24 octobre 2017

Les ratés d'EDF vont faire exploser notre facture d'électricité


Pas chère, l’électricité en France ? Pour le moment, oui. Mais cela ne devrait pas durer, car les tarifs fixés par l’Etat ne reflètent absolument pas les coûts de notre filière atomique. Renforcement de la sécurité, stockage, coût du démantèlement... la facture risque d'être salée.

Plus de 33 milliards d’euros. C’est, selon le rapport publié début juin par la Cour des comptes britannique, le surcoût que vont devoir payer les sujets de Sa Majesté sur leur note d’électricité pour financer les deux EPR d’Hinkley Point. Un véritable coup de massue. En 2013, quand Londres a négocié avec EDF la construction de ces réacteurs, la hausse de la facture était censée ne pas dépasser… 6,8 milliards d’euros. "Les Anglais ont subitement pris conscience que le nucléaire allait leur coûter très cher", note Paul Dorfman, professeur à l’Energy Institute – UCL.

Un demi-siècle après le lancement de leur propre programme atomique, les Français risquent de faire bientôt la même découverte. Jusque-là, ils étaient protégés par la pratique du tarif administré : c’est l’Etat qui fixait arbitrairement, à un niveau très bas, le prix du kilowattheure. Du coup, ils payaient leur courant moins cher que la plupart de leurs voisins européens. Mais cette belle époque va prendre fin. Le 19 juillet dernier, le Conseil d’Etat a en effet estimé que les tarifs réglementés du gaz étaient contraires aux directives européennes sur l’énergie et qu’il fallait les abandonner. Or l’équation est exactement la même pour l’électricité. Bruxelles prépare d’ailleurs une directive pour supprimer les prix administrés du courant. Le retour sur terre risque d’être brutal. Officiellement, EDF évoque régulièrement un coût de production situé entre 30 et 35 euros le mégawattheure. Mais cette fourchette, nous allons le voir, ne prend en compte qu’une petite partie des dépenses réelles liées à nos réacteurs.

Nous ne payons pas le vrai prix de notre énergie

En d’autres termes, cela fait des années que nous ne payons pas le vrai prix de notre énergie nucléaire. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille subitement tenter d’en finir avec elle, comme l’exigent les ayatollahs de l’écologie. En choisissant de miser sur l’atome dans les années 1970, la France s’est assurée de son indépendance énergétique, elle a permis la création d’une filière industrielle d’excellence, et elle en recueille aujourd’hui les fruits dans ses rejets de CO2, bien moindres que ceux de ses voisins. En attendant de pouvoir être remplacé par du renouvelable, le nucléaire reste une chance pour notre pays.

Mais il va falloir en payer les arriérés. A combien s’élèvent-ils au juste ? Les coûts de production d’EDF ne cessant d’augmenter, la Cour des comptes a refait les calculs à trois reprises, en 2010, 2013 et 2016. Ses conclusions : pour tenir compte des énormes frais financiers, des 61 milliards d’euros de dette qu’il faudra bien rembourser et de la constitution d’une cagnotte pour réinvestir dans de nouveaux moyens de production, elle estimait à 62,60 euros le coût du mégawattheure (en 2014). On est loin des 35 euros officiels.

Prix mondiaux de l’électricité dans une sélection de pays en 2015 (en cents de dollar des États-Unis par kilowatt-heure) :
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Des milliards d'euros pour nos équipements nucléaires

Ce n’est pas tout. Il va aussi falloir prendre en compte les gigantesques frais que l’électricien devra engager pour obtenir la prolongation pendant dix à vingt ans de 34 de ses réacteurs. Il a prévu de consacrer 48 milliards d’euros à ce "grand carénage", comme disent les spécialistes, mais, là non plus, la Cour des comptes n’est pas d’accord. Selon elle, c’est au bas mot 100 milliards qui pourraient être engloutis dans l’opération. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a fait savoir de son côté que les travaux annoncés par EDF seraient insuffi sants pour atteindre les critères de sûreté.

Au coeur des débats, la nécessité de renforcer la protection des piscines pour le combustible usagé : aujourd’hui, ces installations (une par réacteur) ne sont pas blindées et constituent l’un des points faibles des centrales.

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La prolongation passerait donc par des travaux. Or tout coûte cher, et même très cher dans le nucléaire. En 2015, à l’issue d’une analyse sur les capacités de stockage du combustible usagé en France, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a demandé à EDF de prévoir la construction d’une nouvelle piscine de stockage avant 2025 pour éviter d’engorger les installations d’Areva à La Hague. Le coût de cet équipement, aux critères de sûreté actuels, est évalué autour du milliard d’euros !
Démantèlement et stockage vont faire flamber la facture

Autres frais non pris en compte dans nos factures actuelles, le coût du démantèlement. Même si EDF obtient le droit d’exploiter ses réacteurs dix ou vingt ans de plus, il devra les fermer un jour ou l’autre. Une dépense pour laquelle les provisions passées – 350 millions d’euros, en moyenne par réacteur – semblent une fois de plus minorées. Aux Etats-Unis comme en Allemagne, la facture réelle de démantèlement a révélé des coûts supérieurs au milliard d’euros. Trois fois plus !

Pour couronner le tout, EDF va devoir cotiser pour financer Cigéo, le centre de stockage profond que prévoit de construire l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), à Bure, dans la Meuse. Cette sorte de caverne creusée à 500 mètres sous terre devrait pouvoir être utilisée pendant cent ans. Mais le coût arrêté en 2016 par Ségolène Royal fait sourire les spécialistes : la ministre de l’Environnement avait décidé que Cigéo mobiliserait 25 milliards d’euros pendant la durée de vie du projet (construction et exploitation). Or l’Andra a remis un rapport estimant la facture à 34 milliards d’euros et l’ASN parle même de 40 !

Reste à faire les additions. En pratique, un client d’EDF paie aujourd’hui entre 14 et 16 centimes le kilowattheure, selon la puissance de son compteur. Sur ce tarif, la part qui rémunère la production d’électricité nucléaire tourne autour de 5 centimes (le reste finance le transport, les subventions au renouvelable et aux tarifs sociaux). Pour obtenir le vrai prix du courant, il faudrait augmenter ce montant de 1,4 centime afin de permettre à l’électricien de couvrir l’ensemble de ses frais financiers et d’exploitation, le gonfler d’un autre centime pour payer la facture du grand carénage, et de trois autres encore afin de régler le coût du futur démantèlement et du stockage profond. Au total, le kilowattheure devrait passer à 21 centimes, soit une hausse de 34% !

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Surcoût lié à l'EPR

Et il ne faut pas compter sur la mise en service progressive des EPR (à partir de 2030) pour faire baisser la douloureuse. Compte tenu de sa facture finale, estimée à 10,5 milliards, celui de Flamanville, le premier de la liste, devrait afficher un coût de production supérieur à… 100 euros par mégawattheure, selon Greenpeace. Quant aux supposés revenus tirés des deux EPR d’Hinkley Point, ils relèvent pour une bonne part de la fantasmagorie. Pour qu’EDF réalise la marge de 9% annoncée sur la durée de vie du projet, il faudrait que le budget de construction (23 milliards d’euros) n’explose pas et que le calendrier soit tenu. Or l’électricien tricolore a déjà avoué un surcoût de 1,8 milliard d’euros et un possible retard de quinze mois pour la livraison du premier réacteur, initialement prévue en 2025.

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Inutile d’espérer grand-chose non plus de la réduction progressive de 75 à 50% de la part de l’atome dans notre production d’électricité promise par le gouvernement. "Quel que soit le scénario de transition énergétique suivi en France, les coûts de production augmenteront, dans une fourchette de 20 à 50%", prévient Patrick Criqui, directeur de recherche émérite au CNRS (Laboratoire d’économie appliquée de Grenoble). Logique : du fait des lourds investissements indispensables dans les réseaux de transport, l’électricité renouvelable coûtera au moins aussi cher que l’atomique…
Le boulet Areva

Et ce n’est toujours pas fini. Les Français vont devoir sortir le portefeuille pour réparer les frasques d’Areva, l’entreprise qui a construit nos réacteurs nucléaires. Cette fois, ce n’est pas sur leur facture de courant que la douloureuse apparaîtra, mais sur leur feuille d’impôts. Le festival a d’ailleurs déjà commencé. En juillet dernier, l’Etat a été contraint de mettre 4,5 milliards sur la table pour éviter la faillite du groupe. Mais on sait que cela ne suffira pas à couvrir la totalité des ardoises de l’ex-fleuron du nucléaire tricolore.

Il y a d’abord le conflit avec TVO, l’électricien finlandais qui a acheté le premier exemplaire d’EPR en 2003 : compte tenu des retards pris par le chantier (le réacteur n’est toujours pas opérationnel), il réclame à Areva 2,6 milliards d’euros d’indemnités qui n’ont pas été provisionnés. Or une cour d’arbitrage internationale vient de rendre un deuxième jugement favorable au finlandais. La situation n’est pas meilleure aux Etats-Unis. Areva y est coactionnaire d’une société chargée de construire une usine de transformation du plutonium militaire en Mox, un mélange d’uranium et de plutonium. Mais le chantier est au point mort depuis des mois et l’administration Trump vient de demander l’abandon du projet. Areva est aussi en difficulté au Niger, où il dépense, en vain, 1 milliard d’euros pour tenter de mettre en exploitation une mine d’uranium arrêtée en 2012.

Mais c'est en France que les nuages sont les plus sombres. Non seulement Areva doit faire face au vieillissement accéléré de ses installations de La Hague – il doit ainsi investir entre 400 et 500 millions pour remplacer une ligne essentielle à ses activités de retraitement (les évaporateurs) –, mais il risque d’être gravement mis en difficulté par la politique de transition énergétique. Au point que la perspective de fermeture de 17 réacteurs, évoquée par Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique, constitue un véritable cauchemar. Les premiers réacteurs concernés seraient en effet ceux qui consomment du Mox. Or si l’on abandonnait ce combustible, les raisons de maintenir en vie sa filière de fabrication à La Hague et à Marcoule disparaîtraient. Un nouveau casse-tête pour une entreprise déjà exsangue.

Les 3 hausses qui pendent au nez des usagers
Prise en compte des coûts fixes réels d’EDF, dont le remboursement de la dette : 1,4 centime
Prise en compte du coût de la rénovation des centrales ("grand carénage") : 1 centime
Prise en compte des frais de démantèlement des réacteurs nucléaires : 3 centimes

= 5,4 centimes de plus par Kwh soit +34% sur la facture d'électricité

Les quatre hausses qui pendent au nez des contribuables
Règlement des indemnités imposées à Areva pour le retard de l’EPR finlandais = 2,6 milliards d’euros
Règlement de la rénovation partielle de l’usine Areva de retraitement de La Hague = 500 millions d’euros
Règlement du contentieux entre Areva et le FBI dans l’affaire Uramin = 1,8 milliard d’euros (estimation Capital)
Règlement des dépréciations d’actifs d’une mine d’Areva au Niger = 350 millions d’euros

+ 5,25 milliards d'impôts
L'incessante réorganisation de notre filière nucléaire

Incroyable ! En quinze ans, l’architecture de notre filière nucléaire a été bouleversée à deux reprises. En 2001, le gouvernement de Lionel Jospin s’est mis d’accord avec le corps des Mines pour fusionner la Cogema (mines d’uranium et retraitement) et Framatome (construction du coeur des centrales) dans un groupe à capitaux publics, baptisé Areva. Retour en arrière quatorze ans plus tard. Face aux difficultés d’Areva, mené au bord de la faillite par la désastreuse gestion de sa présidente Anne Lauvergeon, un autre gouvernement socialiste, celui de François Hollande, a décidé de le scinder en deux. Toutes ses activités industrielles (l’ex-Framatome) sont en cours de transfert chez EDF. Areva est redevenu ce qu’était la Cogema.

Thierry Gadault

Les EPR sont des gouffres financiers, la France a perdu le savoir-faire dans le domaine du nucléaire civil, la seule énergie viable à ce jour est le gaz naturel, bon marché, peu polluant et disponible. Les centrales électriques à gaz sont fiables, les technologies maîtrisées.
Les énergies dites "alternatives ou renouvelable" sont un leurre, un business très lucratif pour les industriels et les politiques. La production d'énergie éolienne, solaire, ne peut dépasser 11 à 13% de la production globale d'un réseau électrique, sous peine de destruction de celui-ci due aux variations aléatoires liées aux vents, ainsi qu'au cycle jour/nuit.

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