21 février 2017

Hoc se quisque modo semper fugit (*)


Dans son meeting à Strasbourg Mélenchon attaque Marine le Pen sur le CETA alors qu’elle est aussi contre le traité. Rien de plus absurde ! Tactiquement d’abord: les ennemis de mes ennemis sont mes amis (provisoirement peut-être mais objectivement quand même). Stratégiquement ensuite: JLM s’estime supérieur à tout autre candidat. C’est vrai mais alors il est tout seul. La danse du ventre d’Hamon le laisse froid. Quand un des candidats défend les mêmes thèses que lui, il devrait sinon le soutenir du moins ne pas l’attaquer. Or, il le récuse, voire le diabolise plus encore que tous les autres. Marine est beaucoup plus que son challenger électoral, elle est le repoussoir de toute sa vision du monde, du moins celle qu’il affirme avoir. Si bien que si jamais elle est au 2e tour, on sait qu’il n’appellera pas à voter pour elle. Comme Mélenchon est plutôt contre l’abstention, acte passif qui n’en est donc pas un, il appellera à voter pour son adversaire au nom du républicanisme, Macron ou Fillon. Dit autrement : il se prépare à "trahir" une 2e fois en appelant à voter pour celui qui l’écrasera! Alors que si Marine était élue elle ne pourrait s’appuyer que sur ceux qui –au moins en partie –, ont défendu le même programme, comme par exemple abolir le CETA, c'est-à-dire les partisans de Mélenchon. Or Mélenchon, trotskyste aggravé, mondialiste impuni, au nom de l’universalisme en papier mâché qu’il croit être la mission de la France, ne veut pas soutenir Marine. Elue, elle aurait pourtant besoin de ceux qui ont le programme le plus proche du sien! Mélenchon en serait en quelque sorte le premier ministre idéal ! Mais surtout l’unité du peuple de France serait si solide qu’elle empêcherait une révolution orange dont Nicolas Bonnal a parlé dans son dernier article. On reste consterné devant ce gaspillage obscène, cette énorme et nouvelle trahison qui se profile!

Solon (640-558 a.c) appelait de ses vœux le Juste milieu. Le courant philosophique après lui considéra que, dans ce qui allait devenir la démocratie, les opinions extrêmes menaient à des conflits stériles. La plupart des politiciens actuels pensent ainsi, du moins, le donnent à penser. C’est une illusion. Il n’y a de "juste milieu" que lorsque deux opinions contraires s’affrontent. Le juste milieu est un lieu vide, n’est pas un "rapprochement des extrêmes". Les extrêmes sont au contraire la condition nécessaire du juste milieu qui n’est plus alors un état mais une dynamique, un processus en mouvement. En fait, les extrêmes sont plus alliés qu’ennemis. Ça, Mélenchon ne le comprend pas malgré le φ de son logo. Il se croit meilleur que Le Pen, ne se voit pas du tout "extrémiste" et au fond, pense que ce qu’il propose c’est ce qu’il faudrait que les choses soient: "révolution citoyenne", "économie de la mer", "euthanasie", "droit d’avorter", en gros "avenir nécessaire et suffisant du monde". Or, sa raison mathématique sait compter, sait que seul il échouera. Sa raison idéologique par contre le persuade que c’est faisable! Chacun sait pourtant que l’héroïne Hamon Jadot ne donnera ni sa voix ni son cœur à l’extrémiste. Telle est la situation : une Marine en tête, un Macron peut-être gonflé et poudré mais qui prendra des voix, un Fillon affaibli mais qui pourrait ressusciter, un Hamon acoquiné à Yannick qui fait rire la terre entière. Les mondialistes, ceux qui sont en train de tuer Trump, observent. Ils craignent non pas un, mais deux "extrêmes" qui se rapprocheraient, mais pas par illusoire "juste milieu". Eux sont les vrais philosophes, c'est-à-dire les Sun Tsé.

Mélenchon, comme ceux qui croient que Dieu a créé le monde en six jours, prend au mot Marine, son programme, ses promesses. Beaucoup sont irréalisables. Le mal immigrationniste est déjà fait, n’est pas réparable. Il l’accuse de racisme non parce qu’il en est convaincu, mais pour s’offrir le beau rôle de l’antiraciste. Il fait semblant de penser qu’elle l’est car, en bon tacticien socialiste, il sait qu’elle ne peut abandonner son mot d’ordre anti-émigrés sauf à se priver du vote des électeurs historiques de Jean Marie son Père (20 à 30% de ses électeurs actuels). Mais il se garde bien de le penser encore moins de le dire. Il n’est pas un stratège de la trempe de Poutine qu’il critique, tel ce sale gamin des barricades qui inspira Hugo (à 20 ans, je critiquais de Gaulle moi aussi). Il n’est même pas stratège à la Tsipras qui s’est allié avec la droite pour gagner en 2015. Quand de Gaulle parla un jour de la France "de Dunkerque à Tamanrasset", il n’en pensait pas un mot. Mélenchon, par ailleurs perspicace quand il parle de l’armée de la France, de sa stratégie, ne sait se mettre à cette hauteur gaullienne! Petitesse parfois des grandes pensées. Il croit sincèrement que le peuple ne peut être convaincu que par la raison! Que la politique c’est un cours à l’université ou à Sciences Po, se prend pour le prof qui enseigne le Beau, le Bon, le Vrai à 3000 personnes siégeant à l’agora. Il est politicien par accroc. Il ne veut pas gagner, mais briller. Sénèque : Omnes destrui cupiunt, quia se non potuere prouehere. "On désire voir tout le monde échouer parce que l'on n'a pas pu réussir". Mélenchon n’a pas réussi comme prof de philo, ne réussira pas comme politicien sauf… intervention d’une Jeanne d’Arc réincarnée oyant la voix du peuple plus que celle des anges et des saintes.

Marine le fait exister comme tribun jaurésien, il la fait exister comme "diable de confort". Ils sont complémentaires. Il se moque d’elle sous prétexte qu’elle a changé d’avis sur l’euro. N’a-t-il pas lui aussi changé depuis l’échec du Tsipras l’européen? Ce Tsipras allié à la droite pour gagner mais allié à un traitre intello pour perdre! Au lieu de lui laisser comprendre, qu’à un stade ultérieur – que ni elle ni lui ne peuvent connaître –, ils risqueraient d’être vraiment complémentaires. Je renvoie ici au texte de Nicolas Bonnal paru il y a peu. Malheureusement Mélenchon ne lit pas ce site de droite... Il devra donc au mieux se contenter de 12% et ne pas être au 2e tour. Alors que si les prédictions de Bonnal devaient se réaliser, que la Pen gagne et que les mondialistes provoquent le chaos, cela confirmerait l’erreur de la stratégie mélenchiste. Ils ont déjà cassé le Donald et vont continuer. Une révolution orange se prépare en France. Or Mélenchon, pas plus que Marine (à ma connaissance), n’ont d’amis solides au ministère de l’intérieur, dans l’armée ou la police. Toutefois, unis, ils pourraient faire face et réaliser au moins partiellement leur programme même si des circonstances imprévues font tout échouer. D’avoir cru que Marine est l’ennemi et pas la clique Macron-Fillon-Juppé, trio composé d’un fringant quarantenaire banquier à qui on prête des penchants et l’abus de certaines substances, d’un catho prévaricateur et d’un vieux ranci qui a fait l’Ena et copine avec Soros, le tout drivé par le comploteur universel Attali à qui Mélenchon a fermé magistralement la bouche il y a quelque mois de cela sur l’A2, à "Des paroles et des actes"... A bout d’argument, le grincheux barbudo qui écrit beaucoup trop de livres, qui veut Jérusalem pour capitale du monde, l’a traité de suppôt de la Corée du nord. Mélenchon a vaincu Attali intellectuellement mais il sera perdu par lui politiquement. C’est le destin des professeurs. L’adversaire Attali et quelques autres de son acabit sont le danger XXX Large pour la France. Le Pen à côté, c’est soit Bibi Fricotin soit les Pieds Nickelés.

Voilà la situation. Le philosophe s’interroge sur l’horrible complexité des choses humaines, sur l’ambigüité des idéologies destructrices de la bonté et de l’intelligence humaines, les souffrances et les reniements des ego ravagés par l’ambition. Il se demande si une période de paix ou de guerre se prépare du fait qu’il voit que kairos,** l’enfant à la mèche en bataille qui s’agite et crie, ne semble pas devoir être attrapé par ses cheveux. Les bonnes fées sont là autour du berceau mais myopes et presbytes ne les voient pas. Attendons le 24 avril pour savoir si les critiques, les analyses, les espoirs se seront transformés en prophéties. C’est vrai qu’il se gonfle souvent le philosophe plus des malheurs annoncés –et hélas réalisés– que des grâces invisibles que la destiné, touchée de leur ignorance, envoie parfois aux hommes.
Marc Gébelin

Notes

(*) Lucrèce : "Ainsi chacun ne cesse de se fuir lui-même".
(**) L’art de saisir l’opportunité selon les grecs.


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