22 novembre 2013

Effets désastreux de l’austérité, misère au rendez-vous !



Dans un document inédit que l'Humanité dévoile ici, un des économistes en chef de la Commission européenne mesure les effets désastreux de l’austérité dans les pays de la zone euro. à cause de ces seules politiques, la France aurait perdu 5 points de croissance.


C’est la note dont la presse n’a pas parlé, ou presque. Son auteur n’est pourtant pas le premier venu : Jan In’t Veld est un économiste connu et respecté. « Il est le modélisateur en chef de la Commission européenne. Toutes les politiques économiques mises en œuvre par la Commission sont établies sur la base de ses travaux », rapporte à l’Humanité un de ses confrères.

Dans un document en anglais d’octobre 2013 à l’en-tête de la Commission de Bruxelles et portant sur « les consolidations budgétaires et ses retombées dans le noyau et la périphérie de la zone euro » (à télécharger ci-dessous), cet économiste a mesuré les effets sur les pays concernés des mesures d’austérité mises en place de façon coordonnée dans la zone euro, de 2011 à 2013, avec la bénédiction des commissaires de Bruxelles. Croissance, taux de chômage, investissement, consommation… : tout est passé au crible et « modélisé », pour isoler l’effet de l’austérité des autres facteurs économiques. Et le résultat est édifiant.

1,6 points de croissance perdus de 2011 à 2013

Selon ses calculs, l’austérité budgétaire aurait fait perdre, en cumulé, 4,78 % de croissance du produit intérieur brut (PIB) à la France de 2011 à 2013. Soit une moyenne de 1,6 point de croissance annuelle en moins. Elle n’est pas la seule touchée: l’Allemagne aurait perdu 3,9 points de croissance, l’Italie, 4,86, l’Espagne, 5,39, et la Grèce, jusqu’à 8,05 points. L’effet de l’austérité sur le taux de chômage est aussi saisissant : 1,9 point de plus depuis 2011 lui est imputable en France et en Espagne, 1,7 point en Allemagne, et jusqu’à 2,7 en Grèce.

Selon l’économiste, cela s’explique par « l’impact négatif des mesures propres à chaque pays » qui est aggravé par les « effets d’entraînement négatifs des mesures d’assainissement d’autres pays ». En clair : quand l’ensemble des pays de la zone euro appliquent en même temps les mêmes politiques restrictives, celles-ci interagissent entre elles et les États en subissent mutuellement les conséquences.

Pour Thomas Coutrot, économiste et coprésident d’Attac France, les chiffres de Jan In’t Veld «n’ont rien d’aberrant». «Ils se rapprochent de nos estimations», confirme Catherine Mathieu, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) rattaché à Sciences-Po. L’OFCE avait estimé à environ 7,5 points de PIB la perte cumulée de croissance imputable aux mesures d’austérité entre 2011 et 2013. «Ce qui est intéressant, poursuit Catherine Mathieu, c’est la réévaluation des multiplicateurs (l’impact estimé des politiques budgétaires sur la croissance – NDLR) par Jan In’t Veld. Pour lui, il y a bien un effet des politiques restrictives.»

Retour à l'équilibre en 2018 (Paul : mouarf !)

Mais les séquelles que laissent dans la durée ces mesures d’austérité sont encore plus frappantes. Jan In’t Veld a ainsi poursuivi l’évaluation des effets des politiques d’austérité appliquées entre 2011 et 2013 sur les années 2014-2018, en se plaçant dans le scénario (improbable) où les États ne décideraient plus de nouveaux tours de vis budgétaires par la suite. De cette étude, il ressort par exemple que la France, l’Espagne, le Portugal ou la Grèce ne combleront qu’en 2018 leur retard de croissance dû aux seules mesures d’austérité prises entre 2011 et 2013, l’Allemagne obtenant un résultat identique un an plus tôt, tout comme l’Irlande. Mais «ce retour à l’équilibre n’aura pas lieu, puisque les gouvernements de ces pays annoncent la poursuite des restrictions budgétaires » après 2013, avertit Catherine Mathieu.

Même si Jan In’t Veld prend soin d’indiquer que le document « ne reflète que l’opinion de son auteur et non pas celle de la Commission », il n’empêche : « On n’a pas vu de tels résultats produits par les cercles proches de la Commission depuis le début de la crise », assure Catherine Mathieu. « Je ne sais pas s’il s’agit d’une autocritique », explique de son côté Thomas Coutrot, la direction de la commission à laquelle est rattaché Jan In’t Veld – les Affaires économiques et financières (Ecfin) – étant « la plus orthodoxe » sur le plan du libéralisme. L’économiste d’Attac y voit davantage l’effet des « problèmes de légitimité politique posés aux gouvernements et à la Commission » dans la poursuite de l’austérité, qui font que « ça renâcle un peu », même si « l’agenda réel des défenseurs de ces politiques n’est pas de réduire les déficits mais d’accélérer le démantèlement des acquis sociaux » en Europe… Quitte, si c’est le prix à payer, à déprimer les économies des pays concernés.

La CGT veut un large débat. Le secrétaire général de la CGT souhaite que la réforme fiscale annoncée par Jean-Marc Ayrault soit élaborée dans le cadre 
d’une large « confrontation des idées » et non pas à l’issue 
de seules rencontres « bilatérales ». Thierry Lepaon met 
en garde contre « une opération qui viserait à faire passer 
les échéances électorales municipales et européennes ». « On 
veut des engagements maintenant », insiste-t-il, rappelant qu’il avait demandé, il y a six mois, « un débat national sur la création de richesse et sa répartition ».

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