26 novembre 2016

Incontinence dont on n'a jamais entendu parler...

 
L'incontinence menstruelle : voilà une incontinence dont on n'a jamais entendu parler. Une recherche dans la littérature médicale donne zéro résultat. En revanche, nous connaissons bien les deux autres incontinences de la région périnéale, vésicale (fuites d'urine) et anale (fuite de matières fécales)
Une recherche sur des sites internet permet de débusquer un mot sur la continence des règles, mot perdu dans le flot de conversations diverses des forums.

Depuis notre plus tendre enfance, nous avons appris à retenir nos urines et nos selles. Cela est anatomiquement permis par les muscles du plancher pelvien, car ils entourent les organes dévolus à l'évacuation des déchets du métabolisme (urine, selles). Pourtant, le sang des menstruations est aussi une matière à évacuer. Son canal d'évacuation, le canal vaginal, est lui aussi entouré de muscles pelviens. Alors pourquoi ne les a-t-on jamais utilisés pour la continence menstruelle ? Pour réceptionner ces menstrues, nous mettons des couches (pardon, des serviettes hygiéniques), comme chez le nouveau-né pour ses urines et ses selles.

Anatomie

Le plancher pelvien, qui est un ensemble de muscles et d'aponévroses, referme en bas la cavité abdomino-pelvienne. Une aponévrose est un tissu fibreux qui lie les muscles entre eux (raphé) ou aux os (tendon).

Ce plancher est constitué de plusieurs plans musculaires :
Le plan profond comporte des muscles assez consistants, qui referment en bas la cavité pelvienne.
Le plan superficiel, sous la peau, est fait de muscles plus petits, qui entourent les canaux excréteurs des organes pelviens (vessie, utérus, rectum). Ces organes sont situés là car leur fonction principale est de rejeter à l'extérieur leurs produits d'excrétion (urine, sang menstruel, selles).
© Nature/Sott.net
 
Vue de dessus. En jaune: le bassin, avec en avant le pubis, et en arrière le sacrum dont l'extrémité est le coccyx. Les muscles du plancher s'insèrent en arrière sur le coccyx (d'où le nom donné à ces muscles). Le coccyx n'est donc pas un simple vestige, il a une véritable utilité.Le terme diaphragme est bien choisi : c'est un muscle ou un groupe musculaire qui referme une cavité et qui dispose, en son centre, une ou des ouvertures pour laisser passer des organes, ici les organes pelviens ou plus exactement le canal excréteur de ces organes. De même, le diaphragme tout court, est ce muscle qui sépare les cavités abdominale et thoracique et comporte une ouverture en son centre pour laisser passer le tube digestif et les gros vaisseaux (aorte, veine cave, canal lymphatique), ainsi que le nerf vague ou nerf sympathique.

Ce plan profond du plancher pelvien est fait de muscles qui vont d'os à os. Il comporte, entre autres, le muscle pubo-coccygien (qui va du pubis au coccyx) et le muscle ilio-coccygien (qui va de l'ilion ou aile iliaque, au coccyx). Ce sont des muscles striés, on peut les contracter volontairement.

Ces insertions sur le coccyx rendent comptent de la place du renforcement des muscles du périnée dans le maintien d'une bonne stature vertébrale. C'est ainsi que, dans le yoga, une place est donnée aux exercices de renforcement des muscles du périnée pour parfaire l'équilibre vertébral. Ce sont aussi eux que les femmes rééduquent après un accouchement, pour prévenir à court et à long terme le prolapsus utérin, lequel entraîne avec lui une incontinence urinaire (vagin et urètre sont intimement attachés).

© Nature/Sott.net
 
Schéma simplifié montrant les muscles en-dessous du diaphragme uro-génital vu sur le schéma précédent. Sur la colonne gauche du dessin sont mentionnés les canaux des organes pelviens. A droite, sont notés les muscles de ce plan.Le diaphragme uro-génital se trouve entre le plan des muscles précédents et la peau. Il est fait de muscles plus fins, plus petits, jouant le rôle de sphincter. Le sphincter est fait de fibres musculaires entourant un canal. Ainsi, la contraction du muscle va avoir pour effet de refermer le canal, et son relâchement ouvre le canal. Lors de la miction, le relâchement du canal permet l'ouverture de celui-ci, d'où l'écoulement des urines qui étaient gardés dans la vessie.

Il comporte plusieurs sphincters, dont :

1. autour du canal anal (qui est la partie toute terminale du tube digestif. Juste au-dessus de ce canal, se trouve l'ampoule anale où s'accumulent les selles attendant leur évacuation) : c'est le sphincter externe de l'anus.

2. devant l'urètre : le muscle compresseur de l'urètre, qui comprime (et donc ferme) l'urètre, et qui comprime aussi le vagin qui lui est intimement lié (à l'urètre).

3. autour de l'ensemble urètre-vagin: le muscle bulbo-spongieux constitue le sphincter uro-génital.

De part et d'autre de ces deux sphincters, se trouve le muscle transverse du périnée, qui les maintient sur la ligne médiane et la ligne horizontale. Leur blessure ou leur section en cas d'épisiotomie peut être source de prolapsus de l'utérus. On ne saurait insister suffisamment sur l'importance de la rééducation périnéale après un accouchement ou après une chirurgie portant sur les organes du périnée.

Il y a un donc un sphincter autour du canal vaginal ! Ce canal est le canal d'évacuation de la glaire cervicale, mais aussi des menstruations!

Physiologie

Le schéma ci-dessus permet de visualiser la présence de multiples muscles agissant comme sphincter, tant autour de l'anus, que de l'urètre. La conscience de leur présence et de leur efficacité nous a permis, lors des premiers apprentissages, à les entraîner et à les utiliser pour retenir nos selles présentes dans l'ampoule anale, en attendant d'aller les évacuer. De même pour la rétention de l'urine retenue dans la vessie : le sphincter présent autour l'urètre, en se contractant (comme tout muscle), referme ce canal, ce qui évite la fuite d'urine. Lorsque ce muscle est affaibli (après un accouchement difficile, lors de la sénilité ou lors d'atteinte neurologique), la continence urinaire est en défaut : c'est l'incontinence urinaire.

Et puisque le sphincter attribué à l'urètre entoure aussi le vagin, il permet aussi la fermeture de celui-ci, donc la continence des produits d'excrétion de l'utérus (les menstrues ou règles ou menstruations).

La Nature nous a donc dotées d'un moyen de retenir nos règles ! Finies les serviettes hygiéniques et tampons au glyphosate ou les coupes menstruelles en silicone ! Yeah !

Mais comment diable, n'y a-t-on pas pensé plus tôt ?

Comment, alors qu'on nous avait appris à retenir nos selles et urines, ne nous a-t-on pas appris à retenir nos écoulements menstruels ? Par facilité ? Par conditionnement à se tourner vers la consommation de produits tout prêts ? Mettre une serviette hygiénique revient à mettre une couche et laisser s'écouler le liquide, comme pour le bébé.

Mais retenir le sang des menstrues n'est-il pas dangereux pour la santé ? Que nenni ! Le sang est retenu en attendant d'aller l'évacuer aux toilettes, exactement comme pour les urines et les selles. De même, on ne peut le retenir longtemps, sous peine de fuite, comme pour les urines, donc il doit être régulièrement évacué. Il ne reste donc pas stagnant longtemps dans le corps, contrairement aux tampons et aux coupes. Le principe de la continence menstruelle est de ne plus laisser le sang s'écouler passivement, mais de l'évacuer volontairement.

En revanche, le sang gardé sur un corps étranger (le tampon) est potentiellement source d'infection locale voire de septicémie, car le corps étranger sert de milieu de culture aux bactéries.

Voilà, comment, d'une anormalité (l'incontinence menstruelle), on a fait une normalité (mettre des protections, accepter la fatalité).

Reprendre le contrôle positif de son corps

L'arrêt de travail (maladie de longue durée, chômage, vacances) a parfois du bon. C'est ainsi, qu'un jour où je n'avais pas la force d'aller faire les courses et que je ne suis pas sortie de la maison pendant plusieurs jours, presque comme coupée du monde, l'arrivée de mes menstrues me mit dans l'embarras. Pour y remédier, j'allais donc très régulièrement aux toilettes. Je mettais par prudence une alèse sur le canapé ou le matelas, mais aucune protection hygiénique (afin de m'obliger à faire l'effort de retenue). Au début cela était un peu difficile, il y avait quelques fuites, puis presque plus à mesure de l'entraînement. Je n'aurais jamais pu découvrir ce potentiel si je travaillais. Ah ce travail et ce rythme de vie qui, dans nos sociétés modernes, nous empêche de voir autre chose... C'est ainsi que j'ai constaté cette capacité sphinctérienne jusqu'ici endormie telle une Cendrillon, pendant trente ans.

C'est aussi une belle occasion de découvrir son corps, l'écouter, le ressentir.

J'ai ainsi noté que lors de la miction, les menstrues s'évacuent automatiquement par la même occasion. Cela s'explique par l'anatomie, comme nous l'avons vu : c'est le même sphincter qui entoure les deux canaux, génital et urétral.

J'ai aussi remarqué que les menstrues s'évacuent de manière plus complète lorsqu'on est debout (sous la douche) que lorsqu'on est assis (sur la cuvette des toilettes). Cela explique pourquoi, alors qu'on vient de se rhabiller après avoir évacué dans les toilettes, un écoulement supplémentaire vient à ce moment-là. Du coup, lorsque que suis chez moi, je privilégie la douche aux toilettes. Cela a aussi deux autres avantages: se passer de papier toilette (c'est intéressant en cas de pénurie suite à une catastrophe, économique ou climatique) et être plus propre (le lavage à l'eau est bien plus complet et naturel que l'essuyage au papier).

Pour celles qui travaillent, et qui veulent tester ce don naturel, je recommande de mettre une serviette hygiénique et de faire comme si elles n'avaient aucune protection.

Il suffit de contracter le périnée dès qu'on sent que les menstrues commencent à s'écouler, de se retenir, le temps d'aller aux toilettes, si cela est possible. Sinon, d'aller aux toilettes avant une réunion, puis tout de suite après. Il est prudent de porter une protection les premières fois, et de faire comme s'il n'y en avait pas. Le but est d'éviter le port de serviettes à court terme.

L'entraînement des muscles du plancher doit se faire également en dehors de la période des menstruations. Ces muscles étant des muscles dits striés, ils se contractent aussi sous notre volonté. Chaque fois que nous ne sommes pas occupées, il faut y penser et s'amuser à les contracter. Les occasions ne manquent pas : attente dans une salle d'attente, à un arrêt de bus ou de métro, dans le train, dans la voiture si et seulement si vous êtes passagère. Cet exercice ne se voit pas de l'extérieur, alors profitons-en ! On peut varier les types d'exercices : séries de contractions périnéales rapides, séries de contractions en restant le plus longtemps tout en contractant fortement, contractions par paliers de force ascendante puis descendante. C'est comme le fitness: pour que cela soit efficace, il faut le faire souvent et en y mettant la force. C'est comme pour tout : on n'a rien gratuitement ; tout résultat demande des efforts conscients.

De plus, la continence menstruelle vous déleste d'une contrainte mensuelle, et vous permet d'être maître de votre corps. Et non plus l'inverse, où le corps vous dictait la facilité (laisser couler) et la contrainte (devoir mettre une protection).

Votre porte-monnaie également vous remerciera, mais surtout votre santé : votre peau périnéale (ou votre muqueuse, selon le type de protection utilisée), et votre cerveau. C'est une belle sensation que de se sentir libérée de la contrainte des menstruations. Ah si seulement on m'avait enseigné cela quand j'étais adolescente, je ne me serais pas sentie moins chanceuse que les garçons. C'est quand même infantilisant que d'avoir à mettre une couche tous les mois, ou intrusif que de mettre un corps étranger (tampon ou coupe) dans cette partie si intime. Alors je vous encourage à en parler au maximum de jeunes filles autour de vous. Il ne s'agit pas d'imposer, mais d'informer de cette possibilité. A la fin, à chacune son libre arbitre.

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