17 avril 2017

Lettre ouverte aux candidats


" Il y a trois choses nécessaires pour former un grand homme, d'abord la position sociale, une haute position; ensuite la capacité et les qualités; mais surtout et avant tout le caractère. C'est le caractère qui fait l'homme. (...) Si un des pieds de ce trépied qui doit se maintenir par l'équilibre doit être plus faible que les deux autres, que ce ne soit pas le caractère ... que ce ne soit pas le caractère."

Ces lignes, écrites par un personnage né avec une cuillère d'argent dans la bouche, sont donc une réflexion sur les qualités que doit posséder un homme d'état.

1.Le caractère

C'est très certainement un critère à respecter. Et plus l'on se trouve en cette période incertaine, plus ce critère prend d'importance, jusqu'à primer impérieusement dans la situation extrêmement dangereuse et inquiétante dans laquelle le monde se trouve actuellement.

2. L'honneur

Une autre qualité importante est l'honneur. En proclamant "Mon ennemi c'est la finance" et en se précipitant à Londres pour rassurer la dite finance, le président sortant a montré qu'il n'avait pas d'honneur.

Un président qui n'a pas d'honneur ne peut bien entendu pas se déshonorer.

Un véritable président, c'est-à-dire qui incarne la France, doit avoir de l'honneur car, sans l'honneur, tout est perdu.

"Tout est perdu fors l'honneur"

3. Le courage

• Le courage de changer d'avis (et donc de reconnaître ses erreurs).

• Le courage du coeur, de (re)gagner le coeur des français, d'oser prendre de véritables bains de foules (quitte à prendre une balle en plein front). De Gaulle avait ce courage, courage qui s'est progressivement délité chez ses successeurs. Le président Sarkozy avait peut-être encore une certaine forme de courage (ou d'inconscience) -cf. Le Guilvinec- (à moins que ce ne soit de la mise en scène, du bling-bling). Les bains de foule dans une enceinte restreinte défendue par un cordon de CRS ont pour seul double effet -désastreux- de mettre en évidence la couardise de celui qui agit ainsi (cf. les bains de foule dans des îles, de préférence petites, du président sortant et/ou de ses ministres) et de donner l'impression que nous sommes en dictature.

La France a signé des traités qui ont entraîné un abandon de souveraineté qui a atteint un point tel que rien de ce qui compte ne peut être fait sans l'accord de Bruxelles et de la finance internationale, c'est-à-dire sans l'accord des allemands et des anglo-saxons. Si bien qu'elle se trouve actuellement dans un état pire qu'après Waterloo.

Vous aurez évidemment reconnu l'auteur des lignes introductives: Talleyrand, à qui la France doit tant.

Que faire dans une situation où il n'y a plus apparemment rien à négocier, où il ne reste à la France qu'à se plier à une volonté extérieure?

Soit accepter cette soumission, et nombreux sont les candidats actuels qui l'acceptent déjà, et qu'ils l'accepteront donc une fois président.

Soit ne pas l'accepter. Mais alors se pose la question de savoir sous quelles formes l'insoumission est possible.

1. On raconte que la "punition" imposée à la Grèce a pour but de faire plier la France. Si un "insoumis" est élu "Talleyrand", son seul atout sera-t-il le dangereux argument du "too big to fail"?

2. Une insoumission par souverainisme est-elle possible?

C'est l'option qui semble à première vue la plus crédible: le Brexit est déclenché, la nouvelle administration US semble pousser dans ce sens.

Les USA ont encore la puissance de renégocier unilatéralement des traités. La France a eu cette puissance (cf. la célèbre citation de De Gaulle rapportée par Peyrefitte); elle ne l'a clairement plus.

Ce qui précède montre que nous n'avons plus la possibilité d'agir autrement qu'en prenant des positions aventurées et donc dangereuses: au début de son premier mandat le président Mitterand a pris une telle position d'insoumis ... pour rapidement revenir dans le cadre prescrit par les maîtres de la politique "occidentale" d'alors.

L'objet de cette lettre ouverte est de suggérer la possibilité d'une troisième voie d'insoumission.

3. Une troisième voie?

On vient de voir que la France n'a plus la possibilité d'agir. Mais il lui reste encore la possibilité de penser.

Avant d'aborder le coeur du propos il est nécessaire de planter le décor.

Après l'effondrement de l'empire romain le redressement en France (et une grande partie de l'Europe) s'est fait à partir du catholicisme: pouvoir spirituel aux papes, pouvoir temporel aux rois, "sacrés" à Reims.

Avec l'apparition des universités au moyen-âge et leur vigoureuse expansion à la Renaissance, le pouvoir spirituel s'est progressivement laïcisé, profané.

[Les scientifiques actuels ont coutume de dater précisément cette rupture à Newton, sous le nom de coupure galiléenne: à partir de cet instant les planètes n'étaient plus poussées par des anges, mais elles suivaient "tout simplement" la loi de Newton.

Corrélativement, mais beaucoup plus subtilement et très certainement plus tôt, cette rupture a fait évoluer la vision que l'homme avait de lui-même: de l'homme créature divine, on revenait à une autre forme d'humanisme, l'humanisme "laïc" actuel.]

Une chose qui a peut-être été moins aperçue c'est que le concept de matière a également évolué: le fait, qui fait sourire le penseur "moderne", que les planètes étaient auparavant, selon certains, poussées par les anges, était une façon poétique de dire que la matière, en l'occurrence planétaire, était, d'une certaine façon, vivante. Avec son "Hypotheses non fingo", Newton a convaincu le monde scientifique que des hypothèses -et les preuves corrélatives- n'étaient plus nécessaires, qu'il suffisait de faire des vérifications expérimentales: l'empirisme le positivisme, le pragmatisme, étaient nés ou vigoureusement réimpulsés.

L'ouverture considérable de Newton a, corrélativement, entraîné une fermeture de l'horizon de pensée du scientifique moderne en le réduisant aux "ismes" précités; une pensée scientifique dorénavant réduite à une pensée qualifiée d'objective, objectivité en général fièrement brandie.

Newton justifiait ainsi le nouveau statut d'inertie de la matière qui allait progressivement s'imposer: la matière est inerte, sans vie, morte, et donc stupide, imbécile, et traitée comme telle par les scientifiques modernes.

Newton donnait ainsi une impulsion triomphante et définitive au matérialisme pour aboutir au matérialisme du XIXème siècle, celui qui a encore cours aujourd'hui, partout dans le monde actuel, celui "qui compte", à l'Ouest comme à l'Est, au Nord comme au Sud, c'est-à-dire le monde globalisé: tout le monde "qui compte" est (ou feint d'être) actuellement matérialiste (avec, cela va de soi, une matière sans "âme"), ce n'est plus l'apanage des seuls marxistes.

[Corrélativement la laïcisation, la profanation, de la philosophie a sans doute eu également des effets -mais ce n'est pas ma partie-]

La façon de se représenter le monde change évidemment selon que la matière est ou non animée, i.e. a ou non une âme. Et le changement devient même vertigineux dès qu'on y réfléchit un peu: tout, absolument tout, bascule (pas seulement dans le monde scientifique) dès que l'on fait l'hypothèse d'une matière animée.

Tout, en premier lieu la façon de penser elle-même, la rationalité, l'intelligence (et ses rapports avec l'intelligence artificielle, avec le transhumanisme, etc.). Ensuite la façon de considérer la nature elle-même, et donc toute la politique écologique planétaire. Etc., etc.

Ce néo-matérialisme du XXIème siècle, dont on vient de voir les vertigineuses potentialités exige bien évidemment de faire exploser la prison intellectuelle dans laquelle la pensée matérialiste mainstream actuelle s'est elle-même enfermée, embastillée.

Embastillée. Le terme est choisi à dessein. Il s'agit là en effet d'une véritable révolution. C'est une occasion à ne pas manquer pour la France car il est lumineusement évident que, si elle réussit, elle donnera au futur "Talleyrand" une carte maîtresse dans les négociations à venir avec nos "partenaires".

Dans cette perspective le XXIème siècle devient non seulement un nouveau siècle de Lumières, mais aussi un siècle de nouvelles lumières, les précédentes paraissant non seulement ternes, mais aussi laides, car factices.

Dans cette même perspective Paris, la ville Lumière, prendra un nouveau statut, une nouvelle dimension, celle de capitale d'une nouvelle façon, écologique, de voir le monde; elle sera la capitale d'une nouvelle pensée.

On connaît le "bon mot" de Coluche parlant d'un recteur d'université qui venait vendre l'intelligence des étudiants formés dans son établissement à une quelconque foire aux cerveaux et qui n'avait pas un échantillon sur lui.

S'il prend envie à l'un d'entre vous de vanter la France comme fer de lance de la nouvelle pensée, avec Paris comme ville des nouvelles lumières, il serait effectivement bon d'en avoir un sur vous.

Si les perspectives esquissées ci-dessus ont un sens (et je suis profondément convaincu qu'elles en ont un), alors la civilisation actuelle va inéluctablement s'effondrer et être remplacée par celle entrevue ici. Aussi, aux qualités exigées par Talleyrand, je rajouterai celle-ci:

L'envergure ... l'envergure... 

J. C.

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