14 avril 2017

«Le Brexit, l'une des meilleures choses qui pouvait arriver au Royaume-Uni»


Après le Brexit, Londres restera le principal centre de l'économie européenne, parce qu'il est très difficile de reproduire les compétences, les connaissances, l'expérience et l'infrastructure qui existe là-bas, explique l'économiste Gerard Lyons.

Gerard Lyons est un économiste et écrivain britannique, expert en marché financier mondial et en système bancaire international. Il est ancien conseiller principal du maire de Londres et stratège économique à Netwealth Investments.

RT : L’UE refuse de débuter les pourparlers sur le Brexit tant que le Royaume-Uni ne verse pas ce qu’il doit au bloc – une somme pouvant atteindre les 60 milliards d’euros. Londres va-t-il céder et payer ses frais de sortie ?

Gerard Lyons (G. L.) : La priorité du Royaume-Uni, c’est de parvenir à un accord. Je ne pense pas que le Royaume-Uni doive payer de telles sommes d’argent. Outre cela, il y a aussi un point important – les actifs. Il faudra voir ce qu'il adviendra de la Banque européenne d’investissement, où le Royaume-Uni possède de nombreux capitaux.

RT : Près de la moitié des exportations britanniques sont à destination de l’UE, selon l’Institut national de la statistique. Quel sera l’impact du départ du Royaume-Uni du marché unique européen ?

G. L. : Le Royaume-Uni s'en sortira très bien. La sortie de l’UE pourrait devenir l’une des meilleures choses qui soit jamais arrivée au Royaume-Uni. N’oubliez pas que la Commission européenne souligne elle-même que 99% de la croissance mondiale viendra de l’extérieur de l’Europe occidentale au cours des deux prochaines décennies. Il faut dire que le Royaume-Uni a besoin de se positionner dans le changement et la croissance de l'économie mondiale, établir des relations fructueuses avec la Chine, l’Inde, les Etats-Unis, la Russie, tpit en maintenant de très bonnes relations avec l’UE dans l’avenir.

Nous voulons des accords de libre-échange qui nous permettraient de faire valoir nos atouts

RT : L’ancien patron de l’OMC, Pascal Lamy, a déclaré qu’il serait assez simple de créer une zone de libre-échange. Qu'en pensez-vous ?

G. L. : Les règles de l’OMC donnent au Royaume-Uni une base très solide pour lancer ses futures nouvelles relations avec d’autres pays. Mais nous voulons deux choses différentes – des accords de libre-échange qui permettraient de faire valoir nos atouts, qui seraient itératifs et pouvant être conclus avec de grandes économies et avec des économies à croissance rapide en dehors de l’UE ; et nous voulons un accord de libre-échange global avec l’UE. Nous sommes membres de l’OMC, actuellement au sein de l’UE, et nous regagnerons notre place après avoir quitté l’UE.

RT : Le Royaume-Uni a-t-il véritablement besoin d’un tel accord de libre-échange avec l’UE, si les Etats-Unis restent le plus important investisseur au sein de l’économie britannique ?

G. L. : Ce qui est important, c’est que nous avons été membre de l’UE pendant plus de 40 ans, et certains modèles de gestion de certains secteurs et entreprises sont fondés sur le marché unique.

C’est important pour la chaîne logistique et pour le secteur automobile, pour les produits pharmaceutiques et pour certains services financiers. Il est donc logique d’avoir un accord de libre-échange global, mais nous pouvons aussi nous en passer. Il s’agit de rendre la sortie de l’UE aussi douce que possible.

Mais il faut noter que le Royaume-Uni-on n’a pas connu que des succès dans de nombreux domaines du marché unique. Comme le Premier ministre Theresa May l'a fait remarquer, nous devons quitter le marché unique. Cela prend tout son sens du point de vue de l’économie.


Nous devons être concurrentiels et efficaces dans le cadre du commerce équitable, mais nous devons aussi avoir un système fiscal rationnel

RT : Londres est considéré comme le centre mondial de la finance. Perdra-t-il ce statut après le Brexit ?

G. L. : Non, Londres sera toujours le centre financier majeur de l’Europe et l’un des principaux centres financiers mondiaux. Il est très difficile de reproduire les compétences, les connaissances, l’expérience et l’infrastructure que nous avons ici.

RT : Le chancelier de l’Echiquier britannique, Philip Hammond, a déclaré que le Royaume-Uni pourrait recourir à d’autres mesures pour maintenir la compétitivité de son économie, si un accord complet avec l’UE n'aboutit pas. Que va faire le Royaume-Uni pour attirer les entreprises internationales ? Va-t-il devenir un paradis pour les impôts sur les sociétés, par exemple ?

G. L. : Non, on ne va pas faire ça. La réalité de cette situation est la suivante : raisonnablement, le Royaume-Uni doit sortir du marché unique. Et il est logique d’être en dehors de l’Union douanière protectionniste. Par conséquent, le Royaume-Uni a besoin d’un accord de libre-échange complet. Mais quoi qu’il arrive, le Royaume-Uni doit être compétitif à l’échelle internationale. Depuis le résultat du référendum, nous avons vu des investissements énormes dans notre pays de la part des Etats-Unis et de l’Asie. Nous devons être concurrentiels et efficaces dans le cadre du commerce équitable, mais nous devons aussi avoir un système fiscal rationnel. La seule chose qu’on n’aura pas, c’est le nivellement par le bas.

Ce n’est pas une course vers le bas, il s’agit plutôt de faire comprendre à l’UE que le Royaume-Uni doit être concurrentiel à l’échelle mondiale

Les droits des travailleurs seront protégés, tout comme les droits environnementaux. Mais en ce qui concerne les impôts, il faut s'assurer que le Royaume-Uni soit compétitif. Déjà, en France, à la veille de l’élection présidentielle, ils parlent de réduire les impôts sur les sociétés. Le président Trump a aussi parlé de réduire l’impôt sur les sociétés. Mais nous devons garantir que les entreprises, qu’elles soient internationales, petites ou moyennes, paient leur juste part de l’impôt. Il ne s'agit donc pas d'une course vers le bas, il s’agit plutôt de faire comprendre à l’UE que le Royaume-Uni doit être concurrentiel à l’échelle mondiale.

RT : Le secrétaire du Brexit, David Davis, annonce que le Royaume-Uni restera ouvert aux migrants en provenance d’Europe, même après avoir quitté le bloc. Selon l’Institut de la statistique, 165 000 personnes y sont venues depuis l’Union européenne en 2016. Pourrait-on se permettre de fermer la porte à tous ces gens ?

G. L. : Il y a deux aspects. Tout d’abord – on l’a vu avant et après le référendum – les gens ont voté pour trois choses : la première c’était la souveraineté, le retour du pouvoir législatif à Westminster, pour ne plus être dirigés depuis Bruxelles. Deuxièmement, c’était l’immigration. Et le dernier point c’est l’économie.

Le Royaume-Uni a besoin d'une politique migratoire raisonnable. Une faible migration ne signifie pas aucune migration, et la question qui a été soulevée lors de la campagne et formulée par David Davis, c’est d’avoir une politique migratoire sensée qui serait bonne pour l'économie globale. Naturellement, cela signifie que nous acceptons les migrants, non seulement en provenance de l'Europe, mais de toutes les parties du monde. Mais nous devons décider quel type de personnes nous voulons accueillir, de la main-d'œuvre qualifiée ou non-qualifiée, et dans quels domaines nous en avons besoin. Par conséquent, nous aurons de la migration, mais à un niveau beaucoup plus bas.

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