23 octobre 2011

Génération 1000 euros

Le roman d’Alessandro Rimassa et d’Antonio Incorvaia, publié sur Internet en 2005, n’est pas seulement devenu le livre culte des jeunes qui vont sur leurs trente ans, il a également donné son nom à un phénomène européen.

En Italie, ils font partie de la "Generazione 1000 Euro". En France, on parle de "génération précaire" et en Espagne de "mileuristas" pour qualifier ces jeunes qui se retrouvent en quête d’un emploi. Très rares sont les hommes politiques qui veulent s’engager sur ce dossier, et portant la situation est alarmante : le taux de chômage des jeunes âgés de 15 à 24 ans s’établit à 18 %, soit deux fois la moyenne toutes tranches d’âge confondues. Ce taux atteint même 20 à 30 % en Pologne, en Grèce, en Italie et en France.
Par le passé, les jeunes diplômés mettaient environ deux ans avant de décrocher un emploi, alors qu’aujourd’hui, il faut compter cinq à dix ans.

En dépit d’une formation de qualité, la plupart des jeunes de la "génération précaire" ne trouvent pas d’emploi stable à la fin de leurs études mais uniquement des stages. Nombreuses sont les entreprises qui exploitent impudemment les stagiaires, théoriquement là pour apprendre mais trop souvent considérés comme de la main d’œuvre ordinaire, à un détail près : elle n’est pas rémunérée. Puis les contrats à durée déterminée (CDD) se succèdent, entraînant un manque chronique d’argent, une absence de perspectives d’avenir et une inévitable frustration. Même un concept comme le temps libre n’a plus de sens car ceux qui veulent avoir une chance sur le marché du travail actuel doivent être flexibles et disponibles 24 heure sur 24.

Dans presque tous les secteurs, on retrouve des intérimaires qui pendant des années enchaînent les CDD. Alessandro Rimassa et Antonio Incorvaia, les auteurs de "Generazione 1000 Euro", ont eux-mêmes fait partie du lot une fois leurs études achevées. De cette recherche d’emploi de plusieurs années, ils ont tiré un livre qui reflète bien l’état d’esprit des jeunes Italiens et qui a été par la suite traduit en néerlandais, en anglais et en allemand.
Le succès du livre n’est pas une surprise car la situation en Italie est particulièrement préoccupante. Dans la plupart des pays européens, ce sont surtout les jeunes les moins qualifiés qui rencontrent des difficultés. Mais en Italie et en Grèce, les plus touchés sont les diplômés de l’enseignement supérieur (d’après les Statistiques 2004 de la Population Active de l’OCDE). Les sociologues estiment à 3,5 millions le nombre de jeunes appartenant à la génération précaire. Pour le Professeur Emilio Reyneri, sociologue du travail à l’Université de Milan, cette situation est due à un marché du travail peu porté vers les hautes technologies : "L’Italie investit deux fois moins que les autres pays industrialisés dans la recherche et le développement. Notre économie est majoritairement composée de petites entreprises, ce qui l’a sauvée dans les années 1970 et 1980. Mais la demande de ces entreprises en main d’œuvre qualifiée est beaucoup trop faible." Et contrairement aux autres pays, il n’existe en Italie aucun soutien financier destiné à venir en aide aux salariés mal rémunérés en situation de précarité.

Quelles que soient les raisons invoquées dans les différents pays - la crise économique, les défaillances du système éducatif, le manque de qualifications décisives, l’incapacité générale à réformer le système, les problèmes de répartition entre les générations – l’Europe tout entière refuse à ses jeunes une place dans la société, et très peu de responsables politiques sont prêts à défendre leur cause.
Une conséquence de cette situation est d’ores et déjà prévisible. En effet, avec le vieillissement croissant de la population, la sécurité sociale est portée par de moins en moins de personnes. Des impôts – qui profiteraient à l’ensemble de la population –, les jeunes "smicards" n’en payent presque pas, car leur revenu est trop faible. Et alors que cette génération attend de pouvoir enfin trouver un emploi, son poids dans la population se réduit : l’Italie a l’un des taux de natalité les plus faibles d’Europe et les enfants y sont un luxe que de moins en moins de personnes peuvent se permettre.

En fin de compte, les auteurs de "Generazione 1000 Euro" sont devenus les porte paroles d’un état d’esprit, mais ils se projettent dans l’avenir avec une pointe d’optimisme italien. Alessandro Rimassa pense que la prochaine génération s’accommodera mieux de ces incertitudes : "De cet état d’urgence, on tirera une vertu, celle de l’adaptabilité. De fait, la plupart des individus n’en ressentiront plus de frustration."

1 commentaire:

  1. "les enfants y sont un luxe que de moins en moins de personnes peuvent se permettre"
    Une assertion que je trouve vraiment pessimiste. Sachant que l'avenir c'est aussi les enfants, je trouve que nous allons perdre le sourire dans très rapidement. Apparemment si l'auteur ne sait pas ce que cela signifie avoir des enfants heureux dans la maison, les gazouillements d'un enfant, les problèmes générés par un enfants font partie du bonheur qu'un enfant apporte.
    Ne pas avoir d'enfant est aussi une grande tristesse pour une femme.
    Un évènement difficile à vivre pour des parents est malgré les problèmes engendrés par les enfants est lorsqu'ils quittent le nid.
    Je crois que cet article dans son grain d'optimisme devrait inclure aussi que les enfants savent se débrouiller avec ce qu'ils ont en main et qu'avoir des enfants pour des enfants est aussi un droit à l'humanité.
    Ne pas en avoir par calcul est aussi une frustration. Il vaudrait mieux se castrer chimiquement ou plus simple: ne pas exister.

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