Que de « révolutions » depuis la chute du Mur de Berlin ! En fait il s’agit toujours de la même, mais à des endroits différents. Il y a tout d’abord un rassemblement de quelques milliers à des centaines de milliers d’individus, tous censés être « mécontents », rejoints bientôt par d’autres grâce aux moyens de communication modernes. Ensuite tout ce beau monde converge vers la plus grande place de la capitale du pays, là où se trouvent toutes les caméras qui vont témoigner au monde qu’il y a bien un mécontentement généralisé.
Dans les premiers temps il ne s’agit que de protester, avant les premiers incidents qui aboutiront, quelques jours plus tard, aux premiers morts (généralement avec un coup de main extérieur). Au bout de quelques semaines, parfois quelques jours seulement, le chaos est tel que le dictateur, le tyran, le boucher sanguinaire, ou quel que soit le nom du catalogue des méchants qui lui a été attribué, finit par s’enfuir ou se faire arrêter.
Généralement toute la révolution se déroule en un seul lieu, la place centrale de la capitale, dans un délai relativement court, toujours selon le même scénario, et les caméras occidentales omniprésentes, Ce n’est pas à une révolution que nous assistons, mais à un tournage. Un tournage en extérieur, avec de vrais comédiens, chacun sachant exactement quand intervenir et quoi faire, avec également des figurants parmi lesquels se trouveront les morts pour faire avancer le script qu’ils n’ont pas lu. Le scénariste, derrière les caméras, avec l’aide de ses accessoiristes qui fournissent armes, essence pour cocktails Molotov, masques, boucliers et objets divers, décide quand créer l’émeute, quand tuer ou incendier, et quand prendre l’assaut final.
Tout cela nous rappelle étrangement Hollywood. Une action limitée, des acteurs restant strictement dans leurs rôles, un espace géré, le tout au service d’une prise de vue parfaite. Même les horaires de l’action paroxystique destinée à relancer l’intérêt ou à faire retenir le souffle, sont paramétrés. Ça, ce sont les « Révolutions » made in Hollywood. Elles font appel au sentiment de compassion et à la tendance des humains à se ranger du côté des plus faibles. Le souvenir des grandes révolutions, édulcoré, embelli et même modifié parfois, y aide grandement. Mais, même falsifiées, ces grandes révolutions ont une sacrée différence avec les révolutions hollywoodiennes. Elles concernent le peuple ou, tout au moins, une large partie de celui-ci. Les places centrales pour se rassembler y sont importantes mais concernent plusieurs villes, et parfois en plusieurs endroits d’une même ville. Les raisons de ces révolutions viennent toujours de loin, même s’il y a des éléments déclencheurs auxquels, dans un premier temps, une analyse peu approfondie peut attribuer la cause. Il ne s’agit pas ici d’une contestation d’une élection qui a désigné la mauvaise personne, il s’agit de conditions de vie ou de survie des révolutionnaires. Il ne s’agit pas de gagner un peu plus de liberté ou de changer de maître, mais de se libérer de quelque chose ou de revenir à des choses essentielles qui forgent l’être.
Ce n'est pas ce type de révolution "colorée" made in CIA qui tente de se structurer en Ukraine. Pilotée ou pas (quelle révolution n’est pas pilotée ?), elle gagne de ville en ville dans l’Est et le Sud du pays. Des barricades se lèvent, la résistance s’organise et des leaders locaux commencent à fédérer leurs concitoyens, quand ils ne sont pas arrêtés par Kiev. En face, le gouvernement putschiste de Kiev envoie des milices pour mater les soulèvements. Différence significative avec les révolutions hollywoodiennes, des mercenaires étrangers structures les "forces de l’ordre", ce qui prouve que l’on a affaire à une révolution d’une autre nature que celles qui voient souvent les forces de l’ordre classiques tourner casaque et se ranger du côté du peuple.
Que ce soit à Donetsk, à Kharkov, à Lougansk, ou à Kiev même où des barricades se dressent à cause de la montée des prix, tout retour en arrière semble désormais impossible. Toute tentative d’utiliser la force ne fera qu’étendre la contestation. Il faudra que l’Union Européenne et les Etats-Unis se mettent dans la tête, une bonne fois pour toute, que l’Ukraine dont ils avaient rêvé, celle d’avant Maïdan tombant toute mûre dans leur escarcelle, après une mini révolution hollywoodienne, comme tant d’autres pays de l’Europe de l’Est, cette Ukraine-là est morte et bien morte. C’est un autre pays qui va renaître à la place, et il sera fédéral ou ne sera pas. De ce point de vue, on peut dire que les Etats-Unis ont réussi, cette fois à leur corps défendant, à faire ce qu’ils ont toujours su faire à la perfection : détruire un pays.
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