28 novembre 2024

Les vagues médiatiques annonçant la « 3eme guerre mondiale » visent à cacher les succès russes en Ukraine

Un scandaleux déluge de propagande exagérée annonçant la Troisième Guerre mondiale frappe les réseaux sociaux. Chaque expert s’arrache les cheveux devant une multitude de reportages criblés de canards, sortis entièrement de leur contexte, délibérément mal interprétés, ou annoncés avec des gros titres bidons pour les personnes qui ne lisent pas le contenu réel de l’article.

Démystifions les trois principaux de la série:

« Zelensky va recevoir des armes nucléaires !

Cela vient d’un article désespéré du NYT qui cite ce qui suit :

Plusieurs fonctionnaires ont même suggéré que Biden pourrait rendre à l’Ukraine les armes nucléaires qui lui ont été prises après la chute de l’Union Soviétique. Cela serait un déterrent instantané et énorme. Mais une telle décision serait difficile à mettre en place et aurait de sérieuses conséquences.

C’est soit un travail de troll fait par un initié, soit simplement de l’amateurisme pur et simple de la part du journaliste. Comment Biden peut-il renvoyer des armes nucléaires russes en Ukraine ? Cela n’a même pas de sens et est le plus absurde des psyops actuels cherchant à provoquer la panique.

Quoi qu’il en soit, cette stupide blague est habilement formulée pour essayer de donner l’impression que Biden en a déjà discuté ou l’a envisagé. Rien de tel : le « fonctionnaire anonyme » ne fait que le suggérer en son nom propre et essaie de faire passer cela pour une idée de Biden. Ce n’est qu’un fantasme amateur grossier de la part de l’auteur de l’article ou d’un fonctionnaire anonyme, à rejeter comme il se doit.

Mais comment cela a-t-il été si amplifié ? Simple : quand il a été ressassé par le tristement célèbre “téléphone arabe” dans d’autres endroits, le libellé a été légèrement modifié pour refléter de plus en plus que l’administration elle-même était déjà en pourparlers pour fournir des armes nucléaires à l’Ukraine. Par exemple, cette version de ZeroHedge fait référence au même article ci-dessus mais lui donne un avantage beaucoup plus définitif :

Selon le NYT, des fonctionnaires étasuniens et européens ont discuté d’une série d’options qui, pensent-ils, empêcheront la Russie de prendre plus de territoire ukrainien, entre autres en fournissant des armes nucléaires à Kiev. Le journal rapporte que ces fonctionnaires occidentaux estiment que le Kremlin ne fera pas monter les enchères avant que Trump ne soit installé président en janvier.

Des responsables américains et européens ont discuté…y compris de fournir à Kiev des armes nucléaires—” tout en renvoyant à l’article du NYT ci-dessus. Pourtant, nulle part dans cet article cela n’est ”discuté“, plutôt proposé de manière anodine par l’auto-insertion d’un auteur ”anonyme« .

Des troupes françaises et britanniques en Ukraine !

Ce canard est tout aussi spécieux. Cela découle de l’article très provocateur publié, en anglais, par Le Monde:

Des discussions sur l’envoi de troupes européennes en Ukraine sont relancées.

Avec la perspective d’un désengagement étasunien, suite au retour de Donald Trump à la Maison Blanche, Paris et Londres n’excluent pas de diriger une coalition militaire en Ukraine.

Le problème est que c’est un nothingburger total. Tout ce battage médiatique découle de cette seule réponse jetée à une question, tirée de l’article:

Il y a des commentaires en lignes à propos de ceux faits par le ministre des affaires étrangères français, Jean Noel Barrot, pendant sa visite à Londres du 22 novembre. Durant une interview à la BBC, le 23 novembre, il a demandé aux alliés occidentaux de « ne pas définir et exprimer des lignes rouges » dans leur support à l’Ukraine. Lorsqu’on lui a posé la question de la possibilité d’envoyer des troupes françaises au sol, il a déclaré « nous ne rejetons aucune option »

Ainsi, un ministre français des Affaires étrangères est d’abord interrogé sur la possibilité d’envoyer des troupes et il suggère simplement, de son propre avis, qu ‘ “aucune ligne rouge ne doit être fixée”. Juste ça. Juste une autre suggestion vague ou l’application automatique de sa propre recommandation..

En fait, plus loin dans l’article, ils tentent de réduire les attentes en impliquant alors que de telles troupes ne seraient là que comme force de maintien de la paix, après la cessation des hostilités. C’est parce que Biden a montré qu’il voulait mettre ce conflit sur le dos de l’Europe, et Trump cherche à mettre en œuvre un cessez-le-feu le long de la ligne de contact. Donc l’idée est que les troupes européennes devront peut-être être envoyées comme une sorte de force de la KFOR :

Les réflexions françaises et britanniques sur cette question font écho au peu d’informations publiques qui ont filtré sur les intentions de Trump concernant l’Ukraine, au-delà de sa volonté déclarée de régler la guerre « en 24 heures« . Le 6 novembre, le Wall Street Journal rapportait les propos anonymes de trois membres de l’équipe du président élu. Ils y décrivent un plan selon lequel, après un cessez-le-feu, la ligne de front pourrait être transformée en une zone démilitarisée, avec le soutien d’une force de maintien de la paix.

Encore une fois : foutaise totalement trompeuse pour construire une montagne psyop à partir d’une souris.

Oups:

Le Royaume uni et la France sont en pourparlers pour déployer des troupes en Ukraine. Contexte. Il manque un contexte crucial qui peut tromper les lecteurs. Ils discutent du déploiement de troupes en cas de cessez-le-feu, pour participer activement aux combats, d’un coté ou de l’autre.

On a dit aux entreprises européennes de SE PRÉPARER À LA GUERRE [NUCLÉAIRE]!

Soupir. Un autre tas de bêtises déformées.

Toutes ces infox proviennent d’une seule citation de “l’amiral” Rob Bauer, chef du « Comité militaire de l’OTAN« . Ce gringalet non pertinent a miaulé quelque chose dans ce sens pour augmenter la parano :

Le chef du Comité militaire de l’OTAN, l’amiral Rob Bauer, a recommandé aux entreprises européennes de se préparer et d’ajuster leur travail en vue d’un éventuel conflit militaire avec la Chine. Un facteur clé de ce conflit sera la situation des entreprises européennes dans le remplacement des services et biens essentiels lorsque la Chine cessera de les fournir.

La Chine possède des gisements de 60% de toutes les terres rares et 90% sont traités là-bas. Également en provenance de Chine, les principaux fournisseurs de produits chimiques pour sédatifs et anti-inflammatoires, antibiotiques et médicaments pour l’hypotension artérielle

« Nous sommes naïfs si nous pensons que le Parti communiste chinois n’utilisera jamais ce pouvoir« , a conclu Rob Bauer.

Vous avez bien lu—il faisait référence à un futur conflit avec la Chine—et ses bêtises n’avaient absolument rien à voir avec la guerre ukrainienne. Mais voyez à quel point il est facile d’enchaîner un tas de canards disparates dans une tempête de feu pour annoncer une « guerre nucléaire« .

Il y a quand même une histoire un peu réelle le long de cette tactique. C’est celle de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN qui a adopté une résolution appelant à transférer des missiles à moyenne portée à l’Ukraine. Mais ce n’est rien de contraignant ou de concret, simplement une sorte de mouvement performatif :

L’Assemblée parlementaire de l’OTAN a adopté une résolution appelant au transfert de missiles à moyenne portée (1000-5500 km) vers l’Ukraine.

Plus tôt, Zelensky avait demandé des Tomahawks aux États-Unis.

La résolution, bien sûr, n’oblige à rien, mais l’escalade verbale continue️ ️

Pour mémoire, il n’est pas vraiment possible de transférer des Tomahawks en Ukraine. Ces missiles ne peuvent être tirés que depuis des navires de guerre américains ou des sous-marins nucléaires. Bien sûr, les nouveaux tubes MK 41 VLS de la variante terrestre Aegis Ashore peuvent les tirer, mais il n’y a que deux installations de ce type sur terre, à Deveselu, en Roumanie, et dans la nouvelle installation en Pologne. Il est douteux que l’Ukraine en obtienne un, et même si c’était le cas, ce serait une installation facile à détruire.

Les tomahawks représentent le système de missiles phare de l’Empire américain et leur dernière ligne de défense. Il est donc douteux qu’ils en donnent à l’Ukraine. Les États-Unis n’ont pas d’autre système de missile extrême à longue portée comme celui-là ; LRSO n’est pas encore sorti, JASSM est inférieur à 1000 km (et seulement dans la variante JASSM-ER de toute façon), AGM-129 est à la retraite, et AGM-86 n’a qu’une longue portée de ferry en comptant la portée de son engin de livraison (B-52,etc.).

Encore une fois, il s’agit principalement d’un nothingburger, bien que les États-Unis envisagent probablement de donner le JASSM dans un proche à moyen terme. Mais tout dépend de quelle variante, la variante à autonomie non étendue a une autonomie d’environ 300 km—pas très impressionnante. Et encore une fois, l’Ukraine semble terrifiée à l’idée de faire voler ses jets n’importe où près de la frontière russe, ce qui limite encore plus leur portée car ils sont obligés de les tirer depuis le Dniepr.

Les États-Unis pourraient élargir la gamme d’armes transférées aux forces armées ukrainiennes. Le sujet a de nouveau été soulevé, disant que Washington est « proche d’une décision de transférer des missiles JASSM en Ukraine. » On ne sait pas encore quelle version ils prévoient de transmettre – celle avec une autonomie de 360 km ou celle de plus de 900 km. JASSM est fabriqué par Lockheed Martin, qui a reçu un nouveau contrat de 130 millions de dollars à la fin de l’été pour augmenter la production de ces mêmes missiles. Les JASSM sont lancés à partir de chasseurs F-16, qui, comme on le sait, sont déjà utilisés en Ukraine. La conclusion de tout cela est plus qu’évidente ; la destruction des porteurs de missiles de croisière occidentaux et la destruction des infrastructures des aérodromes sont nécessaires à la sécurité des villes russes.

***

Quant à la ligne de front, les choses empirent de plus en plus. Un officier ukrainien en fait sur le front rapporte que bientôt Koursk sera envahi :

Dans un très proche futur nous nous attendons à une avance russe massive et, selon moi, réussie sur notre flanc dans la région de Koursk. Deux divisions, une brigade et une brigade maritime vont lancer un assaut et exécuter de nombreuses manœuvres.

Un autre compte UA se plaint :

La guerre est terrible, honnêtement. Ça n’a jamais été aussi dur que maintenant depuis tout ce putain de temps. Les gens partent en meute, puis ils l’annoncent simplement avec la phrase standard : absent. Mais non. Ils ne le disent même plus. Tout le monde comprend tout de toute façon. Je veux vraiment croire que Zelensky est juste trompé. Sinon, s’il est vraiment conscient de la situation au front, je ne peux pas appeler cela autrement que l’extermination de son propre peuple.

Pendant ce temps, Julian Roepcke démystifie par inadvertance les « pertes russes élevées » lors des assauts en admettant que seulement 10 soldats russes capturent des centres-villes entiers sans résistance :

Comment est-ce possible ? Comment 10 soldats russes ont brisé la défense ukrainienne au centre de Kurakhove. Je ne comprends pas. Si vous ne voulez pas que votre armée fasse du combat homme à homme pour protéger vos villes stratégiques, alors laissez tomber et négocier votre capitulation.

Des avancées majeures ont été enregistrées, la Russie détenant désormais près de la moitié de Kurakhove et capturant la plupart des plaines ouvertes au sud et au sud-est :

Mais la plus grande surprise a été les avancées soudaines autour de Velyka Novosilka qui ont pris les Ukrainiens au dépourvu.

Non seulement Rozdolne a été capturée au nord, mais les Russes ont fait une percée choc aux abords est de la ville de Velyka Novosilka elle-même, s’intégrant et lançant le combat pour la ville pour la première fois :

Il y a eu de nombreux autres petits gains, y compris plus à l’ouest autour de Robotino, où l’Ukraine continue de s’attendre à une attaque russe beaucoup plus importante dans un proche avenir. Biletsky, dirigeant d’Azov, explique:

Voir la video en anglais dans le blog

Cependant, il y a également eu quelques petits revers. Dans un rare dérapage tactique, les forces russes ont été expulsées de leur nouvelle percée à Kupyansk après que les FAU aient réussi à amener des réserves. Mais ils sont toujours à la périphérie de la ville et dans une position favorable par rapport à il y a plusieurs semaines.

Simplicius

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