Nina Kassianou a fait ses comptes. L'Etat lui doit plus de 50.000
euros depuis sept mois. "Et encore, dit-elle, moi, j'ai une petite
pharmacie. A certains de mes collègues il doit 150.000 voire 200.000
euros. "Autrefois, l'Etat était censé rembourser dans le mois les
avances que les pharmaciens consentaient aux assurés sociaux. "A partir
de 2009, il a fallu attendre deux, trois, puis quatre mois. Aujourd'hui,
dit Nina, Eopyy (l'équivalent de notre sécurité sociale, NDLR) me doit sept mois d'arriérés."
La faillite de l'Etat grec pèse lourd sur le système de santé, le
fonctionnement de certains hôpitaux et l'approvisionnement en
médicaments. Particulièrement ceux qui sont les plus coûteux comme les
traitements pour les cancers, le diabète ou la sclérose en plaques. A
Athènes, on ne les trouve plus que dans une poignée de pharmacies
d'Etat, gérées par Eopyy, et à condition de les avoir commandés trois
jours avant.
Pas de problèmes pour les riches
Les autres pharmacies ont cessé de les distribuer ou bien exigent
désormais le paiement immédiat de leurs clients. Pas de problèmes pour
les riches. Pour les autres, c'est devenu une tragédie, et "certains ont
même été obligés d'interrompre leur chimio", reconnaît George Samati,
vice-président de l'Association des Malades atteints du Cancer. Celle-ci
a dû ouvrir deux hot lines en urgence pour informer les malades des
lieux où ils peuvent se procurer leur traitement. Et une fois sur place,
il faut prendre son mal en patience. Il est 10 heures, ce matin-là, une
longue file s'étire devant la pharmacie Eopyy, près de la place
d'Omonia. Il y a presque autant de gens à l'intérieur, assis en rang
d'oignons, devant le comptoir.
Longtemps les pharmaciens ont été considérés comme des privilégiés.
Mais aujourd'hui, dit Nina Kassianou, "nombre d'entre nous vont devoir
baisser le rideau". De 20% leur marge a été ramenée à 15%, et les
charges ont augmenté. Depuis trente ans qu'elle exerce ce métier, Nina
n'a jamais été aussi pessimiste.
Une centaine de médicaments ont disparu du marché
Les grands laboratoires ont beau jurer qu'ils n'ont rien changé à
leur politique vis-à-vis de la Grèce, tout le monde pense le contraire.
Méfiantes, ces firmes demandent désormais à être payées d'avance elles
aussi. Ou bien stoppent la livraison de certaines références, estimant
trop bas les prix exigés par le gouvernement.
Plus d'une centaine de médicaments auraient ainsi purement et
simplement disparu du marché. "Ma mère, dit Nina, prend un traitement
pour son rythme cardiaque et on ne peut plus le trouver. Le docteur lui
en a prescrit un autre. Mais elle a 90 ans et son cœur fait des up and
down."
Jean-Baptiste Naudet, Nicole Pénicaut et Maud Vidal-Naquet
Quoi de mieux, en effet, dans la logique eugéniste des oligarques, que de faire périr les "inutiles" ou les "malades chroniques" par le manque d'argent résultant de "leur crise fabriquée" ?
RépondreSupprimerLe peuple résigné à la misère ne s'indigne pas de l'euthanasie insidieuse programmée par la "Troïka" et par les "décideurs économiques et financiers".
La Grèce sert de laboratoire pour ce qui va ensuite se généraliser...
L'ami Pierrot