Sur les méthodes, elle décrit aussi l'emprise, le lissage de la pensée, la reconfiguration mentale. «On prépare ton esprit à l'intérieur pour l'extérieur», «tu n'existes plus en tant qu'individu», «tu ne penses plus par toi-même mais par le groupe, tu ingurgites ce qu'on t'apprend», «Femen transforme ton corps et ton esprit», témoigne-t-elle. «Répéter encore et toujours les principes fondamentaux(…), il fallait que ça rentre pour qu'à notre tour ça puisse sortir mécaniquement, comme une leçon apprise sur le bout des doigts», poursuit-elle. «On se sent comme aspirée naturellement, sans violence, vers un total lâcher-prise vis-à-vis du groupe et de la volonté à l'esprit critique (…) Et celles qui s'expriment un peu trop ne tarderont pas à quitter “de leur plein gré” le mouvement».
Désillusion
«Première prise de pouvoir sur l'individu, la disponibilité», dit encore celle qui devait rester disponible 24 heures sur 24, au détriment de son travail et de son couple. «Tu acceptes lentement une soumission que tu refuses à l'extérieur, analyse-t-elle. Tu étais venue pour combattre quoi déjà? Ah oui! La soumission des femmes sous couvert de patriarcat». Et «tu gagnes quoi? Le droit de te dire le soir quand tu rentres chez toi seule, que tu t'es battue pour une liberté à laquelle tu n'as toi-même pas droit».
La désillusion redouble en réalisant ce paradoxe: contrairement à l'idéologie qu'elles défendent, les Femen «ne respectent pas les femmes, les chefs de bande traitant leurs recrues comme de la chair à canon», résume son agent littéraire, Omri Ezrati. C'est la première fois qu'une Femen ose témoigner contre le clan. Première fois aussi qu'une réelle infiltrée, a contrario de journalistes qui avait témoigné après quelques semaines d'immersion, raconte en détail son vécu, au jour le jour, du recrutement à l'endoctrinement, des entraînements au combat aux actions nues dans la rue. Alice était de celles qui ont profané la cathédrale Notre-Dame de Paris le 12 février 2013.
Autre déception, l'absence de confiance. «Il n'y en a pas dans ce groupe, déplore-t-elle. Apprendre qu'une action vient d'être faite par Facebook ou BFM, c'est un peu chiant quand on s'investit à hauteur de dévotion. Comment doit-on se sentir quand on nous utilise une heure et qu'on nous ignore la seconde d'après? Un objet a ce rôle. On s'en sert et puis on le pose, jusqu'à ce qu'on ait à nouveau besoin de lui». Autant de raisons qui feront «s'éteindre le mouvement», qui «ne peut être viable avec de tels principes», selon elle. Déjà, la quarantaine d'activistes est passée à une quinzaine seulement aujourd'hui», dit-elle. Pour autant, Alice ne renie rien de son expérience et revendique toujours l'idéologie Femen. C'est pourquoi elle ne peut être une «repentie», souligne-t-elle, «juste une déçue».
Méthode sectaire
Alors que des citoyens et des députés appellent ces derniers jours au retrait du timbre Marianne, inspiré par les traits de sa leader en France, Inna Shevchenko, et alors que leur procès arrive le 19 février devant le tribunal correctionnel de Paris, le député UMP du Rhône Georges Fenech demande la dissolution du groupe activiste féministe - justement en raison de ses pratiques.
Lundi, il a saisi la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), priant son président, Serge Blisko, de bien vouloir «faire connaître la position de la Miviludes à l'égard de ce mouvement», ainsi que «les initiatives qu'elle pourrait prendre pour lutter contre ses agissements hautement attentatoires aux valeurs qui fondent une République», «telle que la demande de dissolution de l'association Femen, type loi 1901». Ancien président de la Miviludes, président actuel du groupe d'études sur les sectes à l'Assemblée nationale, le député estime que Femen est «un groupuscule qui utilise des méthodes sectaires». Contestation violente de l'ordre social, discours haineux contre les religions et la laïcité, recours à des armes (cocktail Molotov lancé la semaine dernière contre l'ambassade russe à Berlin), profanation de lieux du patrimoine, menaces… Autant d'actes d'«intimidation» et de «pressions physiques et morales» qui, quoique «sans tentatives d'emprise mentale ou de gain d'argent», relèvent des méthodes sectaires, décrites par la loi du 12 juin 2001, qui lutte contre ces phénomènes.
(*) Le prénom a été changé
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