02 mai 2017

L’humain serait en Amérique depuis 130 000 ans


La découverte à San Diego, en Californie, d’ossements de mammouth vieux de 130 000 ans qui auraient été brisés par des mains humaines vient repousser de plus de 100 000 ans la date généralement admise de l’arrivée des premiers humains en Amérique. Les détails de cette découverte qui ne manquera pas de susciter le scepticisme sont publiés dans la revue Nature.

Ce sont des paléontologues du Musée d’histoire naturelle de San Diego, dans le sud de la Californie, qui ont exhumé en 1992 les fragments de ce mammouth au milieu du chantier d’une autoroute. Enfouis sous trois mètres de sédiments, les ossements, les défenses et les molaires de ce mastodonte se trouvaient rassemblés à proximité d’outils de pierre ressemblant à des marteaux et à des enclumes.

Selon les chercheurs, les « plans de cassure en spirale » des ossements et des molaires indiquent que ceux-ci ont été brisés sous l’impact des coups assénés par un outil de pierre, alors qu’ils étaient encore frais. De plus, plusieurs spécimens osseux et outils de pierre présentent des traces de percussion et sont entourés d’éclats d’os et de pierre vraisemblablement issus du martèlement de leur surface avec le marteau de pierre, a précisé lors d’une téléconférence de presse Richard Fullagar, géoarchéologue au Center for Archaeological Science de l’Université de Wollongong, en Australie. Pour les paléontologues ayant participé à l’étude, les traces gravées dans les artéfacts ne peuvent être attribuées à l’érosion, au piétinement ou au rongement des ossements par des animaux, ou même à des carnivores qui, selon eux, auraient été incapables de briser le fémur frais d’un mammouth.

Pour confirmer leur hypothèse, les chercheurs se sont appliqués à briser les os d’un éléphant — qui appartient à une espèce apparentée aux mammouths — qui venait de mourir de cause naturelle à l’aide de grosses roches ayant la forme grossière d’un marteau. « Nous avons ainsi pu reproduire exactement les mêmes patrons de fracture que nous avons observés sur les ossements de mammouth retrouvés sur le site Cerutti Mastodon », a précisé le premier auteur de l’article Steven Holen, directeur de la recherche au Center for American Paleolithic Research au Dakota du Sud. « Il s’agit d’une technologie très ancienne qui était utilisée par les habitants de l’Afrique il y a 1,5 million d’années pour extraire la moelle des os et la manger, ainsi que pour fabriquer des outils. Et lorsque les humains sont sortis d’Afrique et ont parcouru le monde, ils ont continué d’utiliser cette technologie et l’ont ainsi répandue à travers le monde. »

En 2014, lorsque les paléontologues ont été convaincus que les fragments osseux et de pierre qu’ils avaient découverts avaient bel et bien été façonnés par des humains, ils ont fait appel au géologue James Paces, de l’United States Geological Survey, pour qu’il en estime l’âge. Comme les ossements ne contenaient plus de collagène, il lui a été impossible d’utiliser la méthode de datation au carbone 14. M. Paces s’est alors tourné vers la « méthode du déséquilibre de la série d’uranium », qui a révélé que les fragments osseux et les outils de pierre ont été ensevelis par des sédiments il y a 130 000 ans. 

Stupéfaction

Ce résultat a littéralement stupéfait les chercheurs de l’étude étant donné que les plus vieux vestiges de la présence d’humains en Amérique à avoir été découverts jusqu’ici remontaient à tout au plus 24 000 ans. Néanmoins, à leurs yeux, l’ensemble des indices relevés sur le terrain rendent leur hypothèse incontestable. Dans un commentaire publié dans la même édition de Nature, Erella Hovers, de l’institut d’archéologie de l’Hebrew University of Jerusalem, en Israël, et de l’Institute of Human Origins de l’Arizona State University, affirme elle aussi que « les preuves du site Cerutti Mastodon qui ont été documentées avec rigueur seront difficiles à réfuter ».

L’assurance des chercheurs est toutefois moindre en ce qui concerne l’origine et l’espèce de ces hommes qui vivaient vraisemblablement en Amérique il y a 130 000 ans. « À cette époque débutait la dernière période interglaciaire, le pont de terre en Béringie qui reliait l’Asie à l’Amérique du Nord commençait à être inondé en raison de l’élévation du niveau de la mer, fait remarquer Steven Holen. Si ces premiers humains sont venus à pied, ils ont alors dû arriver en Alaska il y a plus de 130 000 ans. Sinon, ils ont pu atteindre l’Amérique en traversant par bateau un détroit de 80 km tout au plus. Nous disposons de preuves que les premiers humains ont utilisé des embarcations très tôt, notamment pour atteindre la Crète en Méditerranée il y a plus de 130 000 ans et l’île de Sulawesi en Indonésie il y a entre 118 000 et 194 000 ans. »

Selon Richard Fullagar, des représentants de trois différentes espèces du genre Homo ont pu rejoindre le nord de la Californie il y a 130 000 ans. Il se peut que ce soient des hommes de Néandertal (Homo neanderthalensis), dont des ossements et des outils datant de 130 000 ans ont été retrouvés dans diverses régions de la Sibérie, ou des Dénisoviens (hominidés de Denisova), dont la présence a été confirmée par des analyses génétiques d’une phalange de doigt retrouvée dans les montagnes de l’Altaï, entre la Russie, la Chine, la Mongolie et le Kazakhstan. L’Homo erectus est aussi un candidat puisque des restes datant d’au moins 1,4 million d’années ont été dénichés en Chine. « Même si on ne sait pas quand Homo erectus s’est éteint en Asie de l’Est, les plus récents vestiges de cette espèce qui ont été découverts à Java datent d’environ 140 000 ans », précise M. Fullagar, avant d’ajouter qu’« aucuns restes d’Homo sapiens datant de 130 000 ans n’ont été découverts en Sibérie, seules des dents âgées de 80 000 à 120 000 ans ont été mises au jour en Chine ».

Quand on fait remarquer aux chercheurs que leur découverte contredit les études génétiques ayant porté sur les peuples autochtones de l’Amérique du Nord et indiquant que leurs ancêtres d’origine asiatique seraient arrivés sur le nouveau continent il y a environ 23 000 ans, ils avancent l’hypothèse que les humains ayant brisé les ossements et façonné des outils de pierre en Californie il y a 130 000 ans faisaient partie d’un groupe qui a probablement disparu localement.

Les paléontologues du Musée d’histoire naturelle de San Diego ont désormais l’intention de mener des fouilles dans des sites datant de 130 000 ans auxquels ils ne s’étaient jamais intéressés avant leur découverte.

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