06 janvier 2023

Pourquoi ChatGPT n’est pas qu’une intéressante curiosité

Le 30 novembre 2022 est une date à garder en tête : c’est ce jour que ChatGPT est officiellement devenu accessible à tous.

ChatGPT a été produit par OpenAI, une société créée en 2015 et qui s’est lancée dans l’intelligence artificielle. En janvier 2021, elle proposait déjà Dall-E, un modèle de traitement du langage entraîné sur un corpus de textes issus d’internet et capable de générer des images à partir de descriptions textuelles. À sa sortie, Dall-E a suscité beaucoup d’intérêt dans les médias et a été salué comme une avancée importante dans le domaine de la génération de contenu par ordinateur. Depuis, Dall-E a été rejoint par MidJourney ou StableDiffusion que j’ai déjà évoqués dans ces colonnes.

Avec ChatGPT, la société fait, là encore, un bond en avant : basé sur un moteur précédent (GPT3.0) dont l’entraînement a été réalisé avec des millions de documents en ligne, cette nouvelle version (aussi appelée GPT3.5) est, elle, entraîné sur un corpus de conversations – avec évaluation active des réponses par des humains – et elle est maintenant capable de générer du texte de manière fluide et naturelle à même de simuler une conversation humaine. Le modèle est utilisé dans un certain nombre d’applications, notamment la génération de réponses automatiques pour les chatbots et la création de contenu pour les réseaux sociaux.

Une application d’une puissance stupéfiante

Ceux qui ont testé l’application (en s’inscrivant ici par exemple) ne pourront qu’admettre l’écart maintenant stupéfiant qu’il y a entre ChatGPT et les précédents robots d’interaction fournis par certaines entreprises pour s’éviter un service clientèle coûteux. Non seulement, la conversation semble fluide, mais les réponses sont pertinentes et, à l’occasion, le robot peut même faire preuve d’humour :

Pour le moment, l’application n’est pas en réseau ouvert : les connaissances se basent sur des textes récupérés jusqu’en 2021, et le moteur n’a pas la possibilité d’aller directement sur internet pour accroître son savoir. On comprend qu’il s’agit d’une limitation arbitraire, même si les coûts de fonctionnement de cette application rendent impossible pour le moment une mise à l’échelle comme pour Google (qui offre une recherche pour des milliards d’utilisateurs tous les jours) ; on estime en effet que pour concurrencer Google de façon réaliste, ChatGPT devrait mobiliser des ressources informatiques avoisinant les 400 millions de dollars… par jour.

Ceci posé, compte-tenu du rythme actuel de développement de l’intelligence artificielle (rappelez-vous qu’une conversation cohérente et pertinente avec un programme informatique n’était pas envisageable il y a seulement 5 ans), il est raisonnable d’imaginer que peu d’années (moins d’une poignée) seront nécessaire pour atteindre ce niveau d’efficacité et d’optimisation : il est probable qu’en 2025, la classe moyenne dispose, au travers de son téléphone portable par exemple, d’un assistant personnel autrement plus malin qu’Alexa ou Siri, dans des proportions qui imposent la réflexion.

Et 2025 arrive très vite. À tel point que peu mesurent la vitesse et l’impact de cette technologie sur notre vie quotidienne.

Le précédent billet sur la réalisation d’images à partir d’une description sommaire avait déjà mentionné l’inquiétude grandissante des artistes devant ce qui apparaît maintenant comme un changement tectonique majeur. L’étape suivante, la production de vidéos à la volée, est déjà en cours de réalisation.

Couplée avec d’autres techniques comme le deep-fake qui permettent de recréer intégralement des acteurs connus (attitude, jeu, intonation, visage), il ne fait aucun doute que le Hollywood des années 2030 n’aura absolument rien à voir avec l’actuel dont on sent qu’il vit ses derniers mois : les acteurs célèbres vont de moins en moins tourner, et de plus en plus se contenter de négocier des droits sur leur visage, leur voix, leur personnalité s’ils en ont une, et ce jusqu’au moment où ils seront retirés de l’équation. Après tout, à quoi bon payer des fortunes et supporter parfois les caprices de celui qui peut être remplacé avantageusement par quelques grappes de serveurs loués à tarif fixe en fonction des besoins ?

Au-delà de cet aspect, d’autres professions vont devoir furieusement se remettre en question : comme on l’a vu, les modèles de traitement du langage actuels peuvent être utilisés de manière efficace pour générer du contenu de base ou pour effectuer certaines tâches de rédaction répétitives, mais ils ont encore du mal à comprendre le contexte et à produire du contenu original et créatif.

 

Cela ne va pas durer et le journalisme actuel, majoritairement fait de dépêches recrachées par les médias de grand chemin, n’aura bientôt plus aucune valeur tant la production de ce genre d’articulets comme des saucisses industrielles est simple pour un moteur comme chatGPT (au passage, certains paragraphes de ce billet ont d’ailleurs été générés par le moteur).

Que peut-on attendre de cette technologie ?

Petit-à-petit, des sociétés vont proposer de gros moteurs fournissant une base capable de comprendre 95% des requêtes des utilisateurs, le contexte humain indispensable (la plupart des concepts que nous utilisons tous les jours de façon naturelle, et qui permettent à nos conversations et nos besoins de s’exprimer de façon efficace), et d’autres entreprises se chargeront de fournir des briques adaptées à des traitements spécifiques : actualité, droit, mathématique, physique, médecine, biologie, etc. Ces briques seront probablement spécialisées à des niveaux plus fins encore pour correspondre à des besoins toujours plus pointus (depuis le droit civil ou le droit commercial en passant par la médecine nucléaire ou la médecine du sport, jusqu’aux différents domaines de mathématiques).

Vraisemblablement, certaines professions (très nombreuses, surtout intellectuelles au début) vont avoir du souci à se faire très rapidement (et on parle ici d’un horizon à 5 ans, peut-être 10 mais pas plus) et il n’y a aucun doute que les gouvernements seront de toute façon bien trop lents pour comprendre et réagir à ce qui va arriver.

Le 30 novembre dernier, le monde a complètement changé.

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