites, classes moyennes et d’affaires, plus durement que les 44% de la population libanaise qui est chiite. Généralement le Libanais a une aversion pour les interférences extérieures, et les sanctions et pressions américaines uniront probablement le Liban plutôt que le diviseront. (C’est la vieille, vieille histoire de l’imposition de sanctions). À première vue, les Européens non plus ne soutiendront pas volontiers la déstabilisation du Liban ni l’abandon du JCPOA, l’accord de 2015 pour empêcher l’Iran de développer des armes nucléaires.
Alors que peut il arriver ? À première vue, l’Arabie saoudite, une société dans laquelle déjà beaucoup de tensions sont étouffées, peut simplement imploser sous une nouvelle répression (ou alors MbS pourrait en quelque sorte être “supprimé” avant que les tensions n’explosent). L’Amérique et Israël n’en ressortiront pas renforcés mais seront plutôt vus comme moins crédibles au Moyen-Orient.
Robert Malley, l’ancien conseiller pour le Moyen-Orient de la précédente administration, avertit du danger d’une explosion potentielle régionale : “La peur est une chose qui peut l’empêcher, mais qui pourrait aussi la précipiter.”
Alastair Crooke
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