Les anciens disaient de ceux du nord, qu’ils étaient affublés d’une seconde réflexion induite par l’âme. Ils en étaient regardés comme des hommes à deux têtes.
La seconde réflexion, c’est le remâchage mental scénique que nous nous faisons après coup, d’un évènement qui nous a interpellés ou susceptible de nous perturber. Alors que nos émotions sont contractées et que notre intellect est galvanisé, la scène est alors passée et repassée sous toutes les coutures dans notre tête, comme un replay sur bande image, lançant des tournures probables et des contres parades intellectuelles. Un remâchage qui ne cesse que lorsqu’une de ces tournures est jugée satisfaisante, ou qui ne s’achève qu’à bout de force, car même le sommeil s’en retrouve perturbé. Si cette blessure est trop grande et que les tentatives sont irréconciliables, si cet engin lancé à grande vitesse n’est pas arrêté d’une façon ou d’une autre, l’individu s’engage alors dans une dépression profonde aux yeux de son entourage.
C’est lorsque l’amour propre est blessé ou qu’il risque d’être mis en cause dans une situation difficile, que ce ruminage explose et accapare l’intellect. Il se manifeste plus clairement à ces moments, car nous lui prêtons l’oreille et lui avons fait de la place en nous isolant, mais il existe toujours. Vous ne l’avez pas réalisé, car vous l’avez entendu toute votre vie.
Cet effet de seconde réflexion n’existe pas ailleurs que dans le nord. Ça ne se produit pas ailleurs. C’est la raison pour laquelle vous revenez si détendu de vos voyages dans le sud. En interdisant à cette roue de tourner, cet engin s’est arrêté pour une ou deux semaines délaissant complètement les problèmes. C’est aussi la raison pour laquelle les compulsions comme le sexe, la drogue ou le jeu, capable d’enfermer cette mécanique infernale dans une pièce mentale barrée à double tour, deviennent des havres de paix.
L’intuition, l’ingéniosité, la projection, la passion, l’acharnement et la bienveillance sont là des aptitudes sous l’emprise de cette seconde voix dans la tête. Ces qualités, ces aptitudes sont au coeur de valeurs inestimables pour une collectivité.
L’isolement et le calme sont impératifs, sinon l’esprit est entraîné ailleurs. Certains endroits, dont les églises, les sanctuaires et les endroits élevés, sont plus appropriés à cette réflexion. L’aube est particulièrement importante, car il est l’envol de la journée. Tout ce qui sera placé dans cette boite à réflexion à partir de ce moment persistera toute la journée. Il faut être particulièrement méfiant des pensées négatives qui nous assaillent au lever. Ils mènent le tempo de la journée. Lorsqu’elles sont les mêmes, tous les jours, il y a là un signe d’inquiétude.
Quoi que vous fassiez, cette seconde réflexion existe toujours dès que vous pénétrez dans l’assiette du nord. À l’inverse des vacances dans le sud, il est possible de comprendre l’impact que possède une telle voix dans la tête de celui qui arrive du sud et qui ne l’a jamais entendue. L’effet n’est pas cinglant et viendra par vagues, mais sa personnalité ne sera plus jamais la même et peu arriveront à franchir cette ligne sans devoir se trouver un refuge mental capable de les protéger.
L’étouffer, comme le font les médications, ne règle pas le litige intérieur à l’origine de ce dysfonctionnement, ni plus que de l’étourdir comme le font les religions du sud par leur pratique assommante, visant justement à compenser cet effet manquant. Il faut au contraire travailler ça directement au corps et harnacher cet animal pour en faire un outil puissant, capable d’aider.
Quand vous êtes en mode de conversation intérieure avec ces personnages, ce singe-sur-votre-épaule vous apportera des indices supplémentaires permettant de mieux comprendre. Ces personnages occupent une place dans votre tête. Soit à gauche, soit à droite, généralement la direction dans laquelle vous tournez la tête pour leur parler et argumenter. Selon l’endroit occupé par ces personnages dans vos échanges, il est possible de cibler un rapport des relations et d’en tirer des raisonnements, dont certaines notions réapparaissent dans la neurolinguistique moderne.
En fait, si vous divisez votre champ visuel par une croix (+), vous constaterez au fil du temps que l’ensemble des personnages avec qui vous aurez de tels échanges se retrouvera naturellement à une extrémité ou l’autre des membres de cette croix. Les personnages admirés, ceux dont les qualités sont remarquables selon notre échelle de mesure, occuperont la partie supérieure de cette croix et c’est à cet endroit que nous nous adressons naturellement à ces gens. Par l’admiration portée au bouquet de qualité offert par ce personnage, comme celle qu’un petit porte à son père par exemple, il sera considéré comme un personnage de haute vertu, qui mérite à être écouté et qu’on aimerait entendre plus. À l’inverse, celui dont nous avons une mauvaise opinion par ses actions et qui sera considéré de vertu moindre occupera l’extrémité inférieure du champ de vision intérieure lors de ces conversations. Nous nous considérons nous-mêmes comme d’une morale supérieure à cet individu, au point de le mépriser.
De droite à gauche, vous placez ceux que vous considérez comme des égaux. À droite vous mettez ceux dont vous estimez la relation et avec qui vous avez des échanges bienveillants. À gauche, vous mettez ceux qui ne sont pas envisagés comme des amis. L’argumentation ne vise pas à convaincre et à rallier, mais à gagner, à boucher avec un succès rageur, rendre impossible toute poursuite des choses.
Un concept aussi important permettant d’être meilleur, permettant à la communauté d’être meilleure, aurait dû être communiqué à tous.
Réfugié sous un dogme, nous n’en comprenons plus le langage et les concepts sonnent faux dans notre modernisme ouvragé, mais c’est précisément ce que fait l’église. Elle nous instruit sur cette seconde réflexion, car cette seconde tête, c’est l’ange gardien de la religion chrétienne.
Le moment de calme quotidien ou le jour de calme hebdomadaire, l’isolement, la réflexion intérieure. La messe du dimanche était aussi la façon dont l’église accordait les diapasons de tous dans la communauté, en engageant une seconde réflexion similaire chez tous les membres, réflexion qui incidemment ne se manifestait véritablement, que chez ceux intéressés par le sujet. L’isolement rural aidant, les gens poursuivaient la semaine sur une même lancée de réflexions, qui venait se clore sur le parvis de l’église la semaine suivante. De semaine en semaine suivant les confessions et les tendances, le curé pouvait ainsi agir sur la morale de la communauté et désamorçait des travers en devenir, susceptible d’affecter le bien- être de la communauté. Aujourd’hui, cette conscience de collectivité est remplacée par cette grosse boite noire qui trône dans nos salons.
Une croix, car c’était là une des symboliques apportées par la crucifixion des deux larrons avec le Christ. Quand c’est à droite, c’est bon. À gauche pas bon, car il apparait que ceux que tu as placés à gauche ne reviennent pas à droite. Ce que tu honores, tu le places en haut et ce que tu places en bas ne te grandit pas.
Pierre de Châtillon Septembre 2013 www.incapabledesetaire.com
La seconde réflexion, c’est le remâchage mental scénique que nous nous faisons après coup, d’un évènement qui nous a interpellés ou susceptible de nous perturber. Alors que nos émotions sont contractées et que notre intellect est galvanisé, la scène est alors passée et repassée sous toutes les coutures dans notre tête, comme un replay sur bande image, lançant des tournures probables et des contres parades intellectuelles. Un remâchage qui ne cesse que lorsqu’une de ces tournures est jugée satisfaisante, ou qui ne s’achève qu’à bout de force, car même le sommeil s’en retrouve perturbé. Si cette blessure est trop grande et que les tentatives sont irréconciliables, si cet engin lancé à grande vitesse n’est pas arrêté d’une façon ou d’une autre, l’individu s’engage alors dans une dépression profonde aux yeux de son entourage.
C’est lorsque l’amour propre est blessé ou qu’il risque d’être mis en cause dans une situation difficile, que ce ruminage explose et accapare l’intellect. Il se manifeste plus clairement à ces moments, car nous lui prêtons l’oreille et lui avons fait de la place en nous isolant, mais il existe toujours. Vous ne l’avez pas réalisé, car vous l’avez entendu toute votre vie.
Cet effet de seconde réflexion n’existe pas ailleurs que dans le nord. Ça ne se produit pas ailleurs. C’est la raison pour laquelle vous revenez si détendu de vos voyages dans le sud. En interdisant à cette roue de tourner, cet engin s’est arrêté pour une ou deux semaines délaissant complètement les problèmes. C’est aussi la raison pour laquelle les compulsions comme le sexe, la drogue ou le jeu, capable d’enfermer cette mécanique infernale dans une pièce mentale barrée à double tour, deviennent des havres de paix.
L’intuition, l’ingéniosité, la projection, la passion, l’acharnement et la bienveillance sont là des aptitudes sous l’emprise de cette seconde voix dans la tête. Ces qualités, ces aptitudes sont au coeur de valeurs inestimables pour une collectivité.
L’isolement et le calme sont impératifs, sinon l’esprit est entraîné ailleurs. Certains endroits, dont les églises, les sanctuaires et les endroits élevés, sont plus appropriés à cette réflexion. L’aube est particulièrement importante, car il est l’envol de la journée. Tout ce qui sera placé dans cette boite à réflexion à partir de ce moment persistera toute la journée. Il faut être particulièrement méfiant des pensées négatives qui nous assaillent au lever. Ils mènent le tempo de la journée. Lorsqu’elles sont les mêmes, tous les jours, il y a là un signe d’inquiétude.
Quoi que vous fassiez, cette seconde réflexion existe toujours dès que vous pénétrez dans l’assiette du nord. À l’inverse des vacances dans le sud, il est possible de comprendre l’impact que possède une telle voix dans la tête de celui qui arrive du sud et qui ne l’a jamais entendue. L’effet n’est pas cinglant et viendra par vagues, mais sa personnalité ne sera plus jamais la même et peu arriveront à franchir cette ligne sans devoir se trouver un refuge mental capable de les protéger.
L’étouffer, comme le font les médications, ne règle pas le litige intérieur à l’origine de ce dysfonctionnement, ni plus que de l’étourdir comme le font les religions du sud par leur pratique assommante, visant justement à compenser cet effet manquant. Il faut au contraire travailler ça directement au corps et harnacher cet animal pour en faire un outil puissant, capable d’aider.
Quand vous êtes en mode de conversation intérieure avec ces personnages, ce singe-sur-votre-épaule vous apportera des indices supplémentaires permettant de mieux comprendre. Ces personnages occupent une place dans votre tête. Soit à gauche, soit à droite, généralement la direction dans laquelle vous tournez la tête pour leur parler et argumenter. Selon l’endroit occupé par ces personnages dans vos échanges, il est possible de cibler un rapport des relations et d’en tirer des raisonnements, dont certaines notions réapparaissent dans la neurolinguistique moderne.
En fait, si vous divisez votre champ visuel par une croix (+), vous constaterez au fil du temps que l’ensemble des personnages avec qui vous aurez de tels échanges se retrouvera naturellement à une extrémité ou l’autre des membres de cette croix. Les personnages admirés, ceux dont les qualités sont remarquables selon notre échelle de mesure, occuperont la partie supérieure de cette croix et c’est à cet endroit que nous nous adressons naturellement à ces gens. Par l’admiration portée au bouquet de qualité offert par ce personnage, comme celle qu’un petit porte à son père par exemple, il sera considéré comme un personnage de haute vertu, qui mérite à être écouté et qu’on aimerait entendre plus. À l’inverse, celui dont nous avons une mauvaise opinion par ses actions et qui sera considéré de vertu moindre occupera l’extrémité inférieure du champ de vision intérieure lors de ces conversations. Nous nous considérons nous-mêmes comme d’une morale supérieure à cet individu, au point de le mépriser.
De droite à gauche, vous placez ceux que vous considérez comme des égaux. À droite vous mettez ceux dont vous estimez la relation et avec qui vous avez des échanges bienveillants. À gauche, vous mettez ceux qui ne sont pas envisagés comme des amis. L’argumentation ne vise pas à convaincre et à rallier, mais à gagner, à boucher avec un succès rageur, rendre impossible toute poursuite des choses.
Un concept aussi important permettant d’être meilleur, permettant à la communauté d’être meilleure, aurait dû être communiqué à tous.
Réfugié sous un dogme, nous n’en comprenons plus le langage et les concepts sonnent faux dans notre modernisme ouvragé, mais c’est précisément ce que fait l’église. Elle nous instruit sur cette seconde réflexion, car cette seconde tête, c’est l’ange gardien de la religion chrétienne.
Le moment de calme quotidien ou le jour de calme hebdomadaire, l’isolement, la réflexion intérieure. La messe du dimanche était aussi la façon dont l’église accordait les diapasons de tous dans la communauté, en engageant une seconde réflexion similaire chez tous les membres, réflexion qui incidemment ne se manifestait véritablement, que chez ceux intéressés par le sujet. L’isolement rural aidant, les gens poursuivaient la semaine sur une même lancée de réflexions, qui venait se clore sur le parvis de l’église la semaine suivante. De semaine en semaine suivant les confessions et les tendances, le curé pouvait ainsi agir sur la morale de la communauté et désamorçait des travers en devenir, susceptible d’affecter le bien- être de la communauté. Aujourd’hui, cette conscience de collectivité est remplacée par cette grosse boite noire qui trône dans nos salons.
Une croix, car c’était là une des symboliques apportées par la crucifixion des deux larrons avec le Christ. Quand c’est à droite, c’est bon. À gauche pas bon, car il apparait que ceux que tu as placés à gauche ne reviennent pas à droite. Ce que tu honores, tu le places en haut et ce que tu places en bas ne te grandit pas.
Pierre de Châtillon Septembre 2013 www.incapabledesetaire.com
"le curé pouvait ainsi agir sur la morale de la communauté et désamorçait des travers en devenir, susceptible d’affecter le bien- être de la communauté."
RépondreSupprimerDu vrai et du faux dans cette phrase, selon la personnalité du curé en question : comme dans toute communauté, certains prêtres tendaient à apaiser les conflits, à jouer un peu un rôle des psy actuels. D'autres au contraire étaient de vrais délateurs et étaient capables de mettre au ban de la société toute personne qu'ils détestaient.
Ceci dit, même si je ne vais plus à la messe depuis des lustres, je pourrais dire que personnellement l'office du dimanche était un genre de contrainte bénéfique : tout laisser de ses activités journalières, qu'elles soient de l'ordre d'un travail ou d'un loisir, pour aller se rassembler en communauté et s'occuper un peu de notre vie spirituelle était à mon sens une chose qui ne pouvait faire que du bien.
... Sauf peut-être si l'on allait à la messe pour avoir le loisir de pouvoir critiquer le voisin... Mdr !
Un texte qui vaut pour moi la peine d'être lu et réfléchi... Merci, PDC.