22 septembre 2013

Assimilation forcée, l'histoire se répète...

Par les dispositions annoncées dans la Proclamation royale, le roi souhaitait assimiler les Canadiens aux Anglais. Parmi les instructions qu'il envoyait au gouverneur, il voulait atteindre son but par quatre principaux moyens : favoriser l'immigration anglaise massive, implanter une nouvelle religion d'État (l'anglicanisme), imposer les cantons comme mode de distribution des terres pour mettre fin au régime seigneurial et mettre en place des écoles anglophones de manière à éduquer tous les enfants en anglais.

Pour convaincre les Canadiens d'adopter plus rapidement la langue, la religion et la culture anglaises, il empêchait les Canadiens d'accéder aux postes importants de la colonie. Le seul moyen possible pour les Canadiens d'obtenir l'un de ces postes était de passer le Serment du Test. Par ce serment, les Canadiens devaient prouver qu'ils avaient adopté la religion anglicane et qu'ils reniaient la religion catholique et le pouvoir du pape.

La Proclamation royale

En 1763, avec la signature du traité de Paris, la Grande-Bretagne prenait officiellement possession de la Nouvelle-France. De manière à organiser la vie politique et économique de son nouveau territoire, les dirigeants ont rédigé la Proclamation royale afin de fixer les modalités administratives de l'Amérique du Nord. Entre 1760 et 1763, les conquérants avaient mis en place un régime militaire sur l'ancienne colonie française. La Proclamation royale proposait une première constitution pour l'Amérique britannique. Les termes de cette constitution signée le 7 octobre 1763 concernent la vie politique, l'organisation territoriale, les ententes avec les nations autochtones et le fonctionnement de la nouvelle Province of Quebec.

Par l'importance accordée aux nations amérindiennes, la Proclamation royale est également surnommée la grande charte amérindienne ou la Charte des droits des autochtones. Après les révoltes amérindiennes sous Pontiac, les autorités britanniques craignaient un nouveau soulèvement et voulaient mettre en place un régime qui ferait disparaître tout le mécontentement des Amérindiens. Rappelons que le traité de Paris faisait de l'Angleterre une puissance coloniale très forte, qui contrôlait la majorité de l'Amérique du Nord. Avec la Proclamation royale, ce territoire est divisé en plusieurs régions : le territoire des Treize colonies (inchangé), la Province of Quebec (bande de terre habitée le long du Saint-Laurent), un territoire réservé à la traite des fourrures et à la Compagnie de la Baie d'Hudson et un nouveau territoire indien.

Ce dernier visait à satisfaire les Amérindiens pour éviter de nouvelles rébellions comme celle de Pontiac. De plus, ce vaste territoire aurait été difficile à occuper et à défendre contre les Amérindiens, le roi a jugé bon de laisser les Amérindiens y vivre et y chasser. Toutefois, le roi ne voulait pas que les colons britanniques achètent et colonisent les terres des autochtones. C'est pourquoi il a instauré une procédure complexe par rapport à l'achat de terres sur la zone réservée aux Amérindiens. Ainsi, le texte de la Proclamation royale stipule que les autochtones sont sous la protection du roi. De cette manière, le roi calmait la colère des Amérindiens, mais il attisait celles des colons des Treize colonies qui souhaitaient étendre leur territoire vers l'ouest. Cette colère des colons américains a été l'un des facteurs de la révolution américaine.

Carte du territoire après la Proclamation royale
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Limiter le territoire disponible pour les Britanniques cachait une autre intention : noyer la population canadienne francophone dans un bassin d'immigrants anglophones. Ainsi, les Canadiens seraient plus faciles à gérer et à assimiler. C'est pourquoi la Proclamation royale visait à inciter une immigration massive dans la Province of Quebec.
Mouvements migratoires sur le territoire

Dans les accords du traité de Paris, les Français avaient obtenu le droit pour les Canadiens et les Français qui le désiraient de quitter le territoire pour retourner en France. Quelques centaines de Français quittaient le Canada pour retourner en France.

Simultanément, les autorités britanniques encourageaient la population anglaise à immigrer en Amérique. Plusieurs colons anglais sont effectivement arrivés en Amérique, mais ont préféré s'installer dans les régions déjà colonisées par l'Angleterre. L'immigration anglophone massive visant à assimiler les francophones n'est pas arrivée et les Canadiens francophones représentaient encore 95% de la population. Les colons n'arrivaient pas au rythme que le roi avait souhaité et les Canadiens avaient un taux de natalité très élevé. Malgré tout, les Britanniques ont rapidement pris le contrôle commercial, administratif et politique.

Nouvelle occupation du territoire : les cantons (townships)

L'un des points de la Proclamation royale concernait le mode de distribution des terres. Le régime seigneurial, sans être aboli, n'était pas officiellement reconnu. Les gouverneurs recevaient donc le mandat de diviser les terres selon le fonctionnement britannique, c'est-à-dire en cantons (townships). Les cantons sont de vastes terres carrées divisées en rangs et en lots. Chaque colon pouvait recevoir un lot où il habitait et travaillait sur la terre. Dès 1763, le gouverneur James Murray a reçu l'ordre d'organiser le territoire en cantons au lieu de le diviser en seigneuries. Le premier canton fut établi en 1769, le canton de Dunham en Estrie. Au fur et à mesure que la colonisation progressait, l'implantation des townships se faisait aussi. Pour les Britanniques, ce mode de distribution des terres est plus simple que la seigneurie puisque les terres concédées n'impliquent pas autant de redevances et de devoirs.


Carte des seigneuries et des cantons au Québec après l'arrivée des Britanniques

Activités économiques : la traite des fourrures contrôlée par les Anglais

Durant la guerre de la Conquête (guerre de Sept Ans), les Canadiens et les Français avaient délaissé les postes de traite pour défendre le territoire. Lorsque les Britanniques prennent possession de la colonie, le commerce des fourrures a décliné. Les marchands anglais doivent remettre les postes en marche et recommencer le commerce. Les commerçants canadiens ont perdu leur place et le contrôle de la traite est maintenant aux mains des Anglais. Le commerce s'effectue dès lors en anglais. Toute l'organisation commerciale a pour but de favoriser les Anglais. Les marchands canadiens qui ont perdu leur commerce doivent retourner vivre sur les terres.

Les marchands anglais profitent de leur pouvoir pour exiger des changements administratifs qui les avantageraient encore plus. Ils s'opposent à ce que des catholiques prennent des postes administratifs et exigent l'application des lois britanniques. Ces deux demandes leur seront accordées. Habitués à la démocratie de la monarchie parlementaire, les commerçants britanniques exigent aussi la formation d'une Chambre d'assemblée.

Peu à peu, les marchands anglais prirent le contrôle du commerce des fourrures. On les surnommait les Montrealers. Parmi ceux-ci se trouvaient les colons anglais, mais aussi quelques Canadiens protestants (issus des huguenots) et des Canadiens qui avaient renié leur foi catholique. L'anglais s'installe dans les villes comme la langue du commerce et de l'administration. Les francophones éduqués apprennent l'anglais.

Organisation sociale sous le régime britannique

Le fonctionnement de la colonie a rapidement changé pour les Canadiens. D'abord, le régime seigneurial n'était pas reconnu. Ensuite, la Proclamation royale annulait le statut privilégié de l'Église catholique et mettait fin au droit civil français. D'ailleurs, dès 1764, le gouvernement britannique en place renie l'autorité du pape et de la religion catholique. Tous les Canadiens pratiquant cette religion sont donc exclus des postes politiques et administratifs. Dès les débuts de la Proclamation royale, les Canadiens n'ont plus de pouvoir (commercial, administratif ou politique).

Comme l'autorité du pape n'était plus reconnue, la Province of Quebec ne pouvait plus avoir d'évêque. Le clergé catholique ne pouvait plus recruter de nouveaux membres. Cette situation a mis en péril l'éducation et les hôpitaux. Le clergé appelle tout de même à la soumission au nouveau régime en garantissant la liberté de langue et de religion.

Administration interne de la colonie

Comme la colonie appartient à la Grande-Bretagne, elle est officiellement dirigée par le roi. Ce dernier mandate le gouverneur général de diriger la colonie. Chaque région a son gouverneur: Québec, les deux territoires de la Floride et la Georgie. Le premier gouverneur de la Province of Quebec est James Murray. Nommé en 1763, il est en fonction jusqu'en 1768. Le gouverneur reçoit des instructions du roi, mais peut appliquer ces instructions de la manière dont il le souhaite. Murray profite donc d'une relative liberté pour gérer la colonie en s'adaptant aux circonstances. Les gouverneurs en place ont le droit d'édicter les lois, à condition qu'elles respectent les lois d'Angleterre et qu'elles servent à la paix publique.

James Murray

Malgré les instructions qu'il reçoit, James Murray fera plusieurs concessions aux Canadiens. Compte tenu de la faible proportion des Anglais dans la société, il a jugé bon de tenir compte des Canadiens dans ses décisions. Par exemple, le roi lui avait demandé de créer une cour supérieure pour juger selon les lois anglaises. Il a créé cette cour supérieure, mais a également créé une cour inférieure pour les Canadiens, où les lois françaises étaient mises en application.

Pour les mêmes raisons, il ne forme pas de Chambre d'assemblée. Selon lui, les Anglais ne sont pas assez nombreux sur le territoire. Par contre, il forme un conseil consultatif. Ce dernier ne peut pas prendre de décisions, mais influence celles du gouverneur.

Rapidement, Murray adapte les instructions à la situation. Il se rend compte qu'il en a besoin pour que la situation se maintienne. Plusieurs facteurs favorisent sa tolérance : la forte proportion de Canadiens dans la population, la forte natalité des francophones, l'insatisfaction de la population lors des procès (la population ne comprend pas la langue des juges et des avocats tandis que le jury ne comprend pas la langue des plaidoyers). De plus, tous les coureurs des bois francophones vivent loin des centres urbains, ils ne subissent pas autant l'influence de l'anglais et sont moins touchés par les énoncés de la Proclamation royale. Par ailleurs, la colère des colons des Treize colonies ne cessait d'augmenter, ils souhaitaient étendre leur territoire vers l'ouest.

Hiérarchie dans la Province of Quebec

Pour administrer la colonie et favoriser son fonctionnement, Murray laisse alors la hiérarchie catholique en fonction (il permet d'ailleurs la nomination d'un évêque), il dispense des Canadiens du Serment du Test pour leur permettre de travailler et il autorise la tenue de cour de justice telles qu'elles étaient avant la Conquête.

Le deuxième gouverneur, Guy Carleton, est entré en fonction en 1768. Il a également poursuivi le travail de James Murray en adoptant des politiques conciliantes. Il nomme d'ailleurs des Canadiens au conseil. Carleton était gouverneur de la Province of Quebec lorsque l'Acte de Québec fut adopté.

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1 commentaire:

  1. Merci Paul pour le rafraîchissement historique. Nous n'avons pas fini de nous battre ici au Québec pour garder notre culture et notre langue.

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