L’idée d’un monde sans frontière et d’une humanité enfin unifiée n’est certes pas neuve. Ce qui est nouveau, en ce début de troisième millénaire, c’est que pour la première fois de leur histoire, les Occidentaux ont le sentiment que l’humanité toute entière s’est engagée résolument dans cette voie. La chute du mur de Berlin en 1989 et l’effondrement du bloc soviétique ont sans doute été des facteurs importants dans cette prise de conscience de l’unification du monde et de l’accélération du processus à la fin du XXe siècle. De fait, c’est bien dans les années qui en suivirent que ce que l’on a appelé la « mondialisation » est devenue l’objet d’un débat récurrent. Le triomphe de la démocratie sur le communisme semble avoir ouvert la porte d’une ère nouvelle, d’un « Nouvel Ordre Mondial », et paraît préparer l’ensemble des nations à une fusion planétaire devenue inéluctable.
Le monde bipolaire, qui avait caractérisé le court XXe siècle (1914-1991), laissait place provisoirement à un monde dominé par l’ « hyperpuissance » américaine, mais surtout, la démocratie paraissait s’imposer sur tous les continents et offrir à l’humanité la garantie d’un monde meilleur, au point que certains parlaient déjà de la « Fin de l’histoire » : la société de consommation et le commerce se substitueraient aux impérialismes et à l’esprit guerrier qui avaient jusqu’à présent marqué au fer rouge le destin de l’humanité. Dans un nouvel esprit de coopération, les nations se rapprocheraient et ne tarderaient pas à fusionner dans une r »publique mondiale, seule garante d’une paix universelle.
La « Fin de l’histoire » telle qu’on nous l’avait prédite en 1992 avec le triomphe de la démocratie, ne parait cependant plus à l’ordre du jour depuis la chute des deux tours, celles du World Trade Center, le 11 septembre 2001. Mais au lieu de stopper la marche en avant de l’idéal démocratique, il semblerait au contraire que le spectaculaire évènement ait précipité le cours de l’histoire. La machine s’est emballée, et les démocraties occidentales profitent du traumatisme pour étendre leur influence et accomplir leurs volontés avec une vigueur renouvelée. Les Etats-Unis s’imposent dans le monde par leur diplomatie, leurs forces armées, leurs incessantes manœuvres occultes qui aboutissent invariablement à des « grandes révolutions démocratiques » dans les pays pauvres, avec des T-shirts colorés pour la foule et triomphe médiatique mondial pour l’heureux élu, tandis que les nations européennes se dissolvent dans un grand ensemble de plus en plus multiethnique, aux contours imprécis, préfigurant sans tarder ce que doit être le monde de demain : sans races et sans frontières.
Les Occidentaux qui font pression sur l’ensemble des pays en faveur de l’adoption du régime démocratique, n’insistent pas moins sur la nécessité absolue du respect des minorités et l’accueil des réfugiés, à tel point que la démocratie ne peut plus se concevoir que comme ensemble « multiculturel, multiethnique, multiracial ». La fusion programmée des nations du monde, on l’a compris, passe par l’instauration de sociétés « plurielles », dans le cadre de la démocratie parlementaire. Les deux concepts sont aujourd’hui indissociables. Tel semble être le plan de montage de ces projets grandioses de mondialisation qui, une fois encore, naissent de la pensée et de la volonté occidentales.
Déjà, le monde d’hier, ce monde que l’on appelait « bipolaire » était surtout une vision de l’Occident. De nombreux pays d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique du Sud avaient certes été secoués par nos luttes idéologiques et avaient dû choisir leur camp entre Moscou et Washington, mais l’immense majorité de ces populations avaient conservé leurs modes de vie ancestraux et avaient vécu tout au long du siècle à la manière traditionnelle, sans avoir à choisir entre le système marxiste et l’économie de marché. Après la Seconde Guerre mondiale, on eu coutume de regrouper ces pays sous le terme générique de « tiers-monde », dans le sens de « troisième monde (1) ». Et ce troisième monde, précisément, n’était guère concerné par les querelles idéologiques générées par la pensée occidentale. Gardons-nous donc de pécher par occidentalo-centrisme.
Le concept de « mondialisation » est-il plus justifié aujourd’hui ? L’expression recouvre d’abord un phénomène économique. Il est certain que la multiplication des échanges internationaux, le développement d’un capitalisme mondial, les délocalisations d’entreprises et l’apparition des nouvelles technologies de la communication ont rapproché les économies du monde entier et accentué leur interdépendance. C’est dans cette acceptation économique que l’on peut à bon droit parler de « mondialisation ». Celle-ci semble être la continuation d’un long processus qui a commencé au XVIe siècle, avec la découverte des nouveaux continents, et qui s’est poursuivi avec l’occidentalisation du monde au XIXe par le biais de la colonisation de l’Afrique et de l’Asie, mais aussi par le peuplement de l’Amérique du Nord et de l’Océanie. La mondialisation des idées (Darwin, le socialisme, le libéralisme) avait parachevé l’hégémonie de l’Europe d’avant 1914 sur le monde entier, hégémonie qu’elle a largement perdue à l’issue de deux guerres qui s’étaient elles aussi mondialisées.
Il ne faudrait pas croire cependant que l’évolution des économies du monde vers une plus grande unité soit un processus régulier, continu et forcément inéluctable. Les économistes s’accordent à penser que le monde n’est pas plus ouvert aujourd’hui qu’il ne l’était à la veille de la Première Guerre mondiale. En 1991, le niveau relatif d’exportation de capitaux était plus faible qu’en 1915 (2). Quant aux multinationales, elles restent largement déterminées par leur ancrage national. Les firmes globales peuvent se compter sur les doigts d’une main. Pour Georges Soros – le fameux spéculateur international – l’émergence du capitalisme mondial s’est véritablement produite au cours des années 1970. En 1973, les pays producteurs de pétrole, regroupés au sein de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), augmentaient pour la première fois le prix du baril. « Ces pays ont connu soudain de gros excédents, alors que les pays importateurs ont dû financer d’importants déficits. Il revint aux banques commerciales de recycler les fonds. Les eurodollars furent inventés, et d’importants marchés off-shore se sont développés (3). »
Le sentiment diffus de la mondialisation est encore beaucoup plus récent. Ce n’est que depuis le milieu des années 1990 que les Européens éprouvent confusément le sentiment que le monde entier est entré dans une phase accélérée d’unification mondiale. Les nombreuses délocalisations d’entreprises dans les pays à main d’œuvre bon marché et les pertes d’emploi ainsi occasionnées alimentent régulièrement le débat sur ce sujet. On peut ajouter à cela que la popularisation des voyages en avion, le développement du tourisme et des flux migratoires ont renforcé l’idée que le monde est devenu un « village global ». Mais à la vérité, il ne s’agit ici plus que d’une image, car si le paysan d’antan traversait son village en charrette deux ou trois fois par jour, on admettra que seule une infime minorité des êtres humains sur cette terre aujourd’hui fréquente assidûment les aéroports internationaux. L’immense majorité de l’humanité reste encore enracinée à son aire civilisatrice, voire même à son propre village de naissance. Les possibilités que vous a offert la technologie internet ne vous ont pas donné pour autant de nouveaux amis à l’autre bout du monde. Le « village global » en question, loin d’être une réalité, est une perspective, une utopie mobilisatrice, et c’est précisément cette dimension idéologique qui caractérise le monde occidental d’aujourd’hui.
La mondialisation économique, dont on parle tant depuis une dizaine d’années n’est pas le facteur primordial de cette conscience planétaire à l’ébauche. La « globalization », comme disent les anglophones, n’est pas seulement pour nous un phénomène économique dont nous prenons acte, mais une aspiration sourde à fondre les peuples de la terre dans un creuset unique, à supprimer les frontières et à instaurer le gouvernement mondial. Toute notre philosophie nous conduit dans cette voie : les libéraux réclament la libéralisation du commerce en même temps que l’adoption par tous les peuples du monde du système démocratique et de la « société ouverte », tandis que leurs « opposants » dits « altermondialistes » militent pour l’ouverture des frontières à tous les migrants et pour donner toujours d’avantage de pouvoirs aux instances internationales, supposées seules capables de régler les grands problèmes mondiaux, tels que la gestion des enjeux écologiques, « l’échange inégal » entre le « Nord » et le « Sud », et la faim dans le monde. C’est dans cette perspective planétarienne que nous voyons s’édifier sous nos yeux depuis peu cette société plurielle, multiethnique, multiculturelle, qui est l’étape obligée pour parvenir à la grande fraternité universelle désirée par les idéologues occidentaux. Celle-ci permet seule de dissoudre peu à peu les sociétés traditionnelles enracinées, qui sont les principaux obstacles à ces projets. Par le jeu démocratique de la loi du nombre, elle empêche toute réaction nationaliste dans la mesure où le poids des différentes minorités devient plus important que celui de l’ancienne majorité. En favorisant les métissages, elle sape les bases ethniques des peuples autochtones et supprime leurs réflexes identitaires. D’un autre coté, l’immigration – légale ou illégale – présente l’inestimable avantage pour les entrepreneurs de constituer un inépuisable réservoir de main d’œuvre bon marché. La société plurielle, on le voit, est dans ce domaine incomparablement plus efficace que la société soviétique, qui a montré ses limites après une expérience de plus de soixante-dix années, alors même que ses principes philosophiques étaient au départ les mêmes que ceux qui sous-tendent aujourd’hui la société libérale dans le domaine du respect de la personne humaine et de la fraternité planétaire.
L’édification des sociétés plurielles en Europe est incontestablement le phénomène majeur de la fin du XXe siècle, pour ne pas dire de toute l’histoire européenne depuis 3000 ans. Le fait que les peuples d’Occident soient les seuls à s’être avancés dans cette voie est tout à fait symptomatique du cheminement de l’idée planétarienne dans les esprits au cours de ces dernières décennies. Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui dans les grandes villes françaises n’est plus le même qu’il y a vingt ans : la société multiethnique prend corps sous nos yeux et d’une manière stupéfiante, sans lien véritable avec les mutations économiques récentes. Le Japon, par exemple, dont l’économie est tout autant mondialisée que la nôtre, n’est guère aspiré par ce maelström idéologique. C’est parce que ce n’est pas un phénomène naturel, mais la réalisation d’un objectif politique très caractéristique de la pensée occidentale. [...]
Extrait de l’introduction des "Espérances planétariennes", par Hervé Ryssen (2005).
(1) L’expression changea de sens et désigna par la suite les pays pauvres, qu’il était d’usage à ce moment-là d’appeler également « pays sous-développés ». Dans les années 90, on préféra le terme plus « politiquement correct » de « pays en voie de développement », puis de « pays du Sud ».
(2) Elie Cohen, « Mondialisation et souveraineté, Le Débat » novembre-décembre 1997, pp. 24-27.
(3) Se dit d’un marché financier se développant hors de son pays d’origine. George Soros, « La Crise du capitalisme mondial », Plon, 1998.
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Ryssen c'est très bien voire remarquable mais il oublie l'essentiel, à savoir la dimension eschatologique et prédestinée des évenements, (d'ailleurs qu'il ne croit pas?!).
RépondreSupprimerLe détail c'est bien mais sans une compréhension globale, c'est inutile.
Avant de construire, il faut détruire.
E t toi tu gobes cette juiverie que'est le christianisme ? Les juifs sont forts en occulte mais L'antéchrist ne peut pas exister car le Christ 'n'a jamais existé.
SupprimerLa création du christianisme dépasse et de loin l'intervention des juifs dans l'affaire ! Il faudrait monter la réflexion d'un bon cran, pour voir l'étendu du paysage...
SupprimerMême si le sionisme est une des plaie de notre monde occidental, il y a au-dessus de la mêlée une bande de déviants qui tirent les ficelles, et qui en ont vraiment rien à battre de tout ça.
@Brebis Gall
Supprimermoi je gobe rien du tout!
@Brebis Gall
SupprimerLe Christ est un Principe avant d'etre un individu.
Il a existé, il existe et existera toujours.
Chacun sa vision du monde et ses croyances...
SupprimerMais l'homme à toujours eu besoin de mettre des mots sur les choses, même celles qui le dépasse.
Ce "Principe" est inconnaissable à l'homme, dans son état présent du moins.
commence pas, toi!....
SupprimerT'es qui petit ?
SupprimerNairobi: les feujs font tiépi avec leur canular à 2 balles pour mongos gogos....
RépondreSupprimerMERDE! QUAND MEME!
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