Les autorités tchadiennes ont nationalisé la « fille » du géant pétrolier et gazier américain Exxon Mobil. Jusqu’à récemment, le Tchad était considéré comme le principal pilier de l’Occident en Afrique centrale. Alors, quel est le pays qui obtiendra les puits saisis à Exxon Mobil ? Et est-il logique que nos pétroliers les revendiquent ?
Le président par intérim de la République du Tchad, Mahamat Deby, a publié un décret portant sur la saisie par l’État sur tous les actifs de la société américaine Exxon Mobil situés dans le pays. Selon le site russe Kommersant, la filiale d’Exxon Mobil au Tchad est donc passée sous le contrôle des autorités. Selon Tchad Infos, « tous les actifs et tous les droits de toute nature découlant des conventions, permis d’exploration, permis d’exploitation et permis de transport d’hydrocarbures d’ESSO Exploration et Production Chad Inc. ont été nationalisés ».
Le différend sur les actifs est survenu en décembre dernier. Puis, le géant américain a annoncé la vente, au Britannique Savannah Energy, de tous ses actifs au Tchad et au Cameroun voisin. L’accord était évalué à 407 millions de dollars, mais le gouvernement tchadien l’a contesté, invoquant des désaccords sur les termes du contrat. Les autorités ont en effet bloqué la possibilité pour les Britanniques de travailler au Tchad, et plusieurs employés de Savannah Energy ont été expulsés du pays.
Le président par intérim de la République du Tchad, Mahamat Deby, a publié un décret portant sur la saisie par l’État sur tous les actifs de la société américaine Exxon Mobil situés dans le pays. Selon le site russe Kommersant, la filiale d’Exxon Mobil au Tchad est donc passée sous le contrôle des autorités. Selon Tchad Infos, « tous les actifs et tous les droits de toute nature découlant des conventions, permis d’exploration, permis d’exploitation et permis de transport d’hydrocarbures d’ESSO Exploration et Production Chad Inc. ont été nationalisés ».
Le différend sur les actifs est survenu en décembre dernier. Puis, le géant américain a annoncé la vente, au Britannique Savannah Energy, de tous ses actifs au Tchad et au Cameroun voisin. L’accord était évalué à 407 millions de dollars, mais le gouvernement tchadien l’a contesté, invoquant des désaccords sur les termes du contrat. Les autorités ont en effet bloqué la possibilité pour les Britanniques de travailler au Tchad, et plusieurs employés de Savannah Energy ont été expulsés du pays.
La Chine est déjà sur les rangs …
Pour Igor Iouchkov, expert à l’Université financière du gouvernement de la Fédération de Russie et au Fonds national de sécurité énergétique, « la composante politique de ce décret est assez forte. Mais, très probablement, il s’agit plutôt d’une question interne et non externe. Le nouveau président, Mahamat Deby (dit Deby Junior), est une personnalité plutôt de type « expressif ». Peut-être avait-il besoin de montrer au peuple que c’est un homme fort, et qu’il peut décider du sort de grands projets ».
Par ailleurs, ces dernières années, les entreprises américaines et d’Europe de l’Ouest ont massivement quitté l’Afrique, notamment à cause des projets pétroliers, rappelle Iouchkov. Il poursuit en soulignant que « leur place est généralement prise par des entreprises chinoises. À cet égard, l’Afrique n’est perçue que comme un champ de bataille entre l’Occident et la Chine. Et le Céleste Empire est en train de gagner cette bataille, y compris dans les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre : Tchad, Cameroun, Nigeria. Il est possible qu’en fin de compte les actifs d’Exxon Mobil aillent aux Chinois ».
Mais le Tchad n’a pas accès à la mer et doit livrer son pétrole par un pipeline au Cameroun
Certes, il y a un problème : le Tchad n’a pas accès à la mer, rappelle Iouchkov : « Le Tchad livre le pétrole produit à la côte atlantique par un tuyau passant par le Cameroun. Et la partie camerounaise de l’oléoduc reste toujours la propriété d’Exxon Mobil. Autrement dit, soit les Américains, soit les Britanniques, en tant que nouveaux propriétaires, peuvent dire : « Puisque vous avez nationalisé nos actifs là-bas au Tchad, pourquoi devrions-nous vous permettre de continuer à distribuer du pétrole par notre oléoduc ? Nous allons couper le tuyau pour vous. Il faut toutefois préciser que les volumes de pompage eux-mêmes sont faibles : 6 millions de tonnes. Antérieurement, en 2005, le Tchad produisait environ 9 millions de tonnes ».
D’où cette remarque de l’expert : « Il y a un problème des deux côtés. Admettons qu’ils ferment le tuyau. Or, ensuite, cela commence à générer des pertes. Vous ne pouvez rien faire avec cet actif. Formellement, du point de vue du droit occidental, vous restez propriétaire du pipeline. Cependant, il reste inscrit à votre bilan sans aucun profit. Il est donc possible que les Occidentaux soient obligés de négocier avec les Chinois. Ces derniers n’auront tout simplement qu’à passer un accord avec les nouveaux propriétaires des actifs au Tchad. Le président Deby Jr. redéfinira sans doute la situation en déclarant que « ce n’était pas vraiment une nationalisation, mais juste un gel. Et maintenant, j’apprécie les termes du nouveau contrat et je l’approuve. Il s’avère que le désengagement en faveur de l’État est devenu un outil qui nous a permis de déprécier les actifs américains pour ensuite les revendre aux Chinois pour un sou ». De fait, selon l’expert,il existe une dépendance mutuelle à la fois entre les propriétaires du tuyau – les Anglo-Saxons – et les autorités du Tchad. Aucun de ces deux pays n’est en mesure d’utiliser les actifs. « Alors nous verrons bien qui survivra à qui », remarque Iouchkov.
La France était également présente sur le marché tchadien via Total Petroleum
Il convient d’expliquer que de vastes gisements de pétrole au Tchad ont été découverts par les Américains au milieu des années 1970. Exxon Mobil s’y est implantée il y a longtemps et a repris la gestion des champs pétroliers du Tchad au début des années 1980.
Idriss Deby, le père, arrivé au pouvoir en 1990, est devenu un allié fiable de l’Occident, principalement des États-Unis et de la France, et ce pendant des décennies. Le fait qu’il soit devenu le chef du pays à la suite de la rébellion n’a dérangé ni Washington ni Paris. Le secteur pétrolier occidental a activement investi ici : de nouveaux champs ont été développés, et en 2003 un oléoduc a été construit vers le Cameroun voisin, jusqu’à la côte atlantique. La construction a coûté 3,7 milliards de dollars à Exxon Mobil. « La France contrôlait également une part importante du marché pétrolier au Tchad via son géant, Total Petroleum », rappelle le site égyptien « Sasapost.com ». Paris a toujours défendu ses intérêts économiques au Tchad, car il s’agit d’un État pétrolier avec des réserves estimées à 1,5 milliard de barils, note la publication.
Cependant, au cours des dernières années du règne d’Idriss Deby, ses relations avec les pétroliers occidentaux ont commencé à se détériorer progressivement. Des querelles ont éclaté de plus en plus souvent, et Deby leur a imposé d’énormes amendes, prétendument pour non-paiement d’impôts. En même temps, des pétroliers de l’Empire du Milieu sont apparus au Tchad. En 2011, à N’Djamena, la capitale tchadienne, le géant chinois CNPC a construit la première raffinerie de pétrole.
Au printemps 2021, le président Idriss Deby, qui a régné pendant plus de 30 ans, est mort au combat avec les rebelles. Après cela, le pays a été dirigé par son fils de 37 ans, le général Mahamat Deby. Bien que la constitution du Tchad ait été violée, la France a quand même béni le nouveau dirigeant et le président Emmanuel Macron est même venu aux funérailles du père de Deby.
Mahamat Deby, un général 4 étoiles, était connu sous deux surnoms à la fois – l’un agréable et l’autre, pas vraiment… Dans les cercles militaires, il s’appelait « L’homme aux lunettes de soleil » (l’on dit que ce sont des lunettes de chez « Cartier »). Du côté des « méchants », on surnommait le nouveau chef « Grand-mère » (une anecdote prétend que les parents n’avaient pas le temps de s’occuper de l’enfant, et que c’est sa grand-mère qui a pris en charge le futur président).
Comme d’autres pays d’Afrique centrale, le Tchad refuse désormais la présence américaine
Le refus du Tchad et de l’Afrique centrale en général d’une présence américaine dense est une tendance forte, explique Natalia Piskunova, une experte de l’Afrique. « Pendant la guerre froide, quand il y avait deux pôles dans le monde, il était profitable pour les pays africains de jouer sur les deux tableaux. Soit dit en passant, N’Djamena l’a fait avec succès sous le précédent dirigeant. Mais de telles méthodes ne sont plus pertinentes. Aujourd’hui, les pays d’Afrique centrale peuvent entrer de manière indépendante sur les marchés internationaux – ressources, commerce, banque – sans prendre en considération les États-Unis. Les pays se concentrent de plus en plus sur la Chine, ainsi que sur le commerce entre eux. Ils n’ont plus autant besoin des États-Unis, de l’Angleterre et de la France que dans les années 1970 et 1980 » souligne Natalia Piskunova.
Quant au décret spécifique sur la nationalisation, il s’agit d’un geste « choc », d’un chantage ordinaire, estime l’expert. « Debi Jr. négociera désormais avec les États-Unis, disons, pour des prêts à des conditions favorables, ou pour des échanges en franchise de droits, etc. ».
D’autres prétendants à la reprise des actifs pétroliers : l’Arabie Saoudite, la Turquie et la Russie
En fait, le président démontre sa force, à la fois au peuple tchadien et aux dirigeants voisins, en leur faisant remarquer que « si un pays, y compris les États-Unis, ne fait pas de concessions, alors ses entreprises peuvent simplement être nationalisées », commente Piskunova. Cependant, il n’y a pratiquement pas d’ingénieurs et de spécialistes dans le pays capable de gérer les puits et les oléoducs. Aussi, ces actifs auront très bientôt besoin d’un nouveau propriétaire expérimenté, prévient-elle : « Bien sûr, le principal candidat est la Chine. Mais il y aura d’autres prétendants. Il s’agit de l’Arabie Saoudite et de la Turquie. Les deux pays ont leurs propres intérêts au Tchad », note Piskunova. Quant aux entreprises russes, elles ont également une chance de prendre leur part dans l’économie tchadienne. Cependant, elles devront manœuvrer entre les entreprises chinoises, saoudiennes et turques. « En principe, c’est possible, il y a des chances » souligne l’experte.
Cependant, de son côté, Iouchkov ne voit pas l’intérêt pour la Russie d’essayer d’obtenir des actifs des Américains : « Pourquoi faire ? » s’interroge-t-il. « Nos entreprises publiques comme nos entreprises privées se positionnent comme des acteurs internationaux mondiaux. Et puis une question se pose immédiatement : et si je suis poursuivi devant un tribunal international en tant qu’acheteur de biens volés » ? C’est d’ailleurs aussi un certain risque pour les géants chinois. Iouchkov pense néanmoins que, très probablement, des entreprises relativement petites, en provenance de Chine, postuleront pour reprendre ces actifs. « Ils n’ont pas si peur que ça » conclut-il.
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/03/29/les-etats-unis-perdent-le-petrole-africain-par-youri-zainashe/
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