Les plastiques dits « compostables » ou « biodégradables » sont vendus à la tonne pour redorer le blason écologique des fabricants. Mais il y a un hic. Plusieurs d’entre eux ne se dégradent que dans certains environnements contrôlés, alors que dans la nature, où ils aboutissent, la réalité est tout autre.
C’est ce que constatent des chercheurs de l’Institut océanographique Scripps à San Diego dans leur article publié mercredi dans la revue PLOS One.
Des soi-disant bioplastiques
n’ont pas le moindre signe de biodégradation après avoir passé plus
d’un an dans l’océan, démontrent les expériences effectuées par les
auteurs.
C’est du greenwashing
,
ou écoblanchiment, dénonce la Québécoise Sarah-Jeanne Royer, autrice
principale de l’étude, qui a mené cette recherche dans le cadre de son
postdoctorat à l’institut californien. Beaucoup de gens vont
croire qu’en utilisant ces bioplastiques, leur produit sera bon pour la
planète et va se dégrader s’il se retrouve dans l’environnement, mais
pour ça, on a besoin de conditions de compostage très particulières.
Recette différente, mêmes résultats
Un rapport de la firme Research and Markets prédit d’ailleurs que le marché global de fibres synthétiques connaîtra une croissance de plus de 7 % en quatre ans, de 2021 à 2025. Une vaste partie de ces fibres se retrouve dans les eaux usées, notamment par l'intermédiaire des machines à laver qui ne parviennent pas à les filtrer, et est par la suite acheminée dans les océans.
L’acide polylactique (PLA), fabriqué avec de l’amidon végétal, est couramment utilisé comme substitut plus vert
des plastiques à base de pétrole. La nouvelle étude n’abonde toutefois pas dans ce sens.
Après 428 jours dans l'eau de mer, les textiles faits de PLA, tout comme ceux formés de polyester, ne présentaient aucun signe de dégradation : le diamètre des fibres n’avait pas diminué et l’empreinte chimique, servant à indiquer la composition moléculaire, ne montrait pas la moindre transformation.
Le PLA se dégrade seulement s’il est soumis à des températures et à des pressions très élevées, ce qui n’est pas le cas dans les milieux où il aboutit généralement, remarquent les auteurs.
Ces résultats soulignent à quel point le langage employé pour qualifier les plastiques est crucial
, estime le biologiste marin Dimitri Deheyn, qui a participé aux travaux.
Les
fabricants devraient avoir à fournir aux clients toute information sur
la biodégradabilité de leurs produits, renchérit Sarah-Jeanne Royer. Lorsqu’on
achète une boîte de conserve, on sait exactement tout ce qu’il y a à
l’intérieur en raison des lois mises en vigueur, explique-t-elle. Mais
au niveau de produits comme le textile, il n’y a pas vraiment de norme
environnementale pour bien informer les clients.
Autres substituts
D’autres options souvent présentées comme solutions de rechange au plastique traditionnel ont été mises à l’épreuve par les chercheurs.
Les textiles fabriqués à base de cellulose naturelle ont fait meilleure figure que le PLA. Ils se dégradaient complètement en à peine un mois.
Les auteurs notent cependant que les matériaux analysés ne contenaient pas d’additifs. Or, les entreprises incorporent souvent des nanomatériaux, entre autres pour améliorer la protection contre l’eau et les rayons ultraviolets. Ces ajouts peuvent rallonger le temps de dégradation des produits, voire les rendre carrément non biodégradables.
Certains fabricants se targuent plutôt de se servir de mélanges de cellulose naturelle et de plastique. Selon l'étude, seule la partie naturelle de ces mélanges parvient à se biodégrader.
Réduire à la source
Les
recherches de l’Institut océanographique Scripps ne sont pas les
premières à montrer les limites de la production de plastiques
prétendument plus verts
.
En 2019, des chercheurs de l'Université de Plymouth au Royaume-Uni révélaient que plusieurs sacs de plastique vendus comme biodégradables
ou compostables
étaient encore, après trois ans passés dans la nature, en suffisamment
bon état pour transporter près de cinq livres de provisions.
Selon Sarah-Jeanne Royer, ces divers résultats montrent l’importance de tests standardisés pour vérifier si les plastiques dits biodégradables
le sont véritablement. Mais, outre les normes en place, les efforts
devraient à la base se concentrer sur une réduction de la production et
de la consommation de plastique, bio
ou non, martèle la chercheuse.
Si on prend l’industrie de la mode, par exemple, c’est la deuxième la plus polluante au monde
, affirme-t-elle. Il faut acheter moins, et lorsqu’on le fait, il faut être bien renseigné pour pouvoir miser sur des matériaux de qualité.
Mme Royer a également décidé de mettre la main à la pâte pour s’attaquer à la pollution plastique déjà présente. Elle fait partie de l’organisme à but non lucratif Ocean Cleanup, qui sillonne les océans pour en extraire les déchets de plastique. Plus de 100 000 kg ont été retirés à ce jour.
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