01 novembre 2024

Transport : taxer plus pour détruire un pays

La Grève, la grande œuvre de Ayn Rand, est censée être un roman. Depuis que le budget est en discussion à l’Assemblée nationale, la dystopie devient une réalité. Dans cette fresque américaine, les politiciens s’attaquent au rail, le cœur battant de l’Amérique, car le train permet les transports de marchandises et de personnes, donc la vie. Hank Rearden, l’un des acteurs principaux de la filière train, ne cesse d’alerter sur les conséquences dramatiques que les réglementations et les législations font peser sur le transport et donc, à terme, sur la puissance américaine.

Rien n’y fait. Les réglementations sont toujours plus contraignantes. Et plus il y a d’accidents, à cause de ces réglementations, et plus les règlementations augmentent. Jusqu’au jour où Rearden et les autres font la grève, c’est-à-dire cessent de payer l’impôt, et rejoignent John Galt.

La vie de l’hémicycle, hélas, s’apparente de plus en plus à La Grève, mais en version réelle. Les attaques contre le transport : la voiture, le bateau, l’avion détruisent la compétitivité des entreprises et à terme la puissance française. Tout cela pour combler un déficit sans fin parce que les députés n’ont pas le courage de baisser les dépenses de la France.

Avion : détruire par sadisme

Un petit détour par la théorie géopolitique est nécessaire.

En géopolitique on étudie, notamment, les espaces, les points et les lignes. Les espaces, ce sont les pays, les villes, les lieux. Les points, ce sont les centres de décision : les aéroports, les ports, les usines, les lieux de pouvoir. Les lignes, c’est ce qui relie les points et traverse les espaces. Plus il y a de lignes, plus il y a de puissance. Couper les lignes, notamment en s’attaquant au transport, c’est couper la puissance.

Une anecdote permettra de le comprendre.

Il y a quelque temps je me rendais au Kazakhstan. Pour s’y rendre, la voie la plus directe est de faire Paris / Istanbul, Istanbul / Astana. À Paris, dans l’avion qui reliait Istanbul, les voyageurs étaient essentiellement des Africains. Ceux-ci n’allaient pas en Turquie, mais se rendaient au nouvel aéroport turc pour prendre ensuite une correspondance pour relier la Côte d’Ivoire, le Cameroun ou le Sénégal. Les personnes interrogées m’expliquèrent que ce voyage était certes plus long qu’un vol direct Paris / Afrique, mais moins cher. Autrement dit, Roissy Charles-de-Gaulle, qui tient encore son rang de premier aéroport d’Europe, est en train d’être détrôné par Istanbul dans les liaisons avec l’Afrique.

On le comprend. Le nouvel aéroport d’Istanbul a été conçu comme la vitrine et le levier de la nouvelle puissance turque. Il a vocation à devenir l’un des principaux aéroports au monde, en devenant le hub vers l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie centrale.

Roissy est ainsi en concurrence non seulement avec Londres, Amsterdam et Francfort, mais aussi avec Istanbul et Dubaï. La décision du gouvernement d’augmenter la taxe sur les billets d’avion de 9,5€ pour les vols en Europe à 120€ pour les vols internationaux est ainsi un coup de poignard planté dans l’industrie aéronautique. Roissy va perdre sa compétitivité au détriment des autres aéroports.

C’est oublier qu’un aéroport n’est pas qu’un lieu de transit de passagers. Roissy, c’est 80 000 emplois directs. C’est-à-dire des hôtels, des restaurants, des boutiques, toute l’activité économique nécessaire au fonctionnement d’un aéroport, mais aussi des sièges sociaux d’entreprise et des emplois indirects. Si à cela s’ajoutent les hausses fiscales prévues sur les entreprises, cela va faire beaucoup de raison de se délocaliser ailleurs en Europe, ou bien à Istanbul.

Dans des propos rapportés par Le Figaro, le ministre des Transports dit ceci :

«Beaucoup de Français ne comprennent pas pourquoi le billet de train est plus cher que le billet d’avion dans le cas d’un certain nombre de compagnies low cost».

Réponse donc du gouvernement : augmentons le prix du billet d’avion afin qu’il soit aussi cher que le train. On pourrait lui répondre que la libre concurrence sur les lignes ferroviaires permettrait une baisse des prix et une amélioration de la qualité, comme c’est le cas avec Trenitalia sur la ligne Paris / Lyon où le billet business est au même prix qu’un billet en seconde de la SNCF (avec en plus un café et un petit-déjeuner offert). Un billet de train Rome / Florence, durée 1h30, est là aussi deux fois moins cher qu’un billet Paris / Angers, dont la durée en train rapide est aussi de 1h30.

Augmenter les taxes va donc non seulement pénaliser le secteur économique et industriel, mais aussi l’ensemble des Français qui prennent l’avion pour leurs vacances. À quoi s’ajoute aussi la politique désastreuse sur les ports.

Ports : la France prend l’eau

Disposer d’un acteur de classe mondiale comme la CMA-CGM est une grande chance. Le transport maritime représente près de 90% des échanges mondiaux. Entre 1970 et 2021, le fret mondial est passé de 2 605 millions de tonnes à 10 985 millions. Dans le même temps, le transit des ports français a stagné. Le livre de Paul-Antoine Martin, Le Clan des Seigneurs, explique très bien comment une caste de hauts fonctionnaires a fait main basse sur les ports de France et a empêché tout développement. À tel point que la France ne dispose d’aucun port de classe mondiale, Marseille et Le Havre étant très loin de Rotterdam et de Singapour.

Là aussi, la modification de la fiscalité en supprimant la taxe au tonnage et en créant un impôt « exceptionnel » sur les bénéfices va laminer les investissements possibles du secteur maritime. Alors que la France, notamment avec ses outre-mer, devrait être un pays maritime de rang mondial.

La même hystérie s’empare régulièrement des autoroutes, que certains voudraient nationaliser, alors que nous disposons, grâce à une bonne gestion des entreprises concessionnaires, d’un réseau de grande qualité, très bien entretenu, disposant d’aires de repos confortables. Ce qui est très loin d’être le cas de l’Italie et même de l’Allemagne. À ceux qui se plaignent des tarifs de péage, il faut rappeler que 50% du prix du péage est composé de taxes. Autrement dit, si ces taxes étaient supprimées, le prix pourrait être divisé par deux. De quoi favoriser les échanges et donc l’activité économique. Toute limitation des transports est une limitation de la puissance.

Jean-Baptiste Noé

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