Avec une prévisibilité sans faille, la presse française relaie actuellement dans les kiosques et sur l’Internet le « carton » opéré au box office par Django Unchained, dernier film de Quentin Tarantino.
À en croire ces rapporteurs professionnels d’ « événements » souvent
plus proches du fantasme que de la réalité, la France se presserait « en masse » dans les salles de cinéma pour admirer une production culturo-commerciale déjà érigée par certains au rang de « chef d’œuvre ». Et de fait, le film s’oriente à ce jour vers un énorme succès au box-office.
Pourtant, une fois de plus, il y a fort à parier que ce qui préoccupe
tant les « journalistes » indiffère voire révulse un grand nombre de
Français. La France, ou tout du moins son petit peuple silencieux, ne
verra pas le dernier Tarantino.
Overdose d’Amérique
Rappelons pour commencer une évidence : il s’agit d’un film américain
de plus. Or contrairement à ce que l’on pourrait penser, une grande
proportion de Français, si elle bouffe de la culture anglo-saxonne toute
la journée, ne souhaite pas pour autant qu’on la gave davantage. Ils
sont nombreux, ces habitants de la province française de l’empire qui,
même s’ils n’ont pas de conscience politique claire, résistent par
certains goûts culturels à l’américanisation de leur quotidien.
Aux hyper-urbains qui en doutent, nous conseillons d’aller faire un
tour en province, dans les villes moyennes et les campagnes, où seule
une faible minorité de Français, bourgeoise ou non, essaie par tous les
moyens de ressembler aux Américains et de s’abreuver de leur culture, ce
qui se fait souvent d’ailleurs, outre le cinéma, par l’intermédiaire
des goûts musicaux et styles vestimentaires des ghettos, qu’ils soient
riches (par exemple, les yuppies de Manhattan ou les hipsters de San Francisco) ou pauvres (le style gangsta
des banlieues ethniques). Concernant Tarantino, ces deux populations
(le milieu bourgeois underground et branché et les ghettos où domine le
culte de la violence) sont deux composantes assurées de son public, en
France comme probablement ailleurs. Deux populations qui sont à la fois
les plus américanisées dans les mentalités et les plus hostiles à la
France dite « profonde », celle qui souhaite rester enracinée un minimum
à son territoire et à son histoire et rejette en partie l’hégémonie
culturelle anglo-saxonne en Occident.
Outre ses aspects linguistique et culturel, Django Unchained
déplaira également à une certaine partie de la France par sa
thématique historique : le film raconte un épisode de l’histoire des
États-Unis. Une fois de plus. Beaucoup de Français vont finir par en
savoir davantage sur l’histoire américaine que sur la leur ; et beaucoup
de ces Français, s’ils ne le formulent pas toujours clairement,
aspirent à se retrouver un peu eux-mêmes dans les productions
culturelles. En témoigne, par exemple, l’engouement récent d’un certain
nombre d’entre eux pour l’histoire de France vue par Lorànt Deutsch dans
son livre Métronome. Une histoire qu’on ne leur raconte plus de
cette manière, certainement pas à l’école et encore moins au cinéma, où
elle prend au contraire désormais la forme d’un roman antinational
sombre et accusatoire.
Dans le même esprit, rappelons cette autre évidence aux
libéraux-libertaires qui constituent 99 % du public de Tarantino : ses
films sont des produits commerciaux, et la France n’aime pas ça. En
raison de sa consubstantialité au catholicisme,
cette nation contient, au fond d’elle-même, une certaine hostilité au
règne du commerce. Les marchands n’y sont pas toujours les bienvenus,
encore moins ceux qui font profession de faire de l’argent en propageant
des valeurs inversées. Mais nous reviendrons sur cette question morale.
Bref, contrairement à ce que la presse mainstream et la
bourgeoisie bohème des grandes villes – mais aussi la petite délinquance
dealeuse de shit des banlieues – souhaitent de tout leur cœur, la
France n’est pas un paradis libéral-libertaire anglo-saxon, et les films
de Tarantino, qui incarnent à la perfection cette combinaison,
déplaisent bien plus à la majorité des Français que les haut-parleurs
officiels ne le disent.
Orgasme médiatique
Dans ses comptes-rendus sur Django Unchained, la presse
française a montré, s’il en était besoin, combien la « critique » de
cinéma se résume aujourd’hui à une séance de masturbation collective
sous l’égide de la pensée unique. Tous les journalistes ont applaudi le
« courage » de Tarantino de dénoncer l’un des épisodes « les plus sombres » de l’histoire américaine, tout comme ils avaient joui ensemble en constatant qu’Inglourious Basterds cassait du nazi. C’est « jubilatoire »,
disent-ils. Et tout comme les nazis furent dépeints sous les traits
d’ignobles tortionnaires sadiques et fous, donc déshumanisés à
l’extrême, gageons (mais nous n’irons pas vérifier), que les
esclavagistes de Django Unchained apparaîtront au spectateur
comme appartenant à une espèce non-humaine, celle des monstres, ou des
diables. Dans la même veine, l’imminent Lincoln de Spielberg leur réservera probablement le même sort.
Aucun d’entre nos « journalistes », si prompts à dénoncer les heures
les plus sombres de l’histoire, ne s’indignera en revanche que dans Django Unchained,
comme souvent chez Tarantino, les personnages « gentils » (c’est une
façon de parler) placent la vengeance au-dessus de toutes les autres
considérations morales, se livrant ainsi à un massacre très « Ancien
Testament » contre leurs adversaires. La bourgeoisie journalistique n’a
plus de morale depuis longtemps ; elle est donc incapable de comprendre
que les valeurs qu’elle applaudit sont radicalement incompatibles avec
celles que la culture française a portées pendant quinze siècles, et
qu’une majorité de Français essaie tant bien que mal d’incarner encore.
La culture catholique rejette la vengeance, et le « ni pardon, ni
oubli » n’est pas son rayon. La presse semble au contraire y trouver ses
orgasmes :
« En puisant dans les codes bis des revenge movies de tous poils (américains, italiens, chinois), ce fantasme de toute-puissance fleurit sur la célébration d’une jouissance pure, une catharsis rudimentaire et libérée de toute contrainte. Son horizon, fatalement, ne peut être que celui d’un incendie : comme Inglourious Basterds, Django Unchained se conclut sur un brasier, un grand feu de joie où l’Histoire et le cinéma se consument ensemble »
Source : Chronic’art.
En guise de « revenge movie » et pour compléter ses
références, nous conseillons à l’auteur de cette éjaculation à peine
contenue la lecture d’ouvrages plus classiques, où il trouvera à n’en
pas douter de nouvelles sources de plaisir dans les massacres sanglants
et l’inversion de toutes les valeurs par une communauté vengeresse : le
Deutéronome, le Lévitique, les Nombres.
Le fait que la presse française soit quasiment unanime sur la qualité de Django Unchained
doit nous inquiéter sur le contenu moral du film ; il est aussi un bon
indicateur de l’adéquation totale de celui-ci avec les intérêts de
l’empire. Car la presse mainstream n’est plus que cela : le
haut-parleur de la domination politique. Ainsi, pour savoir qui domine
aujourd’hui, il suffit de lire entre les lignes médiatiques. Si la
presse applaudit au massacre des nazis et des esclavagistes, se demander
notamment à quelle communauté ethno-confessionnelle ces deux épisodes
extrêmement violents de l’histoire sont reliés, et pourquoi elle occupe
tout l’écran lorsqu’elle est en position de victime (Inglourious Basterds) tandis qu’elle disparaît mystérieusement dès lors qu’elle fait partie des bourreaux. Tarantino évoque-t-il dans Django Unchained
l’implication commerciale et logistique des juifs dans la traite
négrière ? Ou se contente-t-il d’enfoncer avec son collègue Spielberg
une porte idéologique grande ouverte en dénonçant les propriétaires
d’esclaves, dernier maillon – blanc et chrétien – de la chaîne ? Nous
laissons aux Français courageux et masochistes le soin d’aller le
vérifier au cinéma.
Nouveau concept : la violence comme progrès
Quant à l’hyper-violence contenue dans le film, dont nous
n’évoquerons absolument aucun détail, c’est avec une grande tristesse
que nous constatons l’excitation qu’elle produit chez certains
journalistes, mais aussi certainement sur une partie de ce public
s’étant précipité dans les salles pour admirer « l’œuvre ».
Surtout, il apparaît assez évident que la contemplation de la violence
est en réalité la manifestation d’un désir de transgression qui,
puisque la subversion politique est empêchée par tous les moyens dans la
société française, s’incarne finalement dans un goût pour le « toujours
plus loin » psychologique et moral aboutissant nécessairement au
visionnage de comportements ignobles. Nos « critiques de cinéma » sont
là bien sûr pour nous ressortir le prétexte de la « catharsis »
grecque qu’ils ont, comme nous, entendue évoquer à l’école et dont ils
subodorent vaguement le sens. Ils oublient bien souvent de préciser que
cette extériorisation par procuration de la violence ne peut contenir de
vertu « cathartique » que lorsque le déchaînement de massacres,
tortures et autres est désigné comme valeur inférieure et non pas
supérieure. La représentation d’une vengeance souveraine, sadique et
finalement victorieuse ne soude pas une société : elle la détruit.
Se féliciter de l’inversion des valeurs à l’écran en prétendant
qu’elle soulage le quidam de ses penchants pour la violence est d’une
bêtise et d’une hypocrisie que seul le journalisme professionnel peut
atteindre. Mais il y a plus fort encore. Cette inversion serait en effet
un progrès :
« L’auteur est toujours au sommet et les attaques navrantes qui condamnent la violence outrée de “Django Unchained” ont visiblement 30 ans de retard : il n’y a rien de ludique ou de gratuit ici, le film atteignant même un degré de morbidité et de malaise tout à fait inédit dans l’œuvre du cinéaste. »
Source : Nouvel Observateur.
Merci au Nouvel Observateur pour cet éclairage inattendu des liens entre progressisme et morbidité.
Fracture morale
Au final, le cinéma de Tarantino est devenu une belle saloperie, et
il ne doit étonner personne que la presse communie avec lui dans son
apologie de la vengeance. Loin d’idéaliser la conscience morale de la
population française, il est possible d’espérer tout de même que le
fonds historique et culturel qui sommeille en elle pousse certains à
déserter les salles de cinéma. Et ainsi, Django Unchained aura au
moins contribué à jeter encore un peu plus de lumière sur l’antagonisme
radical qui oppose les valeurs de nos élites actuelles à l’histoire
bien comprise de notre pays.
Oulaaaaa....c'est peut etre juste un western spaghetti version Tarantino 2013....avec un esclave qui se rebiffe et gagne sa liberté à coup de bastos?...ni plus ni moins?...peut etre qu'à force de lire entre les lignes on en oublie le contenu...il est aidé par un Allemend et il n'y a pas une scène d'applaudissements à l'américaine....mon avis sur le film, pour ceux qui aime Tarantino et veule voir un film originale de par sa réalisation et bien qu'il ne le rate surtout pas....avis d'un Algérien d'Algérie qui a vu le film en version piraté et donc avant tout ce tintamarre....histoire de prouver mon non-andoctrinement.....Fadel.
RépondreSupprimerJe suis une fan finie des Western. Et franchement, je ne m'attendais pas a ce que Django soit un film aussi bien que le décrit Anonyme. L'histoire n'est pas a la sauce américaine. Un film original, bien fait. J'ai aimé.
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