Quand la décomposition s'accélère, que le bout du tunnel ressemble à s'y méprendre aux mirages du désert, que les partis politiques changent d'étiquette pour se refaire une virginité tout en sachant que personne n'est dupe, que la gauche passée à droite s'en prend à la droite passée au centre, cependant que les extrêmes se touchent pour essayer de démolir le système régnant, place au bavardage, à la salivation et aux sautes d'humeur. Tout se passe comme si nos représentants ne feignent même plus d'organiser des mystères qui visiblement les dépassent : tant que le peuple divisé demandera le pain des résultats concrets, on lui donnera de la brioche sociétale, pour passer le temps, en attendant, soit le déluge, soit le changement d'adresse.
Donc, ce soir, comme tous les soirs, on improvise dans l'excès qui va souvent de pair, on le sait, avec l'insignifiance. C'est un député UMP qui demande, excusez du peu, l'interdiction de l'islam en France. C'est une ministre de l'Éducation Nationale qui fustige les «pseudo-intellectuels» qui osent contester l'extraordinaire réforme pédagogique que le monde entier, d'ores et déjà, nous envie. C'est une ministre de la Justice interrogée par le politologue Dominique Reynié sur l'arrestation et l'emprisonnement pour le moins étrange d'un militant de la Manif pour Tous en juin 2013, qui s'est vu de surcroit infliger une amende de 3000 euros alors qu'il n'y avait eu ni violence ni voie de fait : Christiane Taubira s'emporte, ne répond aucunement sur l'affaire et se contente de traiter Le Figaro de Pravda mensongère. Fermez le ban.
Ainsi va l'affrontement politique quand on évite à tout prix l'essentiel : caquètements de gallinacés, sodomies de lépidoptères, petites piques sans conséquence: seuls semblent compter désormais l'ampleur des décibels et la variété des noms d'oiseaux. Que des responsables politiques en soient arrivés à un tel néant d'argumentation en dit long sur leur impuissance à savoir se maîtriser et s'empêcher, dès que se tendent un micro et une caméra. La diarrhée du vocabulaire étant inversement proportionnelle à la hauteur de la réflexion, il serait temps que le devoir de silence ne soit plus l'exception, mais la règle, dans ce bourdonnement embrouillé et permanent d'une parole qui tourne sur elle-même comme un marteau sans maître.
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